Mehr Licht ! ou Itinéraire d’un enfant bâté (14)

La série hebdomadaire de Jean-Marc Claus - une vue très personnelle sur notre belle région transrhénane du Rhin Supérieur et - l'Europe. Notre Europe. (14)

Louis XIV recevant, les clefs de la ville de Strasbourg. Foto: Constantijn Francken / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Par Jean-Marc Claus) – Sur son lit de mort, Victor Hugo affirmait : « Je vois de la lumière noire. », alors que dans la même situation, un demi-siècle plus tôt, Johann Wolfgang von Goethe s’exclamait : « Mehr Licht ! Mehr Licht ! ». Je me suis trop longtemps réclamé du premier, tout en méprisant le second. Trop longtemps, c’est mon enfance, mon adolescence et une partie de mon âge adulte, période rapportée ici par l’ex-enfant bâté que je suis.

Épisode Quatorze : Verdammter Louis XIV !

Louis XIV (1638-1715), dit Louis le Grand ou le Roi-Soleil, Dieu(x) qu’à propos de celui-ci, on m’en a rebattu les oreilles, durant toute mon enfance et mon adolescence ! Versailles, les multiples guerres, le rayonnement de la France Éternelle, et combien d’autres balivernes me suis-je laissé mettre dans la tête, sans faire preuve du moindre esprit critique ! Louis XIV, roi très chrétien qui abolit l’Édit de Nantes, fut à François Ier (1494-1547) ce qu’est aujourd’hui Nicolas Sarkozy au Général de Gaulle ! Dire que je le tins, durant des années, pour un grand roi. Louis XIV, pas Nicolas Sarkozy… Il mit, comme Napoléon, l’Europe à feu et à sang.  Toujours Louis XIV, parce que Nicolas Sarkozy, tirant peut-être à son avantage les leçons de l’Histoire, est allé guerroyer en Libye. Il faut dire que les manuels scolaires d’histoire-géographie de l’Éducation Nationale avaient, à mon époque, un côté quelque peu… nationaliste. Éduqués, certes nous l’étions, mais nationalistes aussi nous devenions. Ainsi Louis le quatorzième, dit le Roi-Soleil, devait-il représenter pour moi ce que la France a produit de mieux, classé juste après le Guide Michelin et l’omelette de la Mère Poulard !

Au nombre de ses grandes réalisations figure la célèbre Révocation de l’Édit de Nantes (1685), mettant fin à 87 années de paix civile qui avaient succédé à 8 guerres de religions entre Catholiques et Protestants. Guerres étalées sur 36 années de conflits. Révocation suivie de persécutions aboutissant à l’exil d’un maximum de Protestants vers les pays du Refuge dont… les principautés et villes libres du Saint-Empire. Persécutions qui se poursuivirent jusqu’au 18ème s., quand un certain Louis XVI (1754-1793), promulguant l’Édit de… Versailles, y mit fin en 1787. Cet idiot de Roi-Soleil n’avait pas mesuré combien son léchage des bottes vaticanes et son désir d’absolutisme allaient coûter cher au Royaume de France. En effet, la fuite des cerveaux, associée à celle des savoir-faire artisanaux, qui mit à mal l’économie française, boosta considérablement celle des pays d’accueil dont… les principautés et villes libres du Saint-Empire ! J’avais aussi appris qu’en 1648, l’Alsace était devenue française, car très certainement, tel était le bon plaisir de Louis XIV, formule du reste empruntée à François Ier qui l’avait piqué à Louis XI (1423-1483). L’Alsace, quel beau jardin, aurait-il dit en contemplant la plaine depuis le Mont Sainte Odile. Un Hortus Deliciarum que cet imbécile mit à feu et à sang, comme si la Guerre de Trente Ans (1618-1648) n’y avait pas fait assez de dégâts ! Lors de ses deux voyages en Alsace en 1674-16 et 1681, Lazare de la Salle de l’Hermine, y décrit toute autre chose qu’un beau jardin.

Toujours est-il que cette annexion fut progressive et partielle, c’est à dire non immédiate et totale, contrairement à ce qui m’avait été enseigné. Les Traités de Westphalie (1648) rattachèrent le Sundgau avec quelques parcelles de Basse-Alsace à la France. Mais au moment du Traité de Ryswick (1697), Mulhouse n’était toujours pas entrée dans le giron français. Dans l’intervalle, ce maudit Roi-Soleil a fait en 1677 incendier deux fois Haguenau, et en 1688, détruire le château impérial pour refiler à Vauban, en les acheminant par la Moder, d’excellentes pierres recyclées immédiatement dans la construction de Fort-Louis, démarrée deux ans plus tôt. Pourquoi Fort-Louis ? Mis à part le royal prénom, parce que ce crétin saint-germanois s’étant mis en tête de conquérir des territoires Outre-Rhin, envoya Turenne faire parler la poudre et siffler le sabre dans le Palatinat en 1674, puis Louvois en 1689. Territoires rendus à leurs légitimes propriétaires lors du Traité de Ryswick, donc une fois de plus, le sang aura été versé pour rien. Ce ne sont là que quelques exemples de la sauvagerie de ce roi très chrétien qui, soit dit en passant, imposa en 1684 le simultaneum* aux églises protestantes des localités comptant au moins sept familles catholiques, l’inverse n’étant évidemment pas inclus dans le contrat. Il faut dire que le Traité de Westphalie protégeant partiellement les Protestants alsaciens, il lui fallait bien trouver des moyens détournés pour leur mener la vie dure ! Enfin, le français devenant langue officielle en Alsace en 1685, et la Lorraine devenant officiellement française en 1766, on peut dire que ce verdammt Louis XIV nous aura emmerdé jusqu’après sa mort ! D’où mon affection pour la ville de Mulhouse, qui a su la jouer fine en s’alliant aux cantons suisses dès 1466, pour n’être attachée à la France qu’en 1798, au prix d’un… incendie. Mais cette fois-ci, ce verdammter Louis XIV n’y était pour rien car, le Nec Pluribus Impar**, sorti de son tombeau de la Basique Saint-Denis en 1793  par les révolutionnaires appliquant stricto sensu un décret de la Convention, devait alors déguster les pissenlits par la racine dans une quelconque fosse commune parisienne.

A suivre…

* Simultaneum = Obligation faite aux paroisses protestantes conquises par Louis XIV où demeurent au moins sept familles catholiques de céder le cœur de leurs églises au culte catholique.

** Nec Pluribus Impar = Devise de Louis XIV, gravée entre autres sur ses canons et signifiant selon les traductions « A nul autre pareil » ou « Suffisant seul à tant de choses » ou « Tout lui est possible ».

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