Manoeuvres dans la Mer Noire – Qui veut la paix en Europe ?

L’OTAN et la Russie se menacent mutuellement en Europe Centrale. L’Europe préfère regarder ailleurs.

"La Paix avec la Russie" est marqué sur le pont "Stühlingerbrücke" à Freiburg. Foto: Eurojournalist(e) / Peter Küchler CC-BY-SA 4.0

(KL) – Voilà ce qui est devenu le conflit en Europe Centrale – la «Guerre Froide 2.0». Une nouvelle forme de conflit armée, avec une perméabilité surprenante pour le monde économique. Pour le reste, il s’agit de préparations d’une grande guerre, à l’instar de ce qui s’est passé le siècle dernier sur notre continent et que tout le monde s’était juré de ne jamais plus recommencer. Mais nous y voilà à nouveau. Et cela commence, comme toujours, par des conflits régionaux qui évoluent ensuite vers un feu de steppe.

Tous les ingrédients d’une nouvelle grande crise sont réunis : crise économique, chômage, conflits sociaux sur fond de précarité, tensions religieux-culturels, sentiment d’insécurité, tendances nationalistes, extrémistes, xénophobes – tout y est. Des budgets dits de «défense» et de «sécurité» sont ridiculement élevés. Des systèmes politiques dépassés par l’évolution rapide de l’économie. L’ensemble de ces paramètres caractérise autant la situation avant la Ière Guerre Mondiale que celle conduisant à la IIe Guerre Mondiale. Avec, bien entendu, des spécificités des époques respectives.

Il est donc inquiétant de voir les deux puissances principales engagées dans le conflit qui a éclaté dans l’Est de l’Ukraine avec l’annexion de la Crimée, mais qui est en train de se propager dans toute la région, se montrer les dents en organisant des «manoeuvres militaires». Dans la Mer Noire, l’OTAN et la Russie se montrent leurs armes, un comportement archaïque de belligérants avant la confrontation et ce, depuis que l’homme a inventé la guerre.

En ce qui concerne la Russie, elle organise des exercices de défense aérienne, impliquant 2000 soldats et ayant lieu autour de bases militaires en Arménie, en Géorgie et en Crimée. Difficile de faire moins indélicat. L’OTAN, lui, a envoyé une flotte comportant des bâtiments bulgares, roumains et turcs – difficile de faire moins indélicat.

Et voilà que l’Europe s’en va-t-en guerre. - Une guerre certes différente des fratéricides européens entre voisins du 20e siècle, mais une guerre quand même. Dans un format adapté aux réalités du 21e siècle, mais une guerre quand même. Une guerre ayant déjà fait de milliers de victimes dans la population civile. Une vraie guerre quand même. Une guerre parmi d’autres guerres, d’ailleurs. Toutes des guerres régionales auxquels nous nous sommes déjà habitués, en quelque sorte. Le conflit paléstino-israélien, par exemple, la narco-guerre au Méxique, par exemple, la guerre à de nombreux endroits que mène l’EI, toutes de vraies guerres. Cette guerre mondialisée entre maintenant dans une spirale toujours plus dangereuse au coeur de l’Europe.

L’impuissance de la société civile dans la gestation de ce conflit compte également parmi les parallèles à tirer entre les situations dans les années du début du siècle, les années «entre-guerre» et les années d’aujourd’hui. Peu de gens se disent favorable à ces conflits, le bon sens veut que nous voulons majoritairement la paix, la prospérité et la dignité pour tout le monde. Et pourtant, comme nos aïeux en Allemagne et en France, nous n’arrivons pas à stopper cette machine qui s’est mise en route.

Pour nous, en Allemagne, en France, ce conflit est encore géographiquement assez loin, il a surtout lieu dans les médias, et quand on est dégouté par les images à la télé, on peut zapper. Les gens en Ukraine qui essuyent les rockets, les tirs des snipers, les attaques de toute sorte, qui meurent dans les affrontements entre des soldats qui en partie, n’affichent même pas leur appartenance à une armée pour laquelle ils tuent et se font tuer, eux, ils ne peuvent pas zapper. Ils vivent ce que nos grand-parents et arrière-grand-parents nous ont parfois livré et souvent, gardé pour eux. Tout cela a lieu, aujourd’hui, dans le monde entier, et maintenant aussi à deux ou trois heures de vol de Paris ou de Berlin.

Alors – que fait l’Union Européenne ? Que font les responsables politiques que nous avons élus, nous, les 500 millions d’Européens qui majoritairement ne veulent pas de tueries ou de la misère ou la mort d’autrui, que font-ils pour lier les mains de ceux qui, par intérêt principalement économique, poussent l’Europe à nouveau dans une catastrophe humaine ?

Nous avons trop longtemps vécu dans le confort d’une illusion de paix en Europe, deux, trois, quatre générations ont pu soufflér en lèchant leurs blessures infligées par deux guerres mondiales dévastant à deux reprises et en peu de temps, le continent européen en affectant chaque histoire de famille en Europe et par conséquent, chaque individu. Et après ces expériences qui donc, font partie d’une manière ou d’une autre, de chacun d’entre nous, nous n’arrivons pas à empêcher la «troisième édition» de cette éternelle catastrophe ?

C’est le moment de tirer notre seule carte, nous, qui ne voulons pas d’un remake de toutes ses souffrances multipliées par millions – nous devons barrer la route à ceux qui permettent cette évolution des choses au niveau politique et économique. Qui souvent en profitent à titre personnel, qui parfois ne font que «fermer les yeux», qui en partie prêchent ouvertement la haine. Nous devons, nous en Allemagne, vous en France, arrêter de bouder les élections, nous devons au contraire voter pour ceux qui proposent des alternatives économiques et de société, même si cela requièrt de faire l’effort de se renseigner sur les formations politiques qui défendent une autre vision de la société. Mais cet effort, en vue des enjeux, peut raisonnablement être demandé à tout un chacun entre nous. Nous, qui sommes issus de familles allemandes et françaises qui avons tous un, deux, beaucoup de parents qui ont été tués lors des conflits précédents, nous dont les familles ont connu les déplacements dus à la guerre, qui ont connu des souffrances inhumaines, nous pouvons fournir cet effort. A vous, en France, de commencer le 22 et le 29 mars ! A nous, en Allemagne, en 2016 lors d’élections régionales dans quatre Länder, nous tous en 2017 lors des présidentielles et législatives. Et désolé de m’être un peu emporté.

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