« Nous ne sommes plus les femmes d’il y a 20 ans… »

Quel courage ! A Kaboul, une trentaine de femmes ont manifesté pour leurs droits, en demandant « égalité, justice, démocratie ». Les Talibans n‘ont pas apprécié.

Une image terrible pour nous - mais ce sera aux Afghans et aux Afghanes de se défendre contre cet extrémisme moyenâgeux. Foto: Arnesen / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(KL) – Les images qui circulent sur les réseaux sociaux n’annoncent rien de bon pour les femmes en Afghanistan après la prise du pouvoir par les Talibans. Une trentaine de femmes ont eu le courage de manifester pour leurs droits, mais les Talibans les ont violemment empêché d’avancer jusqu’au palais présidentiel. Sur certaines vidéos, on voit une femme qui saigne à la tête, dans une autre, on entend un commandant des Talibans crier « … attendez, c’est quoi, le problème, vous voulez quoi, il n’y a pas de problème, les filles, ok ? », tandis qu’une femme hurle « pourquoi vous nous battez ? ».

Que les forces de l’ordre utilisent, comme à Kaboul, du gaz lacrymogène contre celles et ceux qui expriment une position différente de celle de l’état, n’est rien de nouveau, ni à Kaboul, ni ailleurs. Mais là, dans un contexte très particulier, le comportement des Talibans (qui se savaient filmés…), n’annonce rien de bon pour l’avenir des femmes en Afghanistan. Des observateurs de l’ONU font état des incidents violents contre des femmes dans d’autres villes du pays. Si les femmes, selon leurs pancartes, ne sont plus les mêmes qu’il y a 20 ans, la question se pose si on peut en dire autant en ce qui concerne les hommes afghans. Lors de cette manifestation, aucun homme n‘avait le courage (ou l’envie ?) de soutenir ces femmes. Ajoutez à cela que l’armée afghane n’avait pas opposée la moindre résistance aux Talibans lors de leur prise du pays, il faut peut-être en déduire que la majorité des hommes afghans ne voit pas d’un mauvais œil cette prise du pouvoir par les fondamentalistes. Et désormais, une chose doit être claire – les droits des femmes en Afghanistan ne pourront pas être défendus par des armées étrangères.

Un bien maigre résultat de 20 ans de guerre menée par les occidentaux pour porter « la bonne parole occidentale » au pays. Selon nos codes et nos valeurs et même objectivement, pendant ces 20 ans, la condition de vie des femmes en Afghanistan s’est améliorée. Les filles pouvaient aller à l’école, les femmes pouvaient s’inscrire à l’université et accéder à des emplois qualifiés, ce qui constituait un grand pas pour les femmes dans un système si archaïque régi par la Charia. Toutefois, il faut que nous acceptons que la situation en Afghanistan n’avait changé que par la force de nos armées, selon NOS idéaux, selon NOS codes, selon NOS valeurs. Mais l’évolution récente montre que même après ces 20 ans, NOS codes, valeurs et idéaux ne sont pas devenus les LEURS.

Par conséquent, la doctrine occidentale doit changer et les récentes déclaration de Joe Biden vont déjà en ce sens. L’époque où l’occident s’est comporté en maître du monde, est terminée. Les peuples du monde ont un droit à l’auto-détermination, même quand cette auto-détermination donne des résultats incompatibles avec notre idée du monde. Et il faudra également admettre que notre discours est assez hypocrite. Nous n’intervenons que dans des pays qui nous intéressent pour des raisons économiques ou géostratégiques. Mais aucune armée occidentale n’est jamais intervenu dans des régions où, par exemple, les gens vivent dans des systèmes matriarcaux, même si leur mode de vie ne correspond pas exactement à notre idée du monde. Mais dans ces régions, il n’y avait rien à exploiter, pas d’affaires à faire, pas de base militaire à installer. Donc, on n’avait aucun problème d’accepter que les gens y vivent autrement que chez nous. A l’avenir, il faudra tout simplement accepter qu’ailleurs, les gens veulent vivre autrement, même si leur mode de vie ne nous plaît pas.

Ceci ne veut pas dire qu’on ne peut plus soutenir des organisations, des associations, des initiatives qui défendent des valeurs dans lesquelles nous nous retrouvons. Les femmes afghanes veulent s’organiser pour que les filles puissent continuer à aller à l’écoles ? Soutenons-les, avec de l’argent, avec du matériel, avec de l’engagement, avec un appui diplomatique ! Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire pour soutenir les organisations, association et initiatives dans d’autres pays. Actuellement, l’urgence est de sortir les personnes de l’Afghanistan qui y sont menacées pour avoir travaillé avec nos armées et organisations. Nous leur devons ce soutien.

Mais une fois cette mission accomplie, il faut laisser les Afghans et Afghanes faire. Comme ils l’entendent. S’ils veulent vivre comme au Moyen Age, qu’ils vivent comme au Moyen Age. Et si un jour, ils veulent vivre autrement, il faudra qu’ils renversent leur gouvernement et qu’ils créent quelque chose de nouveau. Quasiment tous les pays sont passés par là, un jour. Certains pays même à plusieurs reprises.

Mais le grand enseignement de ce qui s’est passé en Afghanistan, c’est que l’époque du colonialisme est terminée. Y compris celle du colonialisme économique, politique et géostratégique.

En attendant, aidons les femmes courageuses en Afghanistan, demandons à nos politiques et diplomates de tout mettre en œuvre pour que la sécurité de ces femmes soit assurée et espérons que ça fonctionne. Après, ce sera aux Afghans et Afghanes de déterminer comment ils veulent vivre. Que ça nous plaît ou pas.

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