«Much loved» – Une polémique bien inutile.

Un magnifique film ayant suscité pas mal de polémiques au Maroc - à voir absolument ! Foto: Distribution

(Par Nicolas Colle) – Pour rappel, bien que le film ait été favorablement accueilli par le public et la critique lors de sa présentation sur la Croisette, il a néanmoins enflammé les passions, notamment au Maroc, après que quelques extraits aient été diffusés sur le web. Le réalisateur a ainsi été menacé de mort pour avoir osé montrer, ce qui semblait être, un visage malfamé de son pays, alors qu’il n’en est rien.

Une place incontournable – en effet, bien que son film nous plonge dans les coulisses de la prostitution de Marrakech, filmée ici comme une «ville vampirisatrice» selon la volonté du metteur en scène, c’est un portrait tout en sensibilité et en pudeur qui nous est présenté, à travers le parcours de quatre jeunes filles qui en arrivent à vendre leur corps pour subvenir aux besoins de leur famille. Plus que la condition de leur situation, c’est d’avantage la place centrale qu’elles occupent dans la société arabe que Monsieur Ayoucha tenté d’illustrer comme il nous l’a expliqué :

«Pour moi, ces filles sont des catalyseurs des frustrations sexuelles, qui sont très importantes dans les pays arabes. C’est notamment dû au fait qu’il n’y a pas vraiment d’apprentissage de la sexualité. Du coup, passé un certain âge, l’homme n’ayant pu approcher convenablement sa sexualité, celle-ci finit par s’exprimer avec frustration et parfois avec violence dans son rapport à la femme. Je ne voulais pas faire un film qui repose sur la morale ou le jugement. Je voulais montrer une réalité et surtout le rôle prédominant que joue ces femmes dans la société marocaine vis a vis des hommes et de leurs propres familles à qui elles donnent tout, et pourtant elles ne reçoivent rien en retour alors qu’elles ont juste besoin d’amour. Je voulais qu’on retienne leur humanisme et le manque qu’elles peuvent éprouver vis à vis de leur famille. Ce qui d’ailleurs, les handicape fortement dans leur vie sentimentale car quand on n’a pas appris à recevoir, c’est difficile de donner. Et même si ces filles veulent vivre une histoire d’amour, comme n’importe qui d’autre, quand l’occasion se présente, elles peinent à se laisser aller car ça pourrait être perçu comme une marque de faiblesse alors que leur situation et leur vie leur imposent d’être fortes.»

Rendons au film la place qu’il mérite. – En somme, c’est une belle leçon de courage et d’humanité que nous donnent ces femmes libres et indépendantes bien que profondément seules et blessées, comme en témoigne Loubna Abidar, la seule comédienne professionnelle et grande révélation de ce beau film, qui interprète la meneuse de cette petite bande :

«J’avoue avoir beaucoup réfléchi avant d’accepter ce rôle car je pensais qu’il demanderait un grand courage et cela me faisait peur. Mais après avoir rencontré des centaines de filles qui vivent la vie de ces personnages, j’ai pensé que ça serait dommage de passer à côté de cette histoire. Même si je ne m’attendais pas à ce qu’on puisse me retirer mon passeport et réclamer ma tête juste à cause de l’idée (fausse) que certaines personnes ont pu se faire du film à cause de quelques images diffusées sur internet.»

Fort heureusement, il semblerait que ce film existe non pas pour les polémiques qu’il a engendré, mais plus par ses qualités cinématographiques comme son naturalisme, son humanité, sa vérité, sa douceur, sa pudeur, son humour et sa force de vie qui emporte tout sur son passage. Son récent prix au dernier Festival d’Angoulême semble le confirmer et même si le film est actuellement interdit au Maroc, la distribution est en contact avec d’autres pays arabes où il pourra, espérons le, éveiller les consciences et rendre hommage à ces femmes incroyablement dignes.

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