Mapa Cor de Rosa : un projet colonial avorté

Provoquant, en 1890, une sérieuse brouille avec le Royaume Uni, un projet d’expansionnisme colonial portugais qui ne se concrétisa pas, participa de l’avènement de la Primeira República.

Un projet de colonisation expansionniste en Afrique qui ne fut pas sans conséquences au Portugal. Foto: Lokall Profil / Wikimedia Commons / CC-BY SA 2.5

(Jean-Marc Claus) – Lors de la Conférence de Berlin qui, sous l’égide de Bismarck de novembre 1884 à février 1885, aboutit au Traité de Berlin partageant officiellement l’Afrique entre les puissances européennes, le Portugal avait présenté le projet « Mapa Cor de Rosa » que tous approuvèrent, sauf le Royaume Uni. Nation avec laquelle le pays entretenait jusqu’ici de bonnes relations, scellées par le Traité de Londres en 1373.

L’ambition du Portugal, alors monarchie constitutionnelle qui avait, en 1825, accepté l’indépendance du Brésil lors du Traité de Rio de Janeiro, était de s’implanter solidement en Afrique en possédant notamment un territoire traversant le continent selon un axe est-ouest. Pour ce faire, il lui fallait obtenir l’aval des puissances coloniales, afin de réunir le Mozambique à l’Angola. Tracé qui porta le nom de « Carte Rose », et contre lequel le Royaume Uni s’opposa, car cela contrariait fortement ses ambitions de création d’un axe continu nord-sud reliant Le Caire au Cap.

En Afrique sub-saharienne, dans la région couverte par la « Mapa Cor de Rosa », les Portugais étaient alors au Mozambique depuis 1501 et en Angola depuis 1575. En 1890, au mépris des traités et de l’amitié unissant les deux pays, le Royaume Uni somma le Portugal de retirer ses troupes cantonnées dans la zone reliant Angola et Mozambique. Ce qui donna lieu à une vague d’indignation au Portugal, car le gouvernement céda et signa le traité Anglo-Portugais de 1891. Des émeutes éclatèrent dans le pays, une révolte républicaine échoua, mais c’est à ce moment là que fut créé « A Portuguesa », l‘hymne national adopté définitivement en 1911.

Ainsi, les paroles « Brade a Europa à terra inteira : Portugal não pereceu ! » (Clame, l’Europe, à la terre entière – Le Portugal n’a pas péri ! ) prennent-elles une coloration particulière. Au bénéfice du mécontentement général, le parti républicain finit par réussir à renverser la monarchie en 1910. S’en suivit une période de progrès social donnant, par exemple, le droit de vote aux femmes et reconnaissant le droit de grève. Progrès auquel le coup d’état du général Gomes da Costa, favorisé par les divisions du camp républicain, mit fin en 1926. Ce qui servit de tremplin à un certain António de Oliveira Salazar.

Comme pour toute les colonies européennes, en Afrique et sur d’autres continents, l’Histoire nous a appris que rien de ce qui se passe là-bas, n’est sans incidence sur la métropole. Même si au XXIe siècle, l’annexion de territoires ukrainiens par la Russie se déroule dans un contexte bien différent, cela a déjà et aura encore des conséquences au sein du pays colonisateur. Mais personne ne peut aujourd’hui les imaginer et les prévoir avec précision et encore moins certitude.

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