Micro européen – Pourquoi l’Union européenne est affaiblie…

Quid de l'UE aujourd'hui en 2025 ? Analyse de la situation par Noëlle Lenoir, ministre des Affaires européennes de 2002 à 2004.

Vue depuis l'ISS, l'Europe a l'air bien paisible... Foto: Alexander Gerst / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(José-Manuel Lamarque / France Info) – L’Union européenne s’agrandit et cela n’est pas sans conséquences, notamment pour la physionomie de l’Europe et sa culture. Les priorités ont complètement changé et il faut aussi envisager l’éventualité d’une guerre. Selon Noëlle Lenoir, « on ne peut pas supporter d’une part une immigration aussi forte que celle qui est acceptée actuellement, et d’autre part cet élargissement. »

Quelle est votre vision de l’Union européenne aujourd’hui ?

Noëlle Lenoir : Elle est totalement transformée et malheureusement affaiblie. Pourquoi transformée ? D’abord, parce que c’est la fameuse réunification du continent européen qui a eu lieu justement au moment où en 2004, 10 pays ont rejoint l’UE. C’était passionnant parce que je découvrais ces pays qui sont tous extrêmement attachants.

Dix pays d’un coup. Et puis, ensuite, la Croatie. Et maintenant, on a peut-être un autre élargissement à venir dans les Balkans, mais ça a complètement changé la physionomie de l’Europe et la culture de l’Europe, avec évidemment des aspirations différentes à l’Est et à l’Ouest, les vieux pays, la vieille Europe, comme disait Monsieur Rumsfeld, le ministre de la Défense américaine pendant la guerre en Irak. Donc le bateau s’est chargé et en se chargeant, il est devenu plus instable. Ça, c’est le premier point.

En quoi est-il instable ?

NL : Par exemple, il y a un commissaire européen par pays, c’est-à-dire que Malte, 552 747 habitants a le même nombre de commissaires que l’Allemagne, qui a 85 000 000 d’habitants. Cela pose un tout petit peu un problème, puisque ça oblige à mettre sur un pied d’égalité des pays qui n’ont pas tout à fait le même poids réel dans l’économie et qui sont des contributeurs nets au profit des autres. Et je trouve que ça a un tout petit peu déséquilibré le système représentatif qui est quand même à la clé, et du Conseil européen et de la Commission européenne.

Maintenant et deuxième point, les priorités ont complètement changé. C’est-à-dire qu’on avait l’impression d’une paix perpétuelle sur le continent. Entre 2002 et 2004, on avait l’impression aussi de ce que Fukuyama appelait la fin de l’histoire, c’est-à-dire la démocratisation de tous les pays dans le monde entier. L’Europe a été faite pour construire la paix et maintenant, elle doit se préparer à l’éventualité d’une guerre. C’est ça le grand changement, parce qu’elle ne l’est pas.

Un mur est tombé en 89, ne pensez-vous pas qu’aujourd’hui, dans cette Union européenne qu’on pourrait appeler Union européenne occidentale et orientale, d’autres murs sont nés ?

NL : Tout à fait. Il y a d’autres murs qui sont nés d’une part, effectivement, entre les pays qui sont très accueillants à l’immigration et puis les pays qui ont un tout petit peu plus fermé les frontières. Et je ne parle pas uniquement de la Hongrie. Aujourd’hui, il y a des frontières entre les formations politiques, il y a des alliances entre formations politiques, essentiellement des formations nationalistes, ce qui est un tout petit peu le contre-feu à cette politique migratoire qui n’a pas permis à l’Europe de consolider ses valeurs. C’est une fracture au sein des pays et qui pourrait casser l’Europe entière.

Sylvie Goulard, dans son dernier ouvrage, disait qu’on ne peut plus faire d’élargissement, sinon l’Europe va imploser. Qu’en pensez-vous ?

NL : J’ai beaucoup changé sur de nombreux sujets. En ce qui concerne l’Europe, je trouvais, il y a encore quelque temps, qu’on avait trop fait attendre ces pays, notamment l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Macédoine, la Serbie. Et puis aujourd’hui, je pense qu’effectivement on ne pourra pas assumer cet élargissement. D’abord parce que la gouvernance européenne est faible. Madame Von der Leyen n’est pas vraiment légitimée par tous les États européens et par tous les partis européens. Elle a finalement une gouvernance extrêmement isolée et extrêmement « bunkérisée ». Elle ne cherche pas, d’ailleurs, à œuvrer et à montrer aux différents pays qu’elle œuvre pour eux. Et puis le Conseil européen est très faible et il est très divisé. Et par conséquent, je suis d’accord avec Sylvie Goulard qui est une très très fine connaisseuse de l’Europe, puisqu’elle est germanophone, et elle connaît très très bien ces sujets-là.

Je pense qu’aujourd’hui, on ne peut pas supporter d’une part une immigration aussi forte que celle qui est acceptée actuellement, et d’autre part cet élargissement. Effectivement, je suis d’accord avec elle. Je suis d’accord maintenant, je ne l’étais pas il y a quelque temps et je pense que ça se fait peut-être au-delà de tout le reste. Le symbole de l’irréalisme d’une classe politique européenne qui s’est enfermée dans une sorte de sentiment de supériorité et de pouvoir dicter aux populations le bien et le mal.

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