Manifs à Moscou

" En servant la Russie – je sers la loi ! "

Une jeune Russe qui court vers l'avenir à reculons Foto: Adam Jones Adam63/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 3.0Unp

(Marc Chaudeur) – La police russe a tapé dur ce week end. 1373 personnes ont été arrêtées, selon les associations humanitaires. Pourquoi de telles violences policières ? Et pourquoi à l’occasion de l’élection du Parlement de Moscou ?

A vrai dire, les scènes que l’on a pu voir se dérouler dans les rues de Moscou ne choquent pas vraiment plus que celles qu’on a pu déplorer dans les rues des grandes villes françaises depuis le mois de novembre. Mais la population visée et les cibles de cette répression ne sont pas les mêmes. Pourquoi une telle violence ? Il s’agit d’intimider l’opposition ; et la probable tentative d’empoisonnement du principal opposant, Alexej Navalny, va dans le même sens.

De quoi parle-t-on quand on parle du Parlement de Moscou ? L’expression peut sembler étrange : pourquoi ne parle-t-on pas de Conseil municipal ? Et particulièrement à Moscou ? C’est que Moscou est, pourrait-on dire, davantage qu’une ville : la Russie est une fédératon de 85 entités dirigées par un parlement et un exécutif, tous deux élus, et une cour constitutionnelle. De plus, Moscou appartient à un « district fédéral central » qui regroupe 17 oblasts (régions) : en tout, 39 millions d’habitants. Mais surtout, Moscou est l’un des 3 villes «  d’importance fédérale » de Russie : elle est administrée comme un oblast, avec donc parlement, gouvernement local et experts constitutionnels. 2 autres villes partagent ce statut : Leningrad et, depuis l’annexion de la Crimée… Sébastopol ! Ce qui n’est d’ailleurs reconnu que par quelques Etats alliés et vassaux.

Voilà qui explique la sensibilité du pouvoir russe au destin politique de Moscou : la capitale, en partie grâce à une organisation formellement admirable et très démocratique, est à la fois microcosme, nombril et point névralgique. Et bien entendu, symbole par excellence de la vieille, de l’ « éternelle » Russie. Que la vénérable Moskva soit gouvernée par l’opposition est une escarbille dans l’oeil droit de Poutine.

Il y a donc 2 manières de la rendre plus docile et plus conforme à ce que suggère la devise de la Police russe, notée plus haut, et objectivement de la plus intense ambigüité (« En servant la Russie – je sers la loi ! » Mais quelle loi ?). D’une part, ce que pratique sans cesse le régime de Poutine n’a cessé de pratiquer : la pression sur les députés du parlement, de la Douma de Moscou. Une pression qui va de l’aimable suggestion à des formes de chantage plus ou moins douces. Et d’autre part, il y a l’attaque frontale, brutale – ce qui s’est passé la semaine dernière, puisque le régime est allé, semble-t-il, jusqu’à faire intervenir les forces spéciales d’intervention urbaines, les OMON, très entraînées. Les Russes ne s’y sont pas trompés : la gravité de la répression tient à ce qu’elle s’exerce très directement sur la possibilité même de la démocratie « municipale » de Moscou. La violence de la répression policière n’avait pas eu d’égale depuis 2012.

Mais violence contre qui ? L’opposition ne cesse, depuis plusieurs semaines, de protester contre l’empêchement de se présenter aux élections qu’essaie de réaliser le pouvoir contre ses candidats. La Douma de 2014 (elle est élue tous les 5 ans) se compose d’une écrasante majorité de députés du parti au pouvoir, Russie Unie (28 sur 45), de 10 députés de la liste municipale « Mon Moscou », de 5 députés du Parti communiste, d’un ultra-nationaliste et d’un « libéral-démocrate » (très à droite, en réalité). Cette composition ne témoigne pas d’une opposition particulièrement forte… Et pourtant !

L’événement le plus préoccupant à l’égard de l’avenir démocratique de la Russie tout entière (les observateurs des meilleurs médias baltes et ukrainiens ne s’y trompent nullement), c’est l’arrestation, et le possible empoisonnement, du jeune candidat d’opposition Alexej Navalny, fondateur et représentant du parti Russie du futur, en proie aux calomnies provenant souvent du média de propagande poutinienne Russia today, qui semble influencer tant d’Occidentaux…, et aux procès bidons montés par le pouvoir depuis une dizaine d’années.Poutine éprouve et veut briser l’influence de Navalny, devenu une vraie autorité morale porteuse d’espoir, comme une véritable provocation.

Très préoccupant, ce qui se passe à Moscou actuellement.

 

 

 

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