« Nous avons besoin d’un héroïsme politique »

Dans une longue interview accordée aux DER SPIEGEL, le président français Emmanuel Macron parle – de lui. De ses innombrables qualités. De sa détermination. Tout en restant, comme souvent, dans le flou le plus complet.

Sur 8 pages, les lecteurs allemand du DER SPIEGEL apprennent tout sur Emmanuel Macron, le "héros politique". Côté politique, les lecteurs restent sur leur faim... Foto: Eurojournalist(e)

(KL) – 8 pages d’interview, c’est rare. Même pour DER SPIEGEL. Mais si DER SPIEGEL a accordé autant de place au président français, c’était pour connaître ses objectifs, les grandes lignes de sa politique, les actions concrètes dans la mise en œuvre de cette « nouvelle Europe » que Macron a annoncé lors de son discours à la Sorbonne. Si au bout de 8 pages de lecture, on ne sait toujours pas ce que Macron veut réellement faire, on apprend au moins qu’il se considère comme un héros des temps modernes. Au bout de 5 mois dans sa nouvelle fonction, cela reste un peu juste.

Bien sûr, Emmanuel Macron veut se faire connaître des Allemands, on comprend. Mais 5 mois après les élections présidentielles, le bilan reste assez inquiétant. Pour l’instant, Emmanuel Macron a réussi à faire oublier ses deux années d’échec comme ministre de l’économie, il a réussi à faire imploser les partis traditionnels, et il a réussi à véhiculer le sentiment que la France entière soit en marche. Toutefois, on ne sait toujours pas où Macron veut conduire la France et l’Europe, ses premiers accomplissements se limitant à des coupures dans le secteur social et à empêcher la signature de la taxe européenne sur les transactions boursières.

Emmanuel Macron est un champion de la communication. Dans cette interview dans DER SPIEGEL, son discours est censé flatter les Allemands – outre une sorte de déclaration d’amour à l’adresse d’Angela Merkel (mais aussi en direction de Donald Trump et de Recep Tayyip Erdogan…), Macron surprend les lecteurs allemands avec un discours de circonstances, en parlant de la littérature allemande (ah, Günter Grass, Patrick Süskind !) et il veut faire croire aux Allemands que le choix de la musique lors de son show d’intronisation, à savoir l’hymne européen, avait été fait pour rendre hommage à un compositeur (« sourd ! ») allemand. Génial. Et il s’attend à quoi ? A ce que l’Allemagne se mette aussi à suivre aveuglement le salvateur, cette divinité politique qui se considère comme un héros de la mythologie ayant tous les droits ?

Evidemment, le professionnel de la communication a des réponses à toutes les questions. Interrogé pourquoi il insulte si souvent ses compatriotes (« illettrés », « fainéants »…), Emmanuel Macron trouve la belle formule « je ne suis pas arrogant, je suis déterminé ». Mais déterminé à quoi ? Et ses propositions européennes ? Cette fois, la réponse est aussi polie qu’évasive. « L’ambition n’est jamais modeste », dicte Macron, tout en soulignant que ces propositions ne viennent pas exclusivement de sa plume. Comment prévoit-il la mise en œuvre de ces propositions ? Et, comme si souvent, Emmanuel Macron reste dans le flou. Le plus important, c’est que tout le monde soit en marche. N’importe la direction.

Mais à un moment, Emmanuel Macron montre où il se situe sur l’échiquier politique – à la question pourquoi il veut abolir l’impôt sur les grandes fortunes, tout en effectuant des coupes dans le social, Macron explique qu’il ne faut pas molester les plus riches, « autrement, ils partiraient ». Donc, on prend aux pauvres pour donner aux riches, pour vulgariser cette position. Qui traduit dans la pratique ce que le président pense des « fainéants »… Et du coup, on constate qu’Emmanuel Macron est un président de la droite. A quand une vision concrète de ce qu’il entend accomplir pendant son quinquennat ? A quand une vraie politique et non pas seulement de la communication politique vaniteuse ? Après « Jupiter », on sait maintenant qu’Emmanuel Macron se considère aussi comme un « héros politique ». Rien que ça. Super.

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