Ne soyons pas des Shadoks !
La mobilisation des soignants prévue le 16 juin 2020 suscite des réactions gouvernementales et préfectorales inacceptables.
(Jean-Marc Claus) – Il y a eu les applaudissements de tout un chacun à 20 heures, qui ne font pas pour autant oublier les incivilités de certains envers les personnels soignants. Il y a eu les éloges des politiques, qui ne font pas pour autant oublier les lacrymos pulvérisés sur les soignants avec l’aval de certains ministres. Il y a les médailles et le défilé du 14 juillet destinés à graver dans le marbre la rhétorique guerrière du président de l’en-même-temps, qui ne font pas pour autant oublier les morts au champ du déshonneur de l’impréparation. Il y a le Ségur de la santé n’atteignant jamais le niveau d’un Grenelle, qui ne fait pas pour autant oublier la destruction programmée du service public de la santé. Il y aura le 16 juin 2020, journée de mobilisation des soignants, que d’aucuns aimeraient peut être faire oublier en interdisant les manifestations…
La pensée magique qui contrairement aux idées reçues, n’est pas propre à certaines pathologies mentales, habiterait-elle les arcanes du pouvoir tant au niveau national que local ? La question mérite d’être posée quand au sommet de l’État, un constant abracadabra oratoire se substitue à une véritable parole politique, autant qu’au niveau local où un oukase en forme d’hocus pocus préfectoral, voudrait disperser une manifestation avant même qu’elle ait lieu. Ce refus de trouver des solutions aux problèmes tendant ainsi à accréditer la fameuse devise Shadok selon laquelle tout problème ayant une solution, l’absence de solution signerait forcément l’absence de problème, nous voici rendus à une seconde et non moins fameuse devise Shadok affirmant qu’il est beaucoup plus intéressant de regarder là où on ne va pas, pour la bonne raison que là où on va, il sera toujours temps d’y regarder quand on y sera !
Là où on va, ça s’appelle l’Amérique, plus précisément celle du Nord, et encore plus précisément celle qui se trouve entre le Canada et le Mexique. Celle que Michael Moore a décrit en 2007 dans son film intitulé Sicko, celle où la carte bancaire fait office de carte vitale, celle où Richard Nixon a enterré la proposition du sénateur Edward Kennedy en faveur d’une couverture médicale universelle pour y substituer la « meilleure assurance santé (privée) qui soit » et dont on voit bien aujourd’hui combien elle ne s’adresse qu’aux plus fortunés. Si le 16 juin 2020, les soignants veulent en France descendre une fois de plus dans la rue, ce n’est pas seulement pour revendiquer des hausses de salaires, comme voudraient le faire croire certains esprits chagrins. La revalorisation des salaires fait partie d’un ensemble, mais la demande ne se limite évidemment pas à cela.
Notre système de santé public se meurt, car de continuelles « réformes » l’asphyxient, moins vite qu’une attaque de Covid-19, mais bien plus sûrement. Bien plus sûrement car, si face au défi de la pandémie notre système a su résister grâce à l’engagement sans réserves de tous les acteurs du soin, le travail de sape mené depuis de nombreuses années contre cette partie de notre héritage du Conseil National de la Résistance nous amène aujourd’hui à la limite de l’effondrement de tout l’édifice. Celles et ceux qui applaudissaient à 20 heures en sont-ils conscients ? Il y a fort à craindre que non. Celles et ceux qui distribuent médailles et lacrymos savent-ils ? Il y tout lieu de croire que oui.
La journée de mobilisation du 16 juin 2020 ne sera pas la « mère des batailles », car les soignants sont depuis longtemps engagés dans la lutte pour l’intérêt général et le bien commun. Mais sans un soutien massif de l’ensemble de la population du pays, elle peut devenir une « amère bataille » dont le pouvoir en place saura parfaitement se saisir pour, à grands coups de comm’ nous chanter « Tout va très bien madame la marquise » et conduire le bas peuple à ne plus se mêler des affaires publiques, selon la devise Shadok affirmant qu’il vaut mieux mobiliser son intelligence sur des conneries, que de mobiliser sa connerie sur des choses intelligentes…
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