Mehr Licht ! ou Itinéraire d’un enfant bâté (18)

La série hebdomadaire de Jean-Marc Claus - une vue très personnelle sur notre belle région transrhénane du Rhin Supérieur et - l'Europe. Notre Europe. (18)

La Grotte des Druides, située sur la partie Sud du Mur Païen entourant le Mont Sainte Odile. Foto: Vassil / Wikimedia Commons / PD

(Jean-Marc Claus) – Deux prénoms qui, dans ma tête, déclenchent une petite musique stéréophonique franco-germanique. Deux prénoms qui portent en eux, la marque de ce conflit intérieur que je mis tant d’années à pacifier. Deux prénoms renvoyant à des personnages clefs de mon itinéraire d’enfant bâté. Des druides que je m’attends toujours à voir surgir de leur grotte du Mur Païen ! Germain, c’est Germain Muller (1923-1994), pour certains l’ami Germain, pour moi l’Oncle Germain. Jean, c’est Jean Egensperger (1920-1995), plus connu sous le pseudo Jean Egen, pour moi le Changui. J’entretiens avec l’Oncle Germain et le Changui, des rapports à la fois proches et distants car ils représentent, tour à tour et simultanément, des figures à la fois tutélaires et fraternelles.

Épisode Dix-Huit : Germain & Jean

Devenu avec le temps un peu plus germanophone, je ne me lasse pas de la verve et des jeux de scène de Germain Muller. Bien moins exclusivement francophone que durant mon enfance, je me plais à relire « Les Tilleuls de Lautenbach », roman autobiographique dans lequel Jean Egen décrit, avec beaucoup de justesse, non seulement les tourments, mais aussi les bonheurs, vécus par celles et ceux ayant la chance et la malchance, de naître dans une région frontalière. L’un comme l’autre ont très tôt saisi la complexité du problème, mais aussi l’avantage de pouvoir effectuer d’incessants va-et-vient, d’une culture à l’autre, d’une histoire à l’autre, d’un environnement à l’autre, d’une tradition à l’autre.

Si d’aucuns prétendent, haut et fort, qu’Oncle Germain et le Changui furent des chantres de l’Alsace Éternelle, je n’y crois pas. Comme si l’Alsace avait inventé la lactofermentation, et pouvait par conséquent, revendiquer le monopole de la choucroute. Non mais,  hallo, was ?! Si Germain Muller et Jean Egen entendaient le discours régionalo-séparatiste tenu aujourd’hui par certains, ils ne se retourneraient pas seulement dans leurs tombes, mais y feraient des loopings.

Nous naissons, grandissons, évoluons dans différents lieux, ces environnements ne sont pas juste des points sur des cartes routières. Nous sommes faits des lieux où nous avons vécu et vivons actuellement, mais aussi des diverses influences qu’ont, par les aléas de l’Histoire, connu ces mêmes lieux. Ainsi l’autonomisme et le séparatisme, revendiqués au nom d’une histoire et d’une identité spécifiques, tombent-t-ils à plat car nous sommes faits de toutes les influences issues des divers lieux de nos parcours individuels.

L’Oncle Germain et le Changui, se réclamaient d’une double culture, sans pour autant céder au nombrilisme et à la radicalité. Il y a dans « Enfin… redde m’r nimm devun ! » et « Les tilleuls de Lautenbach », pour ne citer que ces œuvres les plus connues, de multiples enseignements à tirer, tant en termes de géopolitique, que de sociologie, d’ethnologie mais aussi tout simplement d’humanité.

Le vivre ensemble brandit par les politiques, appelé aussi cohésion sociale par les chercheurs, ne se décrète pas. Il se construit par des prises de conscience individuelles et collectives. L’Allemagne, l’Alsace, la France, l’Oberrhein, entités incluses dans le champ plus vaste du continent européen, gagneront toujours plus à jouer la carte de la « Gemeinschaft », plutôt que de céder à la tentation du séparatisme.

A suivre…

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