Mehr Licht ! ou Itinéraire d’un enfant bâté. (4)
La série hebdomadaire de Jean-Marc Claus - une vue très personnelle sur notre belle région transrhénane du Rhin Supérieur et - l'Europe. Notre Europe. (4)
(Par Jean-Marc Claus) – Sur son lit de mort, Victor Hugo affirmait « Je vois de la lumière noire. » alors que dans la même situation, un demi-siècle plus tôt, Johann Wolfgang von Goethe s’exclamait « Mehr Licht ! Mehr Licht ! ». Je me suis trop longtemps réclamé du premier tout en méprisant le second. Trop longtemps, c’est mon enfance, mon adolescence et une partie de mon âge adulte, période rapportée ici par l’ex-enfant bâté que je suis.
Épisode Quatre : Schwizerdütsch & Appenzeller
Mes rapports conflictuels avec le monde germanique et sa culture furent, comme rapporté précédemment, dès le début marqués du sceau du paradoxe, à défaut d’être frappés au coin du bon sens. Ainsi, un de mes oncles s’étant avec sa famille établi en Suisse alémanique, je me suis très tôt retrouvé empêtré dans une insoluble équation à toujours plus de variables et d’inconnues. Le nombre de ces paramètres augmentant de façon exponentielle à mon âge et donc à l’accroissement de ma détestation de la « germanité », de l’enfance à l’adolescence les choses se compliquaient d’année en année. Pas vraiment en phase avec Tahar Ben Jelloun affirmant « La haine est un sentiment facile ; l’amour c’est plus compliqué, il faut vaincre ses défenses et se laisser aller. », il ne m’était pas si facile de haïr alors qu’aimer aurait été plus simple. Or, vaincu par mes défenses, je refusais de me laisser aller.
Alors voilà, en Suisse, celle du Schwizerdütsch et de l’Appenzeller, weißt du was ? Bien qu’en délicatesse avec les idiomes germaniques aux consonances honnies, je me plaisais à lancer aux autochtones rencontrés dans l’escalier de l’immeuble de la Hofjüngerstrasse sans « ß » en lieu et place des deux s et dans les rues de Wattwill sans h après le W, un jovial « Grüezi » auquel j’allais parfois même jusqu’à ajouter fièrement un « mitenand » des plus stylés ! Pire encore, je découvris très tôt que je préférais l’Appenzeller au Comté, ceci m’amenant à l’extrême limite de la schizophrénie culturelle et me plongeant dans le plus grand marasme gastronomique ! Mais qu’avais-je donc fait au(x) Bon(s) Dieu(x) pour mériter ça ? Dans la vie, il arrive parfois que, placés face à nos propres contradictions, trop fiers et surtout trop cons pour mettre un genou à terre, nous redressons la tête – fût-ce au prix d’un torticolis permanent…
La Suisse alémanique était pour moi la Suisse (alémanique), car à défaut d’avoir les moyens d’effacer ce qualificatif infamant, je m’efforçais de le mettre entre parenthèses, ne pouvant décemment faire abstraction de toutes les inscriptions et publications en « Hochdeutsch » qui m’entouraient. Ça commençait à Basel en passant la « Zoll » soit via la « Hauptbahnhof », soit via les « Strassen » et les « Pass » avant que soient déroulées les « Autobahnen » et percés les innombrables « Tunnel ». Prendre la route en Suisse avait, pour moi, quelque chose de déroutant : les panneaux indiquant les itinéraires principaux non-autoroutiers étaient bleus et les panneaux indiquant les autoroutes verts, soit à l’exact opposé de la France. Par ailleurs, et plus précisément par là-bas, la plupart des panneaux routiers étaient, contrairement à leurs équivalents français, entourés d’un cadre ou d’un cercle métallique. Si avec ça on ne comprenait pas que l’ordre régnait dans ce pays on devait vraiment être bas-de-plafond ! Autre particularité qui me rendait perplexe à l’envi : dans cet environnement totalement germanophone on payait, c’est toujours le cas présentement, en « Schweizer Franken », c’est-à-dire en Francs Suisses ! « Schweizer Franken » symbolisés, au choix, par les sigles « CHF » ou « Fr » ou « SFr », logique, non ? Je vous fais grâce des centimes appelés « Rappen » (RP), que les Romanches utilisant le « Franc Svizzer » nomment « rap » (rp) alors que les italophones de la Confédération Helvétique adeptes du « Franco Svizzero » nomment « centesimi » (c) ! Et bien vous savez quoi ? Nonobstant sa résistance obstinée à se tenir en dehors de l’Union Européenne, la Suisse possède bien malgré elle et à son plus grand dam, quelque chose de l’âme et du génotype européens !
A suivre…
Une regrettable erreur de copier/coller s’étant glissée dans le premier paragraphe de l’article lors de l’envoi du texte à la rédaction veuillez en trouver l’intégralité ci-dessous :
Mes rapports conflictuels avec le monde germanique et sa culture furent dès le début marqués du sceau du paradoxe à défaut d’être frappés au coin du bon sens. Ainsi, un de mes oncles s’étant avec sa famille établi en Suisse Alémanique, je me suis très tôt retrouvé empêtré dans une insoluble équation à toujours plus de variables et d’inconnues. Le nombre de ces paramètres augmentant de façon exponentielle avec le temps et donc accroissant ma détestation de la “germanité”. De l’enfance à l’adolescence les choses se compliquaient d’année en année. Pas vraiment en phase avec Tahar Ben Jelloun affirmant « La haine est un sentiment facile ; l’amour c’est plus compliqué, il faut vaincre ses défenses et se laisser aller. », il ne m’était pas si facile de haïr alors qu’aimer aurait été plus simple. Vaincu par mes défenses, je refusais de me laisser aller.
Merci pour votre compréhension.
Jn-Mc