«Méga-Région de l’Est» : Et si on faisait… l’économie… des économies ?
La bataille entre «réalos» et «fundis» !
(Par Alain Howiller) – Avec la nomination de son «préfet préfigurateur», la grande région de l’Est qui doit fusionner, à partir du Ier Janvier 2016, les régions «Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne» a, sans doute, pris un tour décisif (voir aussi eurojournalist.eu du 15 Avril), du moins pour ce qui concerne l’organisation des services de l’Etat dans la future structure. Nommé «Préfet préfigurateur» pour la grande région de l’Est, Stéphane Bouillon, Préfet de la Région Alsace, a été nommé en Conseil des Ministres en même temps que six autres de ses collègues-préfets, chargés chacun pour ce qui concerne la région dont il est chargé de «préfigurer» (d’où le nom de ces hauts fonctionnaires) ce que seront les services de l’Etat dans les futures régions. Ils devront faire leurs propositions assez rapidement -avant l’été- pour organiser les services dans le souci «d’assurer l’équilibre des territoires et l’efficacité de l’action de l’Etat».
Il sera assisté d’un directeur de projet : il est actuellement directeur départemental des territoires du «Territoire de Belfort», qui a été en poste en Alsace et en Lorraine. Stéphane Bouillon est également assisté, dans sa mission de préfigurateur, par le recteur de Nancy-Metz et par le directeur général de «l’Agence Régionale de santé de Nancy» qui le seconderont dans les propositions d’organisation des services sur le plan de l’éducation et de la santé. Le gouvernement a ténu à témoigner d’un vrai souci de prise en compte des réalités du terrain, avec cependant un bémol : il n’est question, en l’état, que de «déconcentration» et non de «décentralisation», stade d’organisation des services régionaux dépendant des élus désignés par le suffrage universel lors des élections régionales du mois de décembre.
Strasbourg sera-t-elle capitale régionale ? – C’est dire aussi que le temps presse entre les «préfigurations» présentées en Juin, les négociations à mener pour mettre en place les projets de restructurations qui seront les enjeux des élections de Décembre, la tenue des élections elles-mêmes et la mise en place, le 1er Janvier, de la nouvelle collectivité. Celle-ci aura six mois pour s’accorder sur le (ou «les») siège(s) de l’administration, l’implantation de l’hôtel de région où se tiendront les commissions plénières, sur les lieux de réunion des diverses commissions, sur l’implantation des directions, sur le siège du Conseil Economique, social et environnemental (Ceser).
Dans son discours lors de la signature, en présence de François Hollande, des contrats de plan «Etat-Région» et «Strasbourg capitale européenne – 2015-2017», le Président de la Région Alsace, Philippe Richert, n’a pas manqué d’évoquer, à ce propos : «Demain, Strasbourg sera la capitale de la future Grande Région. Cela doit nécessairement vouloir dire à la fois la Préfecture et les fonctions exécutives et délibératives du Conseil Régional. Cela n’est pas négociable. Car si jamais l’on s’avisait de remettre cela en cause, tout autant que l’efficacité de notre nouveau grand territoire régional, c’est le statut européen de Strasbourg qui s’en trouverait fragilisé… Bien sûr, le rôle doit être partagé avec Châlon et Metz».
Qui pense encore aux économies nécessaires ? – Si avec ce propos, Philippe Richert a testé son premier argument de la future campagne pour les élections régionales où il conduira la liste UMP, rien, actuellement, ne peut prédire si -et comment- son discours sera reçu par ses futurs partenaires. D’autant que les quatre agglomérations du «Sillon Lorrain» (Nancy – Metz – Thionville et Epinal) ont pris une résolution réclamant le siège de la région. La loi dit que qu’une même agglomération ne peut regrouper l’hôtel de région, le CESER et les réunions du conseil régional sauf si ce cumul était approuvé par les 3/5èmes des élus du Conseil Régional. Strasbourg, de par la loi, déjà chef-lieu de l’administration publique (eurojournalist.eu du 15 Avril) sera-t-elle, au bout des négociations en cours et surtout à l’issue des élections de Décembre, la capitale régionale ?
«Il faudrait que, finalement, les équilibres de répartition des fonctionnaires demeurent les mêmes entre les villes», a lancé Roland Ries, le maire de Strasbourg, lors de la première réunion, à Strasbourg, des représensentants des grandes agglomérations de la future Grande Région. Le préfet Bouillon, de son côté, avoir affirmé à propos des services de l’Etat : «Aucune mutation ne sera imposée !» Le recteur de l’Académie de Strasbourg, après avoir constaté «qu’il n’y avait pas de ‘recteurs préfigurateurs’ mais des ‘recteurs coordinateurs’», estime que la gouvernance dans la région devrait se faire à travers un comité : «Chaque recteur restera à la tête de son académie». Tout cela ressemble furieusement à la volonté manifestée par Marcel Rudloff, alors président du Conseil Régional (1986/1996), lorsqu’il avait fait adopter le plan de développement «Alsace 2005» avec la volonté de «Tout changer en Alsace, sans rien changer !»
