Mieux vaut tard que jamais

Depuis la semaine dernière, un procès contre un ancien SS gardien au camp de concentration du Stutthof près de Gdansk a commencé. Et ce n'est toujours pas le dernier procès de ce type.

65 000 personnes ont été assassinées de manière barbare par les nazis au camp du Stutthof près de Gdansk. Foto: Ludwig Schneider / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – L’accusé a 93 ans. Pourtant, son procès devant le Tribunal de Grande Instance de Hambourg se déroule devant une chambre de jeunes, car au moment des faits qui lui sont reprochés, l’accusé n’avait que 17 et 18 ans. On lui reproche « complicité d’assassinat » dans les cas de 5230 personnes – il était gardien au camp de concentration du Stutthof près de Gdansk, un camp d’extermination. Et il est important que ce procès ait lieu – les crimes contre l’humanité ne connaissent pas de prescription.

« Mais laissez ce vieil homme tranquille », disent certains, « ça fait si longtemps ». Mais on ne peut pas laisser tomber les procès contre les acteurs de la machine à tuer nazi. Il est scandaleux que la justice allemande, pendant des décennies aveugle face aux innombrables dossiers nazis, ne se réveille que maintenant. Bruno D. était certes jeune au moment des faits, mais il faisait partie de la SS, un « corps d’élite » pour lequel il fallait se porter candidat et être sélectionné. Donc, Bruno D. ne peut pas faire valoir avoir été un simple soldat ; et il l’était en sa fonction de SS.

Le parquet de Hambourg décrit ce qui s’est passé au camp de Stutthof – « les détenus ont été majoritairement tués par une balle dans la nuque ou par du gaz toxique (Zyklon B). De plus, de nombreuses personnes ont été tuées par la privation de nourriture et d’eau ainsi que par le refus de soins médicaux ». En tant que gardien, Bruno D., contrairement à ses dires, ne pouvait pas ne pas remarquer ce qu’il se passait dans ce camp d’extermination.

Aujourd’hui, contrairement à ses victimes, Bruno D. est en excellente forme malgré ses 93 ans, ce qui a invalidé l’option que le procès soit annulé. Pour tenir compte de son âge avancé, le tribunal a décidé de ne pas dépasser les 2 heures d’audition quotidiennes.

Le dernier procès contre les bourreaux dans les camps d’extermination ? Non, toujours pas. Il y a encore environ 50 procédures en cours, y compris contre une ancienne secrétaire du camp du Stutthof qui, aujourd’hui, a 94 ans et dont le procès est en préparation à Itzehoe dans le nord de l’Allemagne. Et 50 autres dossiers seront aussi poursuivis. Mais comment se fait-il que la justice allemande ait attendu 70 ans avant de traduire ces anciens SS devant la justice ? Ces personnes ont pu profiter d’une longue vie, elles n’étaient pas molestées, et n’auront pas payé pour leur participation au génocide des nazis dont ils faisaient partie – dans les camps d’extermination, l’Allemagne nazie ne faisait pas appel aux simples soldats, mais exclusivement à des unités spéciales de la SS.

Déjà pendant les procès d’Auschwitz à Francfort dans les années 50, des gardiens des camps voulaient faire valoir « ne pas avoir été au courant » de ce qui se passait dans leurs camps d’affectation. C’est le travail courageux du procureur Fritz Bauer qui avait permis à l’époque d’apporter la preuve qu’il était impossible de travailler dans un tel camp sans être au courant de l’extermination de milliers et de milliers de personnes.

Tant qu’il y a un seul ancien SS en vie qui a participé à cette machine à tuer des nazis, la justice n’est pas en droit de fermer ces dossiers. Pour le procès de Bruno D., 25 parties civiles se sont déclarées et le respect des victimes des bourreaux nazis sont en droit de réclamer justice, même si cette justice sera rendue tard, beaucoup trop tard.

« Mais condamner une si vieille personne à de la prison, cela revient à la perpétuité ! », s’insurgent certains, et effectivement, c’est vrai. Mais quelle autre peine méritent ces crimes contre l’humanité ? Il est vrai que lorsque l’on voit ce vieil homme recroquevillé dans son fauteuil roulant, on aurait presque de la peine pour lui, on serait enclin à se dire « qu’il meure paisiblement, il est en fin de course de toute manière. » C’est là qu’il convient de se souvenir que ses victimes, 70 ans plus tôt, avaient une tout autre image de cet homme – il aura été un élément dans une machine à tuer, il a participé au plus grand crime contre l’humanité jamais perpétré.

50 dossiers sont encore en attente et aucun des accusés aura moins de 90 ans. Il n’est pas honteux de poursuivre des personnes aussi âgées, la plus grande honte pour la justice allemande, c’est d’avoir attendu 70 ans avant de le faire.

65.000 personnes ont été tuées cruellement au camp de concentration du Stutthof et sur les « marches de la mort » lors de l’évacuation du camp lorsque l’Armée Rouge approchait à la fin de la guerre. 65.000 victimes qui ont, même tardivement, droit à la justice. Personne n’a le droit d’évoquer l’âge avancée des accusés. En 2019, on tue à nouveau des Juifs en Allemagne, il serait bon que la justice allemande émette un signal fort que ce genre de crime ne sera jamais oublié.

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