Mehr Licht ! – ou Itinéraire d’un enfant bâté.

Nouvelle série hébdomadaire de Jean-Marc Claus - une vue très personnelle sur notre belle région transthénane du Rhin Supérieur et - l'Europe. Notre Europe. (1)

Le "Mittelalterliche Weihnachtsmarkt" à Durlach - le "franco-allemand" est bien vivant sur le terrain... Foto: Jean-marc Claus / CC-BY-SA 4.0int

Sur son lit de mort, Victor Hugo affirmait « Je vois de la lumière noire », alors que dans la même situation, un demi-siècle plus tôt, Johann Wolfgang von Goethe s’exclamait « Mehr Licht ! Mehr Licht ! ». Je me suis trop longtemps réclamé du premier tout en méprisant le second. Trop longtemps, c’est mon enfance, mon adolescence et une partie de mon âge adulte, période rapportée ici par l’ex-enfant bâté que je suis.

    Épisode Un : Mittelalterlicher Weihnachtsmarkt

(Par Jean-Marc Claus) – Débutons ce retour en arrière par un coup de projecteur sur le Mittelalterlicher Weihnachtsmarkt de Durlach. A cette époque de l’année, les marchés de Noël font florès, et celui de Strasbourg s’exporte à New York. Mais ne croyons pas pour autant que tout a commencé en Alsace. Le Marché de Noël de Strasbourg a connu sa première édition en 1570, alors que le document le plus ancien faisant référence à un Striezelmarkt se tenant le lundi précédant Noël date de 1424, et nous ramène à Dresden sous le règne de Frédéric II de Saxe, dit le Sanftmütige, c’est-à-dire le Doux, le Débonnaire ou le Placide.  Dresden, la Florence de l’Elbe, vous savez, cette ville martyre dont un bon tiers a été rasé par l’aviation britannique en février 1945, histoire de retourner la population allemande. Sacré retournement : près d’un tiers des morts n’a pas pu être identifié !

Le Mittelalterlicher Weihnachtsmarkt de Durlach, quartier originel de Karlsruhe, a ceci de particulier qu’il ne date pas du Moyen Âge, mais du 21ème siècle. C’est la crue historique de l’Elbe en août 2002 qui a suscité la création de ce marché de Noël se voulant solidaire avec les populations sinistrées. Nous voilà à mille lieues du mercantilisme et du consumérisme dont on ne vit que trop les effets délétères sur nos fêtes de fin d’année qui pourtant, devraient être des moments plus propices à la solidarité qu’à la concurrence. En parcourant ce petit marché de Noël, où aucun stand ne ressemble à l’autre, j’ai retrouvé un peu de l’esprit du Moyen Âge qui, contrairement aux idées reçues, ne se résume aucunement à dix siècles d’obscurantisme et de « chacun pour sa gueule ». Les historiens rapportent que dans les communautés villageoises, malgré les inévitables conflits, l’entraide et l’esprit de groupe prévalaient. Ce n’est sans doute pas pour rien que les habitants de Durlach ont donné en 2002 une couleur médiévale à leur initiative solidaire et si cela n’avait rien de volontaire, le hasard n’en serait que plus heureux !

Le Moyen Âge qui m’a été enseigné à l’école primaire, dans la première moitié des années 1970, au collège dans la seconde moitié des années 1970 puis au lycée au début des années 1980, c’était le Moyen Âge « à la française » confiné dans les frontières du pays et les salles de classes, alors qu’à l’extérieur et dans la vraie vie, l’Europe était en pleine construction malgré et grâce à la Guerre Froide. Ce Moyen Âge « à la française » laissait évidemment très peu de place au Saint Empire Romain Germanique, d’où cette perception de l’Alsace comme un territoire convoité par deux puissances viscéralement ennemies, à l’instar d’un os que se disputeraient deux chiens affamés. Par ailleurs, l’Europe des ordres monastiques du Moyen Âge, préfiguration de l’Europe contemporaine, ne faisait pas partie des programmes de l’Éducation Nationale qui aurait gagné à se montrer un tantinet plus… internationaliste. Paradoxalement, c’est en remontant le fil de l’Histoire jusqu’à ce Moyen Âge constellé de principautés que l’Europe s’impose comme une évidence ; et le fameux « couple franco-allemand » dont se gargarisent tant de politiques fats et incultes prend une toute autre dimension. L’Empire de Charlemagne partagé entre Charles II le Chauve, Lothaire Ier et Louis le Germanique nous parle autrement de l’Europe que les gesticulations des Européistes et les cris d’orfraies des eurosceptiques. S’affirmer « pro-Europe » est aussi absurde que de se proclamer « anti-Europe », car nous sommes l’Europe. Que les actuelles institutions européennes et leurs politiques nous conviennent ou non, là n’est pas la question. Quant au prétendu « antagonisme franco-allemand » qui nous a tant coûté de vies humaines, c’est une vue de l’esprit, une pure construction mentale. Construction mentale à laquelle j’ai adhéré dès l’enfance par faiblesse d’esprit et manque de hauteur de vue…

Fortsetzung folgt…

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