Tout changer, sans rien changer ? – Pourtant la réforme territoriale avait eu, comme premier objectif, outre une adaptation de la taille des régions, la réalisation d’économies dont aujourd’hui personne ne parle plus, même si on affirme que la réforme introduira plus d’efficacité. Dans un premier temps, le secrétaire d’Etat à la Réforme territoriale affirmait, au moment du lancement de la réforme, que celle-ci permettrait un gain annuel de 12 à 25 milliards d’euros. Par la suite, il avait souligné qu’au bout de cinq ou dix ans, en supprimant les chevauchements et doublons de compétences entre collectivités, on pourrait obtenir une économie annuelle d’une dizaine de milliards d’euros. Ce n’est certes pas rien, mais tout porte à croire que pendant des années, alors qu’on estime que les perturbations introduites par les effets des fusions et rapprochements, dureront entre 3 et 10 ans, on fera… l’économie des économies ! Un fonds serait créé pour indemniser les fonctionnaires qui devront aller d’un point à un autre des régions nouvelles.
L’harmonisation des statuts aura, elle aussi, un coût. Pour éviter des perturbations, on fera appel au télé-travail. Les conditions de mise en place de la réforme, les compensations éventuelles exigeront de délicates négociations avec les syndicats. Le chantier est lourd : c’est bien pour cela que les gouvernements successifs, pourtant convaincus de la nécessité d’une réforme, ont hésité, pendant plus de trente ans, à l’engager !
D’autant qu’elle a un poids politique, sur un plan national d’abord, sur un plan régional ensuite. Sur le plan national, elle expose le gouvernement à un nouveau risque de désaveu, à moins d’une quinzaine de mois des élections présidentielles. En extrapolant, avec prudence -car l’environnement politique peut changer et le mode de scrutin n ‘est pas le même- le résultat des récentes élections départementales, les experts -y coimpris ceux du parti socialiste- estiment que sur treize régions, la gauche pourrait en garder quatre (dont la Bretagne et la Corse qui… n’ont pas été touchées par les fusions !), la droite pourrait en gagner ou garder (pour ce qui est de l’Alsace-Lorraine-Champagne) sept, deux régions pouvant, en l’état actuel des choses, être difficilement classées (l’une peut être gagnée par le Front National). Ce ne sont, bien sûr, que des projections : mais elles interpellent. Elles posent le problème d’une incertitude : en cas d’alternance en 2017, la réforme territoriale, pourrait-elle être remise en question, comme certains leaders de la droite le laissent entendre ?
Quand les «réalistes» affrontent les «fondamentalistes» ! – C’est là que nous retrouvons le poids de la réforme sur le plan régional. On continue à se battre entre ceux -dont Philippe Richert- qui estiment que même en cas d’alternance, la réforme, déjà bien engagée, ne pourra pas être remise à plat. On pourrait appeler «réalistes» ceux qui partagent ce point de vue. Il y a les «fondamentalistes» de la région Alsace, qui ne veulent pas entendre parler d’une fusion de l’Alsace dans une Grande Région : parmi eux, il y a les «autonomistes» qui avaient disparu de la scène électorale, qui ont fait une percée relative aux dernières élections départementales.
Parmi eux, il a aussi ceux qui refusent qu’on les accuse de vouloir «le repli de l’Alsace sur elle-même», alors que ce type de reproches n’a été adressé ni à la Corse, ni à la Bretagne restées, elles, à l’abri des fusions ! Ce débat entre «réalos» et «fundis», pour transposer une appellation utilisée pour les «Verts» allemands divisés entre ceux qui veulent participer au pouvoir et les…autres !
Un nouveau problème alsacien ! – Pour les premiers, le président du Conseil Régional d’Alsace, toujours devant François Hollande lors de la signature des contrats Etat-Région et Etat-Strasbourg, capitale européenne évoqués plus haut, a résumé la situation ainsi : «Avec la loi de réforme des collectivités qui s’impose à nous, l’Alsace et Strasbourg n’ont pas d’autre choix que de s’engager résolument d’être unis et forts, de travailler à maintenir ce qui fait l’identité de l’Alsace, mais aussi de s’investir encore davantage dans la modernisation, l’excellence et l’innovation… Nous avons besoin aujourd’hui de rétablir la confiance et d’abord la confiance de l’Alsace en elle-même, en ses territoires, en ses atours, en ses audaces. L’Alsace a de l’avenir».
Le débat des mois à venir, celui des prochaines élections régionales, est placé là, au coeur d’un nouveau… problème alsacien !
Avec toute cette organisation, les nouvelles équipes, responsables, sous-responsables, hypra-responsables, préposés à ceci, préposés à cela, le France va faire un fameux paquet d’économies.
Doubler, tripler les mille-feuilles administratif va se chiffrer en milliard(s) à l’échelon national.
Dieses neue System ist eine finanzielle katastrofe für das Land.
Bringt ehr unordnung als gutes.
Armes Frankreich, es wird nie besser werden bei uns.
Central regierung von Paris kann nichts gutes bringen