« Nous soignons des soldats russes… »

Rencontre avec le jeune docteur ukrainien Maxim Doroch qui visite pour la deuxième fois la France. Et qui attend beaucoup de l’Europe pour apaiser la situation dans son pays.

Le docteur ukrainien Maxim Doroch craint que l'Europe puisse oublier l'Ukraine. Foto: Eurojournalist(e)

(KL) – Maxim Doroch est ORL à l’hôpital de Dnipropetrovsk en Ukraine. A 31 ans, il fait partie de cette jeune génération d’Ukrainiens qui ne rêve plus de la « grande époque » de l’URSS, mais qui aspire à la paix, à l’Europe et à un avenir meilleur. Entretien.

Maxim, c’est la deuxième fois que vous venez en France, vous étiez à Nice, à Paris et à Strasbourg – comment vivez-vous l’ambiance en France actuellement ?

Maxim Doroch : A Nice, j’étais surpris par le nombre de visiteurs russes, sur la Promenade des Anglais, j’ai entendu parler plus le Russe que le Français. Je trouvais l’ambiance calme, sereine, mais la présence massive de militaires lourdement armés donne à réfléchir. En tout cas, l’ambiance, malgré l’état d’urgence, est plus détendue que chez nous à Dnipropetrovsk.

Justement, vous vivez sous la menace permanente d’une guerre, après l’annexion de la Crimée, la Russie concentre toujours des unités à la frontière, comment se passe la vie dans une situation aussi tendue ?

MD : Les Russes ne sont pas uniquement derrière la frontière, mais aussi dans le Donbass. Nous le savons car nous les soignons dans notre hôpital et nous pouvons donc confirmer qu’ils sont bien sur le territoire ukrainien. Il semble clair que la Russie finance et soutient logistiquement les forces séparatistes dans l’est du pays.

Votre génération est très tournée vers l’Europe – que peuvent faire les Européens pour contribuer à détendre la situation entre l’Ukraine et la Russie ?

MD : Nous avons besoin de l’aide politique et diplomatique de l’Union Européenne, car une guerre n’est pas une option. Une guerre dans cette région aurait des conséquences sur toute l’Europe Centrale et risquerait de se répandre. Mais ces tensions représentent également un conflit entre les générations en Ukraine. Tandis que beaucoup de personnes plus âgées rêvent encore de l’époque de l’URSS et s’orientent vers la Russie, les jeunes générations sont tournées vers l’Europe.

Et comment est-ce que l’Ukraine pourra s’en sortir politiquement, déchirée entre des ultra-nationalistes et des vieux communistes ?

MD : C’est effectivement la question. Nous avons besoin du soutien européen, il faudra faciliter les échanges qui pour l’instant, restent compliqués. Déjà l’obtention d’un visa pour voyager vers l’ouest, relève du parcours du combattant. Il faudrait faciliter toutes cette bureaucratie pour permettre à la jeunesse ukrainienne d’échanger avec la jeunesse européenne. Et bien entendu, il ne faut pas relâcher les efforts diplomatiques.

Justement, il y avait le « Format de Normandie », l’initiative diplomatique des deux ministres des affaires étrangères français et allemand, Laurent Fabius et Frank-Walter Steinmeier. Comment cette initiative a été perçue en Ukraine ?

MD : Sincèrement ? On s’est posé la question quant au but de cette initiative. L’Europe devrait être plus ferme avec Poutine qui menace la stabilité dans toute la région. Et cette initiative, elle a mené à quoi ? Plus personne n’en parle…

Et que peut faire l’Europe concrètement ?

MD : L’Europe ne doit surtout pas fermer les yeux par rapport à ce qui se passe en Ukraine. Nous avons besoin de soutien sur la voie vers la démocratie et pour surmonter l’extrémisme actuel dans mon pays. Nous avons besoin d’aide et pour nous, l’Europe est toujours un exemple, mais suite au « Brexit », nous avons peur que l’Europe nous oublie tout simplement.

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