Monténégro : changements en vue

Semi-victoire pour le vieux souverain

(Marc Chaudeur) – Corruption, liens de la caste politique avec le crime organisé, autoritarisme post-communiste et léthargie organisée de la société civile, relations conflictuelles depuis deux ans avec l’Église orthodoxe… Après 30 ans de règne, le régime va-t-il changer, au moins de mains ? Ce ne sera pas nécessairement pour le mieux, hélas !

Le DF (Front démocratique) et la coalition qu’il mène pavoise : le parti « social-démocrate » au pouvoir, le DPS post-communiste, n’a remporté que 35,12 % des voix. Majorité relative donc, face a la coalition d’opposition qui elle, a séduit 32,52% des électeurs. Déception : Noir sur Blanc, plateforme composée de personnalités de la société civile, la vraie force de renouveau démocratique et civique présente dans ces élections législatives, n’obtient que 5,57 % des voix… Et la liste La Paix est notre nation a fait 12,6 % des voix.

Un événement d’importance, quoi qu’il arrive cet automne : car le DPS est l’avatar de la Ligue des communistes, arrivée au pouvoir à l’issue du mouvement des partisans de 1939-45. Comme dans beaucoup d’autres pays des Balkans. La coalition oppositionnelle pro-serbe Pour l’Avenir du Monténégro (avec le DF en son sein) exulte, en tout cas. Une opposition ambivalente, qui risque bien plutôt à notre sens de plonger encore un peu plus le pays dans le populisme, l’éloignement de l’Union européenne et la dépendance (notamment face à la Serbie, dont les Monténégrins se sont affranchis en 2006) que dans un renouvellement démocratique. Et de se rapprocher de Poutine. Pas très enthousiasmant…

Mais que vient faire la Serbie ? En réalité, beaucoup de Monténégrins continuent à se reconnaître dans le grand-frère avec lequel Milo Đukanović a rompu, très habilement d’ailleurs et sans violences. Et à partir de l’hiver 2019, la Serbie a utilisé la nouvelle loi « sur la liberté de religion » que Đukanović a fait édicter, un peu abruptement : selon cette loi, les terrains et biens immobiliers qu’utilisaient les communautés religieuses sur le territoire national et financés par des fonds publics – ou qui appartenaient à l’État monténégrin avant 1918 redeviennent des propriétés d’Etat si ces communautés ne peuvent justifier cet usage par des titres de propriété valides.

Une excellente idée. Mais dans les pays orthodoxes, une telle procédure est quasi-inconcevable ! L’Eglise orthodoxe serbe, en effet, est le plus grand propriétaire foncier au Monténégro ; elle possède des des hôtels, des restaurants, de grands terrains constructibles . Et, comme en Grèce, l’Eglise nationale ne paie aucun impôt !

L’Église a donc suscité d’importantes manifestations, notamment en décembre dernier à Nikšić (la ville natale de Đukanović, fameuse pour sa pépinière de mafiosi) : 7 000 personnes au moins ont protesté contre ce qui est perçu comme une tentative de confiscation des biens de l’Église. Son dirigeant, le métropolite Amfilohije, a déclaré, ce qui d’ailleurs n’est pas faux : « Un groupe de riches qui a déjà volé le Monténégro et ses entreprises a décidé de voler aussi les Eglises ! » L’effet nomenklatura, persistant.

En tout cas, l’ensemble de l’opposition est majoritaire : 41 députés (sur 80) dont 27 pour le DF.  Đukanovic a cependant rappelé que son DPS restait le premier parti du pays et qu’il pourrait bénéficier des suffrages des minorités albanaise et bosniaque et un petit parti social-démocrate, le SDP.

En même temps se tenaient dimanche des élections municipales : et le parti au pouvoir a perdu les villes importantes de Budva (au Nord), d’Andrijevica et de Kotor (un gouffre à trafiquants et à touristes qui rapportait gros au DPS jusqu’à l’an dernier).

En somme, qui pourrait changer quoi que ce soit dans le pays et initier une politique propre et dynamique ? Une seule solution possible, sans aucun doute : promouvoir la plateforme Noir sur Blanc et la formation qui l’anime, à savoir l’URA de Dritan Abasović – un homme jeune et un parti bouillonnant, lui, au moins. L’Union européenne devrait enfin y reconnaître ses valeurs et aider le plus possible ce mouvement à réveiller la société civile et à formuler des propositions de renouvellement face à la post-nomenklatura qui gangrène et sclérose encore le pays. Peut-être plus pour longtemps.

A consulter : http://courrierdesbalkans.fr/

 

 

 

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