Mort de Helmut Kohl : un « géant » terrassé !
Alain Howiller revient sur le décès et la vie de l’ancien chancelier allemand Helmut Kohl.
(Par Alain Howiller) – Il s’est endormi paisiblement, à 87 ans, le vendredi matin 16 Juin, vers 9h15, dans son bungalow de Ludwigshafen-Oggersheim. Son état s’était dégradé ces dernières semaines et il passait le plus clair de son temps dans son fauteuil d’invalide, installé dans son jardin. Helmut Kohl, celui qu’on surnommait le « géant noir » (en référence à la couleur politique du parti chrétien-démocrate) alors qu’il mesurait 1m93 et pesait 130 kilos, est parti, avec à ses côtés Maike Kohl-Richter (52 ans) qu’il avait épousée en seconde noce en 2008. Helmut Kohl, on le sait, était partiellement paralysé à la suite d’une chute dans l’escalier de sa cave : il avait, par ailleurs, été frappé par une attaque cérébrale dont les effets pesaient lourdement sur son élocution.
Il est donc parti, au matin du 16 Juin, mais non sans avoir remporté une dernière victoire : après plusieurs années de procédure, le tribunal de Cologne lui a donné raison, le 27 Avril, dans le procès pour diffamation, atteinte à ses droits et à son image qu’il avait engagé contre le journaliste de télévision (WDR) Heribert Schwan.
Pour ses « détracteurs », une lourde condamnation ! – Celui-ci avait été chargé de rédiger avec Tilman Jens, les mémoires de l’ancien chancelier qui finalement mettra un terme à leur collaboration. Mais Schwan utilisant -sans autorisation- l’enregistrement des conversations qu’il eut avec Helmut Kohl, publiera un livre-choc (plus de 100.000 exemplaires) sur les confidences de l’ancien chancelier intitulé « Vermächtnis. Die Kohl-Protokolle » (Héritage : le procès-verbal (…des propos)… de Kohl). Les auteurs y rapportaient les propos peu amènes du dirigeant allemand sur les acteurs (dont Angela Merkel qui ne lui pardonnera pas !) de la politique nationale et internationale. Le tribunal condamnera les auteurs et leur éditeur (ils feront appel de la décision) à verser un million d’euros de dommages et intérêts à « leur victime » : ce sera la plus lourde condamnation jamais prononcée dans ce type d’affaires !
Des milliers de témoignages de chefs d’état ou d’auteurs anonymes venus du monde entier ont salué la disparition de Helmut Kohl tandis qu’une mer de fleurs et de couronnes s’est déployée devant la maison de ce grand européen, apôtre de l’amitié franco-allemande devenu le « père de la réunification allemande ». L’amitié avec la France, il l’avait cultivé dès son engagement, à 16 ans, à la CDU qui en fera le président du Land de Rhénanie Palatinat (1969/1976), le « patron » de la CDU, puis (pendant 16 ans) le chancelier de la République Fédérale.
Kohl militant et l’Alsace. – Il sera député au Bundestag pendant 26 ans ! L’amitié franco-allemande, il en cultivera les racines depuis le Land voisin de l”Alsace où il viendra souvent déjeuner dans un restaurant étoilé du Nord de la région et où, en compagnie de militants alsaciens, il participera, dès les années cinquante, à des opérations d’abattage de poteaux-frontière sur la limite territoriale alsaco-palatine. C’est du reste à Strasbourg, lors d’un sommet de l’Union Européenne alors à douze états-membres, réunion présidée par François Mitterrand, que Kohl obtiendra, en quelque sorte, le 12 Décembre 1989, de ses partenaires européens, le feu vert pour s’engager dans la réunification allemande !
Un feu vert qui n’était pas évident face aux réticences des partenaires européens redoutant le fait qu’émergera une hégémonie du « D-Mark » et de l’économie allemande à travers la réunification. Finalement Kohl « achètera », côté Est, la réunification à l’URSS -dont l’économie était exsangue- en mettant à la disposition de Gorbatchev 12 milliards (!) de marks. Il gagnera, à l’Ouest, la confiance et l’approbation de ses partenaires en garantissant les frontières de l’Est (« Ligne Oder-Neisse »), en approuvant de nouveaux progrès pour l’Union Européenne (Traité de Maastricht) et en acceptant (et en faisant accepter par son opinion) que l’Euro remplace le « D-Mark » !
« Luftwaffen-Helfer » à Berlin en 1945. – Si l’histoire personnelle de Helmut Kohl n’avait pas été celle qu’on connaît, cette évolution n’aurait sans doute pas été possible : son amitié avec la France a été nourrie par sa proximité avec ce pays qui était le voisin du Palatinat, par les excellentes relations qu’il a su nouer avec les soldats français qui composaient ce a qui étaient alors les « Forces Françaises en Allemagne » (FFA). D’ailleurs, l’ancien chancelier ne comprendra pas la hâte avec laquelle, une fois la réunification sur les rails, François Mitterrand tiendra à retirer les forces françaises (avant, par exemple, la Brigade Franco-Allemande) stationnées Outre-Rhin !
L’empathie pro-européenne de Kohl a certes été alimentée par ces éléments, mais elle a également été soutenue par Hannelore, sa première épouse qui parlait un français parfait et générée par son expérience de la Deuxième Guerre Mondiale. II perdra un frère au cours du conflit et lui-même fera la dure expérience de l’état de son pays au lendemain de la guerre lorsque, comme « Luftwaffen-Helfer » de 15 ans, il assistera à la chute de Berlin et qu’il traversera, à pied, deux mois durant, un pays dévasté pour regagner « son Palatinat » d’origine !
Il y démarrera assez rapidement une carrière qui s’achèvera par la défaite de son parti aux élections de 1998 qu’il affrontera malgré les conseils en faveur d’un renoncement de celui qui était encore son ami, Wolfgang Schäuble qui avait été le rédacteur efficace (mais bien oublié depuis !) des documents entre les « deux Allemagnes » qui permirent concrètement la réunification. Mais une carrière qui s’achèvera surtout avec la condamnation, en 1999, pour financement illégal de son parti par des donateurs dont il refusera -au nom de la parole donnée- de révéler l’identité ! Il fera l’objet, encore, d’une enquête pour « malversation » et sera condamné (en 2001) à une lourde amende.
Une réhabilitation refusée ! – Il collectera des fonds pour rembourser les dépenses de son parti et pour payer son amende de 300.000 DM. Il devra renoncer à son titre de « Président d’Honneur de la CDU » que certains voudront lui rendre lors de ses 80 ans : Angela Merkel, qui avait été à l’origine de l’éviction et de la retraite de l’ancien chancelier, qu’elle remplacera à la CDU puis à… la chancellerie, s’opposera à cette réhabilitation même tardive !
L’histoire des relations franco-allemandes retiendra l’amitié qui s’est tissée entre François Mitterrand et Helmut Kohl : les manuels d’Histoire retiendront, notamment, pour la postérité, les photos du « mano à mano » des deux présidents à Verdun et les larmes versées par Helmut Kohl lors des obsèques de son « ami François ». L’Histoire allemande retiendra son action pour réussir la réunification des deux Allemagnes. L’Histoire personnelle du « géant noir » disparu aimerait sans doute retenir que ses deux fils -Walter et Peter- seront présents aux obsèques aux côtés de Maike Kohl-Richter. Père et fils s’étaient brouillés parce que les enfants reprochaient à leur père d’avoir toujours privilégié la politique et le pays au détriment de la famille voire de sa première épouse Hannelore atteinte d’une maladie incurable qui la poussera au suicide en Juillet 2001.
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