Mehr Licht ! ou Itinéraire d’un enfant bâté. (3)

La série hebdomadaire de Jean-Marc Claus - une vue très personnelle sur notre belle région transrhénane du Rhin Supérieur et - l'Europe. Notre Europe. (3)

Exposition d'un side-car militaire avec les comédiens de la troupe Murisaltus, devant l'hôtel de ville, lors du 50e anniversaire du film La Grande Vadrouille à Meursault (Côte-d'Or, Bourgogne-Franche-Comté, France). Foto: François de Dijon / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Jean-Marc Claus) – Sur son lit de mort, Victor Hugo affirmait : « Je vois de la lumière noire », alors que dans la même situation, un demi-siècle plus tôt, Johann Wolfgang von Goethe s’exclamait : « Mehr Licht ! Mehr Licht ! ». Je me suis trop longtemps réclamé du premier tout en méprisant le second. Trop longtemps, c’est mon enfance, mon adolescence et une partie de mon âge adulte, période rapportée ici par l’ex-enfant bâté que je suis.

 Épisode Trois : Ach, Sabotage !

J’ai été fondamentaliste, fondamentalement francophone et francophile durant mon enfance ; à tel point que, comme nombre de mes congénères de l’époque, j’ai développés une acrimonie imbécile envers les habitants de Natzwiller, enclave dialectophone dans l’enclave francophone constituée par le Pays Welche. Habitants de Natzwiller que j’assimilai alors aux nazis en les amalgamant sans vergogne au Konzentrationslager Natzweiler-Struthof de sinistre mémoire ! Pourtant, ils n’étaient en rien responsables du drame qui s’est déroulé juste au dessus de chez eux de Mai 1941 à Septembre 1944. Comme s’il n’y avait pas eu à Schirmeck, sous ce coin de parapluie, de parasol et de Paradis qui m’a vu naître, un autre camp d’aussi sinistre mémoire : le Sicherungslager Vorbruck-Schirmeck ! Mais bien sûr, celui-ci, on en parlait beaucoup moins et pour cause : il avait été soigneusement détruit pour, après guerre, céder la place à un très joli lotissement…

L’alsacien, pour nous autres, était la langue de l’ennemi. Forcément, abreuvés de films stupides comme « La Grande Vadrouille » ou « Le Mur de l’Atlantique » et communiant au mythe selon lequel tous les Français auraient été des résistants, tout ce qui de près ou de loin pouvait faire référence à la culture germanique se voyait immédiatement abattu par une frappe que l’on ne qualifiait pas encore de « chirurgicale » mais l’idée de la prophylaxie y était ! Donc les dialectophones « hachepaillaient », en référence au bruit du hache-paille. Ils étaient des « Schpountz », pas qu’en référence au film de Marcel Pagnol. Les Allemands étaient des « Schleus » qui parlaient le « Boche ». L’emploi de termes tels que « Prussiens » ou « Casques à pointes » nécessitant un certain niveau de culture générale, n’étant alors pas à la portée de tous mes concitoyens et de moi le premier. Le monde était binaire, du moins je le croyais et m’efforçais de m’en persuader. Du côté des méchants, les Alamans ; du côté des gentils, les Gaulois enfin, plus précisément les Celtes. A ceci près que la « Celtie », en 300 avant JC, allait de l’Océan Atlantique à la Mer Noire, incluait plus de la moitié de la Péninsule Ibérique, les Îles Britanniques et une jolie tâche en Asie Mineure. « Putain de camion », dirait Renaud « Putain c’est vraiment trop con. » !

Ce sentiment d’avoir été trompé sur la marchandise, et pas que sur la marchandise, a mis beaucoup de temps à se clarifier dans ma pauvre tête. Avoir des convictions, c’est beau, ça rassure et ça rend fort, mais parfois ça sent fort et pas qu’un peu, notamment quand ça pue la haine. Comme le disait si bien Lacan, « Le réel, c’est quand on se cogne. », ainsi me suis-je cogné une paire de fois avant de vraiment comprendre ce qui se jouait et, comme s’exclamaient les officiers allemands mis en scène dans les films stupides évoqués précédemment, je m’écriai à chaque fois : « Ach, Sabotage ! ». En été 1975, mon père garait sa Diane 6 sur un parking aux alentours de Venise. A peine en étions-nous descendus qu’un bonhomme rougeaud, de forte stature se précipita vers nous en nous interpellant dans une langue que je mis un moment à identifier à cause de la distance mais quand il s’approcha il n’y eut plus de doute possible : c’était un « Schpountz » qui « hachepaillait » et, voyant nos airs interrogateurs, il s’en retourna tout dépité en jurant comme un charretier. Le 67 de l’immatriculation de la Citroën avait provoqué ce regrettable incident. J’habitais en Alsace sans être pour autant Alsacien : « Ach, Sabotage ! ». Mais, quand nous passions le col du Donon, le même 67 nous valait les quolibets des autochtones nous traitant allègrement de « Schpountz » alors qu’aucun de nous ne « hachepaillait ». J’habitais dans les Vosges dites Moyennes sans avoir les moyens d’être, même moyennement, considéré comme vosgien : « Ach, Sabotage ! ».

Fortsetzung folgt…

2 Kommentare zu Mehr Licht ! ou Itinéraire d’un enfant bâté. (3)

  1. Ich kapiers nicht … Whats the problem?

  2. Jean-Marc CLAUS // 20. Januar 2020 um 11:46 // Antworten

    Hallo, liebe Leserin, lieber Leser,

    Vielen Dank für Ihren Kommentar.
    Es gibt kein Problem.
    Hier zeichne ich meine Entwicklung von einer schrecklichen Abneigung gegen alles Germanische zu einer durch Europa ermöglichten Versöhnung nach.
    Aber “mein Europa” ist nicht das Europa des Kapitalismus.
    Es ist das Europa der Menschen, die friedlich im selben Raum zusammenleben wollen.
    Die Kapitalisten zögern nie, auf Krieg und Faschismus zurückzugreifen, wenn sie ihnen mehr als Frieden und Demokratie bringen.

    Mit freundlichen Grüßen.

    Jn-Mc

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste