Mehr Licht ! ou Itinéraire d’un enfant bâté (13)

La série hebdomadaire de Jean-Marc Claus - une vue très personnelle sur notre belle région transrhénane du Rhin Supérieur et - l'Europe. Notre Europe. (13)

Un humaniste alsacien ayant marqué le monde - Albert Schweitzer ! Foto: Deventer FaceMePLS / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Par Jean-Marc Claus) – Sur son lit de mort, Victor Hugo affirmait : « Je vois de la lumière noire » alors que dans la même situation, un demi-siècle plus tôt, Johann Wolfgang von Goethe s’exclamait : « Mehr Licht ! Mehr Licht ! ». Je me suis trop longtemps réclamé du premier tout en méprisant le second. Trop longtemps, c’est mon enfance, mon adolescence et une partie de mon âge adulte, période rapportée ici par l’ex-enfant bâté que je suis.

Épisode 13 :    Johann Friedrich und Ludwig Philipp Albert

A l’Hôpital Psychiatrique de Stéphansfeld, devenu EPSAN en 1999, mon quotidien professionnel me conduit à faire de multiples rencontres dans le temps présent et, par l’étude de l’Histoire, à travers les siècles passés. J’ai précédemment évoqué la figure tutélaire de David Richard à qui l’établissement dédia un pavillon en 1968, mais il en est deux autres qui furent pareillement honorés peu de temps avant : Johann Friedrich Oberlin (1740-1826) en 1963 et en 1965 Ludwig Philipp Albert Schweitzer (1875-1965). Deux grands humanistes aux multiples talents, dont les ministère pastoraux sont éclipsées par leurs œuvres philanthropiques. J’emploie leurs prénoms germaniques à dessein car, pour le grand public, ils sont connus par leurs prénoms français. En tous cas, de ce côté-ci du Rhin. Au delà de la Ligne Bleue des Vosges, leur célébrité s’estompe jusqu’à disparaître pour renaître, outre-Atlantique pour l’un, et outre-Méditerranée pour l’autre. Mieux encore, ces deux bienfaiteurs de l’humanité, sont plus célèbres en Allemagne qu’en France.

Né à Strasbourg près d’un siècle après le rattachement de l’Alsace à la France voulu dès 1648 par ce verdammt Louis XIV, Johann Friedrich Oberlin, bien que totalement francophone, parlait et écrivait en allemand. Allemand qui, en ce temps là mais également longtemps après, était le latin des Luthériens. Ludwig Philipp Albert Schweitzer, né à Kaysersberg peu après l’annexion de l’Alsace au Reich, a suivi ses deux cursus universitaires à Strasbourg, mais conservait par son oncle, quelques entrées à Paris. Totalement bilingue, c’est par le biais d’une société missionnaire parisienne, qu’il monta en 1913 sur le paquebot Europe, afin de se rendre à Lambaréné pour y exercer la médecine, dans le but de soulager les souffrances des populations locales, mais aussi d’expier les crimes de la colonisation. Deux grands bonhommes parlant les deux langues, mais devant probablement rêver dans une seule, quoi que…

Il n’en demeure pas moins que l’étude de leurs biographies, de leurs œuvres humanistes et de leurs écrits, me conduisit progressivement à un inévitable et implacable constat : posséder la double culture, représente un immense capital pour qui sait le mettre à profit. Aucun des deux ne s’est enfermé dans la tour d’ivoire de son quant-à-soi. L’idée d’un quelconque sentiment de supériorité leur était totalement étrangère, et même carrément incongrue. Ne se laissant pas influencer par la géopolitique, dont ils furent néanmoins certaines fois victimes, ils poursuivirent leurs idéaux respectifs en demeurant au plus près de leurs concitoyens. L’un apprivoisa les populations du Ban de la Roche, vivant dans un milieu très rude. Il réussit à les rendre partie prenante d’un vaste programme d’amélioration de leurs conditions de vie. Programme incluant l’accès à la culture. L’autre, encaissant un choc culturel infiniment plus grand, parvint à créer des liens très forts avec des populations décimées par les maladies tropicales, et réussit à les impliquer dans la création d’un village-hôpital. S’installant dans des endroits aux antipodes des lieux où ils avaient grandi, étudié et vivaient jusqu’alors, ils parvinrent à enjamber ou à défaut , mille et un obstacles qui en auraient découragé plus d’un. Plus d’un, dont moi-même ! Ainsi, mon référentiel culturel initial, se désintégrait-il au profit d’une vision plus large et plus humaine, procédant de cet Humanisme Rhénan, plongeant certaines de ses racines dans cette région « historiquement créatrice de passage(s) de l’Avoir à l’Être », pour reprendre la magnifique formule de Michel Sutter.

Fortsetzung folgt…

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