Merkel veut le « Single Seat » – mais lequel ?

Lors de la réunion du groupe EPP à Munich, l’intervention d’Angela Merkel était floue et tout de même inquiétante. Lorsque la chancelière parle du « Single Seat », on n’a pas l’impression qu’elle parle de Strasbourg…

S'agit-il réellement d'une attaque de la chancelière sur le siège du PE à Strasbourg ? Foto: fotogoocom / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Il y a un clivage énorme entre le discours politique et les réalités du terrain. Pendant qu’on prépare « Elysée 2 », une version actualisée du Traité d’Amitié entre la France et l’Allemagne, la chancelière semble planter un couteau dans le dos d’Emmanuel Macron, en se faisant fort, entre autres, de fixer un « single seat » du Parlement Européen. Sachant que cette expression a toujours été utilisée par les adeptes d’une solution bruxello-bruxelloise, cette déclaration n’annonce rien de bon pour la ville de Strasbourg, qui essuie depuis des années de sérieuses attaques sur son statut de Capitale Européenne.

Si on peut souscrire à la phrase « le travail du Parlement Européen devrait être concentré sur un seul endroit », il convient de se souvenir que les Traités Européens définissent la ville de Strasbourg comme siège du Parlement. Ces traités ne mentionnent aucune autre ville comme siège du Parlement, pas davantage Bruxelles que Strasbourg. La capitale belge, elle, est définie comme le siège du Conseil Européen, tandis que Luxembourg est le siège de la Cour Européenne. En toute logique, la déclaration de Merkel devrait renforcer le statut de Strasbourg, car il est difficile à concevoir qu’elle puisse parler de Bruxelles dans ce contexte. Et pourtant…

Il est difficile de comprendre où Angela Merkel se situe sur l’échiquier européen. Toutefois, il semble clair qu’elle refuse d’aller dans le sens d’Emmanuel Macron qui lui, est un véritable challenger pour la chancelière allemande. There’s a new kid on the block et Angie n’apprécie pas. Donc, au lieu de faire équipe avec Emmanuel Macron, Merkel cherche son propre narratif européen; et celui-ci n’a pas grande chose à voir avec celui de Macron.

Au contraire – sa déclaration concernant le « single seat » constitue carrément un désaveu pour le siège strasbourgeois, un déni du franco-allemand et une trahison des efforts fournis en vue de la mise en œuvre d’un axe Paris-Berlin fort. Elle joue à quoi, la chancelière, en proposant déjà des compensations aux villes qui se verraient privées des institutions. Angela Merkel a proposé d’organiser un sommet UE tous les six mois et ce, dans le pays qui assure à ce moment-là la présidence du Conseil Européen. Malheureusement, Angela Merkel a oublié d’expliquer en quoi cela représenterait une « compensation » pour Strasbourg, Luxembourg ou bien, Bruxelles.

L’état de fatigue d’Angela Merkel ne peut plus être caché. « L’Europe se trouve devant un croisement de chemins », a-t-elle dit; « si l’Union Européenne s’arrête, elle sera broyée dans le contexte mondialisé. » Et pour l’instant, « l’organisation institutionnelle ne colle pas ». Quelle prise de conscience rapide ! Après seulement 13 années à la tête du gouvernement allemand, la chancelière commence à se rendre compte que tout n’est pas rose en Europe …

Si Merkel n’a pas vraiment d’idées pour réformer l’Europe, elle est au moins sûre de ce qu’elle ne veut pas – entrer dans le jeu politique d’Emmanuel Macron qui lui, commence à se sentir assez seul sur le plan international. Pendant que les Français l’acclament encore et toujours comme le sauveteur de tous les maux, la communauté internationale ne se contente plus de déclarations creuses comme « il faut changer de logiciel » ou « il faut plus d’Europe ». Par contre, cet affaiblissement d’Emmanuel Macron sur le plan européen est partiellement du à l’attitude blasée d’Angela Merkel.

Il faut que l’Allemagne se tienne solidairement aux côtés de la France, qu’Angela Merkel défende bec et ongles le siège du Parlement Européen à Strasbourg et qu’elle fasse comprendre au reste de l’Europe qu’elle n’acceptera jamais que ce siège soit transféré à Bruxelles. Au lieu de ça, elle abuse de la question du siège (qui, selon les traités, ne devrait même pas en être une) pour marquer son territoire vis-à-vis d’Emmanuel Macron.

Avant de conclure, la chancelière allemand a encore dit une petite phrase qui à elle toute seule, montre toute la misère européenne. « L’Union Européenne », disait la chancelière, se devait avant tout de « réaliser une promesse de sécurité donnée aux Européens ». Ah bon ? Nous, ça aurait été plutôt une Europe sociale, solidaire, humaniste et pas forcément une Europe sécuritaire.

Bon, au pire des cas, il faudra encore la supporter pendant trois ans, cette chancelière qui fait partie de cette génération des Cameron, Berlusconi, Juncker & Cie. qui a poussé l’Europe vers le gouffre. Quand « Mutti » prendra enfin sa retraite, on sabrera le champagne.

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