Micro européen – et comment est-ce que la Suisse voit la situation ?

La Suisse n'appartient pas à l'UE, mais suit avec attention ce qui se passe chez ses voisins, en particulier la France. Les sentiments y sont partagés face à l'incertitude politique actuelle.

L'époque où la Suisse pouvait voler au-dessus de l'actualité européenne, semble révolue... Foto: Giles Laurent / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(José Manuel Lamarque / France Info) – Focus sur la Suisse, observateur des élections européennes en tant que pays qui n’appartient pas l’Union européenne. Et que pensent nos voisins helvètes de la situation politique en France ? Richard Werly, journaliste suisse au quotidien Blick, est l’invité cette semaine de Micro européen.

De quelle manière la Suisse analyse-t-elle les élections européennes ?

Richard Werly : Il n’y a pas eu de grande surprise, puisque la majorité sortante, composée des socialistes, des chrétiens-démocrates et des conservateurs du Parti populaire européen et du courant libéral, cette majorité-là devrait pouvoir tenir. A priori, les grandes législations européennes pour les 5 ans à venir devraient donc être approuvées, même si on note une forte vague nationale populiste. J’allais dire que cette Europe ressemble de plus en plus à la Suisse ! Vous savez qu’on a un parti national populiste à 30% des voix, l’UDC qui est au gouvernement depuis une vingtaine d’années, et des majorités qui se constituent entre l’UDC, les socialistes et la droite traditionnelle. L’Union européenne est une grande région du monde, avec 27 pays membres, qui n’a pas d’autre solution que d’avancer par compromis.

Comment la dissolution du Parlement français est-elle perçue par nos voisins suisses ?

RW : D’abord une stupéfaction devant la rapidité de décision d’Emmanuel Macron. C’est quelque chose qui n’est pas du tout helvétique, cela ne vous étonnera pas. Notre pays est réputé pour sa lenteur institutionnelle, et on a beau être un grand fabricant d’horloges, votre président a pris tout le monde de court. Cette idée que, sur un coup de dés, presque un geste théâtral, on puisse dissoudre l’Assemblée nationale et convoquer une nouvelle élection au soir même d’un scrutin perdu, est quelque chose qui stupéfie. Cela ne peut se passer qu’en France, pays si vertical, si présidentiel.

Deuxième élément de réflexion, l’inquiétude parce qu’on peine à imaginer à quoi ressemblera le futur gouvernement de la France. On se demande même si la France de demain, c’est-à-dire après les élections législatives, ne deviendra pas ingouvernable…

Que vous inspire la semaine agitée que nous venons de vivre ?

RW : La France va-t-elle trouver les ressources et les réponses à cette situation inédite ? Situation qu’Emmanuel Macron n’a pas créée tout seul, puisque sa décision de dissoudre résultait d’une forme d’impasse politique à l’Assemblée nationale. Peut-être dans 3 semaines, au soir du 7 juillet, il sera en minorité et en situation de cohabitation. Le premier élément concernant la France est donc un grand point d’interrogation. En ce qui concerne l’Union européenne, la question est de savoir si elle va pouvoir tenir ses promesses ? Des promesses très ambitieuses que ce soit sur le climat, la réindustrialisation, l’Ukraine ou une riposte à la politique protectionniste américaine. Il est cependant un peu facile de s’interroger depuis la Suisse, pays stable, pays neutre – certains diraient pays très égoïste, replié sur lui-même. Il faut avoir l’humilité de dire aussi que l’Union européenne a pris des décisions courageuses, a pris des initiatives. Et quand vous faites preuve de courage, vous prenez toujours des risques.

Les Suisses sont-ils inquiets ?

RW : Sur la situation géopolitique, incontestablement. D’abord est ce que la neutralité nous protège encore ? La décision du Conseil fédéral (notre gouvernement) d’appliquer les sanctions européennes, montre que notre neutralité est déjà écornée : la Russie ne considère plus la Suisse comme une puissance neutre (c’est l’une des raisons pour lesquelles Vladimir Poutine a dit qu’il ne viendrait pas à la Conférence sur la paix le week-end passé). Ensuite, il y a une inquiétude économique. La Suisse sait parfaitement que son avenir économique dépend de l’Union européenne, premier partenaire commercial de la Confédération. Si l’Union venait à dérailler sur le plan économique ou à connaître de sérieux accidents, la Suisse serait évidemment affectée.

À lire : Le bal des illusions, ce que la France croit, ce que le monde voit par Richard Werly et François d’Alençon (Grasset).

Pour écouter cette interview sur France Info, il suffit de cliquer ici !

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