Médias libres menacés en Hongrie
Liberté d’expression ! Le cas d’Index.hu
(Marc Chaudeur) – Ça va mal pour les médias libres en Hongrie : l’un des deux médias vraiment libres de pays, Index.hu, n’existe plus depuis le 24 juillet dernier. Un média excellent, l’une des références indispensables pour l’actualité en Hongrie. L’équipe de rédaction a démissionné en bloc, après le limogeage du rédacteur en chef. Pressions et censure, la situation est très malsaine au pays de Viktor Orbán et du Fidesz. De plus en plus malsaine.
Vendredi le 24 juillet, les trois rédacteurs en chef adjoints ont démissionné, suivis de la quasi totalité de l’équipe d’Index, soit 70 personnes. Ces journalistes et techniciens réagissaient ainsi au licenciement du rédacteur en chef, Szabolcs Dull, qui avait eu effet deux jours plus tôt. En effet, Index, le média le plus lu en Hongrie – un million de lecteurs tous les jours en moyenne – l’un des deux les plus libres et les plus intéressants jusqu’à cette fin juillet 2020, dépend de financements extérieurs.
Et pour le dire de façon très résumée (nous avons exposé la situation dans un article précédent d’Eurojournalist), Index et son frère en liberté d’expression, 24.hu, sont ainsi tributaires de financiers, d’organismes et de fondations qui en dépendent directement. Index, par suite d’un concours de circonstances et de péripéties assez complexes, s’est retrouvé tributaire d’un businessman directement lié au Fidesz, et perdait donc progressivement son indépendance éditoriale, malgré les assurances du propriétaire.
Mais pourquoi le financeur a-t-il limogé le rédac’chef, sous quels prétextes ? Laszlo Bodolai, directeur de la fondation qui a acheté index, reprochait à Dull d’avoir fait connaître publiquement le plan de restructuration que Bodolai mijotait, et de s’y être opposé non moins publiquement.
Pourquoi s’y opposait-il ? Précisément parce qu’il s’agit d’une coupe réglée, destinée à adapter le média Index.hu à la version que le financeur compte donner de la réalité et ainsi à plier toute l’équipe rédactionnelle à ses desiderata politiques.
Bodolai et sa fondation ont fort à faire, et beaucoup d’observateurs estiment que le temps presse. En effet, il est bien difficile de ne pas voir dans ces manœuvres une tentative de faire d’un grand média un instrument idéologique docile en vue des prochaines élections électorales, c’est-à-dire les législatives qui auront lieu en 2022. Bodolai est proche du Fidesz : il veut voir la victoire de Viktor Orbán à l’issue de cet important scrutin.
Mais tout le monde ne l’entend pas de cette oreille. Une manifestation, vendredi dernier, a rassemblé plusieurs milliers de personnes au centre de Budapest. Elles dénonçaient de manière générale le grave déficit que connaît la Hongrie depuis la victoire d’Orbán voici dix ans en matière de pluralisme et de liberté d’expression. Et de manière plus pointue, pour inciter l’équipe démissionnaire d’Index à créer un nouveau média similaire, qui dispose de la même liberté de ton et de contenu. Il existe d’ailleurs une page facebook intitulée Pour un nouvel Index ! (Legyen Masik Index !), suivie déjà par au moins cent mille personnes ! Ne serait-ce pas en effet la meilleure solution pour l’ancienne équipe, qui plus est dans cette période économiquement difficile ?
Rappelons cependant qu‘il existe un média comparable à Index en Hongrie : c’est 24.hu. Même qualité, même esprit aigu et pénétrant. Le rédac’ chef de 24.hu, Péter Pető, estime qu’il est parfaitement possible de faire tourner un média libre et indépendant dans le pays. Il l’a expliqué lors d’une excellente interview au Courrier d’Europe centrale la semaine dernière https://courrierdeuropecentrale.fr/ . Pétro Pető a pourtant été la victime de la dissolution d’un très grand média de gauche et indépendant, Nepszabadsag, en 2016 ; il est retombé sur ses pieds avec ce 24.hu dynamique et de grande qualité, au taux de fréquentation presque aussi important qu’ Index.
Il faut soutenir fermement ces médias en pays orbanien, en tout cas ; l’avenir de la liberté d’expression, et donc de pensée, est d’importance essentielle dans toute l’Europe. Et au-delà.
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