Nord Stream 2 : une victoire russe ?

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Nord Stream 2 a beaucoup d'arêtes... Serpent de mer, de Huang Yong Ping Foto: Seb35 / Wikimédia Commons / CC-BY-SA PD

(Marc Chaudeur) – Cette semaine, les négociateurs de la Commission européenne ont fini par s’entendre sur les règles nécessaires à la déglutition du serpent de mer gazeux. Remède de cheval ou placebo dangereux ? L’installation de Nord Stream 2 va transformer les conditions d’approvisionnement énergétique en Europe.

Le Parlement vient de s’entendre avec la Commission, a-t-on appris, pour atteindre un compromis. Ce compromis propose que la propriété et l’usage du pipeline ne puissent se trouver dans les même mains. L’Allemagne a longtemps refusé cette proposition ; mais après une discussion âpre et acharnée avec les Français, ce compromis va entrer en vigueur.

Le pipeline, construit principalement par la compagnie gazière russe Gazprom, entrera en fonction fin 2019. Il serpente sur 1224 et traverse une partie de la Russie à partir du gisement très septentrional de Ioujno-Russkoje, dans l’oblast de Tioumen. le long de la frontière finlandaise,puis toute la Baltique jusqu’à Greifswald, la ville de K.D.Friedrich. Il acheminera 55 milliards de mètres cube par Nord Stream.

Nord Stream 2 double le premier pipeline Nord Stream entamé en 2005 par Gazprom, la grande entreprise russe. Une polémique assez virulente a éclaté dès la fin du 20e siècle à son propos, et continue de plus belle ces dernières semaines. Les principales objections sont politiques : les pays baltes, l’Ukraine et la Pologne (de même que la Biélorussie) craignent fort que de l’œuf du serpent naisse une dépendance énergétique de l’Allemagne à l’égard de la Russie. Il est vrai que par la nature même du régime Poutine, il n’existe guère de distance entre l’État russe et les projets économiques des entreprises privées, même si outre Gazprom, Nord Stream est financé par Engie, Shell, OMW, Uniper et Wintershall, des compagnies européennes. Par ailleurs, c’est un énorme manque à gagner pour ces pays, puisqu’ils ne toucheront plus de droits de passage sur leur territoire, le tuyau géant passant tout au Nord de l’Europe.

Dès le départ, d’ailleurs, le projet est marqué par un manque de transparence : en 2007, le chancelier Gerhard Schröder, un social-démocrate d’un genre très particulier, a garanti un prêt d’un milliard d’euros (Deutsche Bank et KfW) à Gazprom. Après sa défaite électorale face à Angela Merkel, Gazprom s’est dépêché de l’enrôler dans ses rangs, au poste de directeur du Conseil de surveillance du groupement russo-allemand qui devait construire le gazoduc. En mai 2011, le premier tube est construit. En septembre 2011, Vladimir Poutine inaugure le pipeline en grande pompe. Nulle doute que l’activité financière et d’entregent de Schröder ont grandement facilité le choix de Gazprom et la réalisation du projet, jusqu’à aujourd’hui…

Pays baltes, Pologne, Biélorussie et… Etats-Unis voient donc d’un très mauvais œil l’installation de Nord Stream 2 : ils y voient une mainmise sinon géopolitique, du moins… géoéconomique de la Russie sur l’Europe, par le biais de l’Allemagne. Comme la Chine sue l’ensemble du globe, ou presque…

Certains opposent aussi à Nord Stream des objections écologiques : risques de pollution, et provenant surtout des responsables suédois, objection sur le parcours : le pipeline, disent-ils, risque de rencontrer les innombrables bombes et corps explosifs immergés depuis la 2ème guerre mondiale.

Pression politique ? Il ne faut pas oublier que si l’Allemagne dispose d’autres sources d’approvisionnement (surtout la Norvège), les pays baltes et la Finlande dépendent à 100 % du gaz russe la France seulement à 15 %; l’Allemagne dans une situation intermédiaire, 37 %. En avril 2006, en réponse à de nombreuses critiques, Gazprom sous-entend que les pays européens connaîtront des problèmes énergétiques s’ils ne se montrent pas plus coopératifs et ne leur permettent pas de contrôler une partie de la distribution du gaz…

Un dossier difficile et assez peu rassurant, donc, qui exige un traitement précis et nuancé. Ce qui sera fait très bientôt dans Eurojournalist.

 

 

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