Mehr Licht ! ou Itinéraire d’un enfant bâté (17)

La série hebdomadaire de Jean-Marc Claus - une vue très personnelle sur notre belle région transrhénane du Rhin Supérieur et - l'Europe. Notre Europe. (17)

Vater Rhein et mère Moselle au Schlossgarten à Coblence... Foto: Geysirius / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Jean-Marc Claus) – Sur son lit de mort, Victor Hugo affirmait « Je vois de la lumière noire », alors que dans la même situation, un demi-siècle plus tôt, Johann Wolfgang von Goethe s’exclamait « Mehr Licht ! Mehr Licht ! ». Je me suis trop longtemps réclamé du premier, tout en méprisant le second. Trop longtemps, c’est mon enfance, mon adolescence et une partie de mon âge adulte, période rapportée ici par l’ex-enfant bâté que je suis.

Épisode Dix-Sept : Rhin & Moselle

« Rhin & Moselle » me fait penser spontanément à la compagnie d’assurances créée sur la rive gauche du Rhin à la fin du 19ème siècle, puis au début du 21ème siècle, passée entre les mains de plusieurs repreneurs. Loin de moi l’idée d’alimenter ici une quelconque alsastalgie, propre à entretenir un alsacocooning des plus régressifs ! Il m’importe seulement de souligner combien l’association des deux fleuves, selon que l’on soit de l’un ou de l’autre côté de la frontière, renvoie à des réalités concrètes et à images mentales différentes :

* Rhin & Moselle, la compagnie d’assurance des Alsaciens & Mosellans créée en 1881.

* Rhin-et-Moselle, l’un des quatre départements de la rive gauche du Rhin, avec Mont-Tonnerre, Roer et Sarre, intégrés à la République Française après le Traité de Lunéville (1801).

* Armée de Rhin-et-Moselle (1795), le pendant de l’Armée de Sambre-et-Meuse (1794), s’illustrant toutes deux en combattant l’Europe coalisée contre la Révolution Française et formant par la suite l’Armée d’Allemagne (1797).

* Rhein-Mosel, Verbandsgemeinde du Landkreis Mayen-Koblenz dans le Bundesland Rheinland-Pfalz.

* Rhein-Mosel-Eifel, die Urlaubsregion de la Ferienregion Mayen-Koblenz.

* Rhein-Mosel 2019, l’itinéraire pédestre de 48,8 km, aménagé à Koblenz, à la confluence des deux cours d’eau.

Rhin & Moselle, ce sont en effet, d’abord et avant tout deux cours d’eau. L’un prenant source dans les Alpes Suisses et l’autre dans le Massif des Vosges. L’un traversant six pays européens et l’autre trois. L’un fort de 1.233 km, l’autre de seulement 560 km. Mais tous deux navigables, sur une partie de leurs cours respectifs, et capables de crues dévastatrices. L’un rectifié en maints endroits par de nombreux et titanesques travaux de canalisation, l’autre aussi partiellement domestiqué. Mais tous deux conservant, dans des zones préservées, une part de mystère et formant par endroits, quelques jolis méandres.

Les noms de ces deux cours d’eau trouvent leurs origines dans l’Antiquité. Mosella, combinaison du préceltique « Mosa » et du diminutif latin « -ella », donc « Petite Meuse ». « Rēnos », mot celtique signifiant rivière ou fleuve, décliné en Rhēnus, Rhin, Rhein, Rain, Rijn. Des cours d’eau qui, avec le temps et le processus de réconciliation s’opérant en moi, passèrent progressivement de signifiés belliqueux et nationalistes, à des signifiés pacifiques et internationalistes.

Le Rhin est l’une des artères de l’Europe à laquelle s’abouche, entre autres affluents, la Moselle, elle aussi riche d’une longue histoire, chargée de symboles, propice à l’envol de l’imaginaire, porteuse aujourd’hui de possibles projets de développement éco-compatibles. Du point de vue de la seule géographie, les rivières et les fleuves unissent plus qu’ils ne divisent, car tant d’un bout à l’autre de leurs cours que de part et d’autre de leurs lits, il y a convergences et confluences.

Même lorsque les formations géologiques de leurs rives sont totalement différentes, comme le cours supérieur de Bruche à la lisière des Vosges gréseuses et cristallines, elles font partie d’un tout où, pour paraphraser le titre d’un célèbre film, au milieu coule une rivière. En revanche, du point de vue de l’histoire, les cours d’eau servent souvent de frontières, de lignes de démarcations et quand ils deviennent des lieux de convergences et de confluences, trop souvent ce n’est pas pour que s’y exprime ce que l’humain a de meilleur.

L’Union Européenne peut, si et seulement si elle cesse de se soumettre aux lobbies des puissances d’argent gangrenant trop de ses institutions, contribuer largement à nous faire sortir des schémas mentaux belliqueux toujours prêts à enfumer nos esprits. Cependant, tant que le profit au bénéfice d’une minorité demeurera le principal but des politiques mises en œuvres en Europe et ailleurs, le nationalisme porteur du germe de la guerre continuera à se développer, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de nos frontières…

Fortsetzung folgt…

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