«Nous sommes en guerre». Comme toujours.

Face à la tragédie humaine que constituent les attentats de Bruxelles, comme ceux de Paris, d'Istanbul, de la Côte d'Ivoire, de partout, les réactions se ressemblent.

Il y a déjà plus d'un an, ces manifestants avaient compris qu'il fallait s'opposer autant à Assad qu'au terrorisme. Foto: JJJ Georges / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Face à des drames comme celui de Bruxelles (et tous les autres de ces derniers temps, y compris à Kaboul, Baghdad et ailleurs), il est difficile de canaliser ses angoisses, sa colère et tout ce mélange d`émotions dans des mots justes. On n’y arrive pas toujours. En première ligne de ceux qui n`y arrivent pas, les responsables politiques. Depuis mardi, nous entendons exactement le même discours que celui qui avait suivi le 11 septembre 2001, Madrid en 2006, Paris en 2015 et toutes les autres fois. «Nous sommes en guerre». Mais cette petite phrase est fausse. Si l’on considère que nous sommes en guerre, il convient de préciser que nous sommes en train de mener de nombreuses guerres.

Bien sûr, personne ne discutera la nécessité de venir à bout de ce phénomène qui est le terrorisme des islamistes qui sont en train d’exporter le conflit du Proche et Moyen Orient dans le monde entier. Bien sûr. Mais par quel moyen ? Les bombardements de la région durent depuis 15 ans et n’ont rien apporté du tout, sauf que le conflit ait été encore approfondi par les souffrances des populations concernées. Car lorsque nous parlons de «guerre», nous ne parlons pas d’un combat contre les responsables, mais d’opérations militaires qui touchent en premier lieu les populations civiles. Les vrai responsables, les Khaddafi, les Saddam Hussein, les Ousama Bin Laden, les Bachir al-Assad, on les laisse agir tranquillement tant que nous pouvons commercer avec eux. En attendant leur chute, nous bombardons des villes et villages où nous pensons atteindre des terroristes ou des structures des terroristes. Et bien souvent, on se trompe de cible et on fait exploser des écoles, des hopitaux, des quartiers populaires. Ces «dégâts collatéraux» sont vécus par les populations là-bas de manière aussi dramatique que nous vivons les attentats ici. Là-bas aussi, les gens perdent leurs proches, leurs familles, leurs amis. La spirale de la haine continue et tout un chacun contribue à sa manière pour que la chaîne de la haine ne soit pas interrompue.

Oui, nous sommes en guerre. Nous menons depuis des siècles une guerre économique contre les pays du Sud, nous menons depuis longtemps une guerre contre l’environnement en détruisant notre planète, nous menons une guerre sociale à l’extérieur et à l’intérieur de nos pays qui elle, constitue la base de la radicalisation d’une jeunesse sans perspectives qui grandit dans un monde dirigé par l’argent, la violence et le «chacun pour soi». Ces jeunes qui se radicalisent, n’ont généralement rien à perdre. Avant de devenir criminels, ils ont été victimes. Victimes de nos guerres qui ne profitent qu’au grand capital qui a systématiquement raison de la raison.

Après chaque attentat, nos responsables politiques se montrent sur les écrans pour exprimer, la voix lourde, leur indignation et pour dire que nous sommes en guerre. Pour continuer dès le lendemain à mener une politique qui elle, se trouve à la base de cette montée de la violence terrible.

Depuis 2001, 2006, 2015 – qu’est-ce que nos gouvernements ont fait pour combattre efficacement les causes du terrorisme ? La seule réponse à la violence a été la violence non-ciblée qui elle aussi, a générée de la violence aussi non-ciblée et ainsi de suite. L’argent que nous avons dépensé pendant ces 15 ans de «guerre contre le terrorisme» aurait du être investi dans des programmes de paix, dans la construction d’infrastructures endommagées, dans le déclenchement d’un processus de démocratisation, dans l’abolution des inégalités sociales qui sont à la racine de la plupart des maux. Mais on a préféré investir dans des armements et nous avons contribué à cette évolution dramatique. Ne serait-ce qu’en votant de manière irresponsable.

Pourquoi ne nous attaquons pas aux vraies causes des crises ? Pourquoi répétons-nous les mêmes phrases stupides comme «nous sommes en guerre» pour justifier des dépenses militaires encore plus importantes ? Pourquoi refusons-nous l’analyse des raisons de cette montée incroyable de la violence ?

C’est facile de mettre un costard noir, d’afficher une mine grave et de dire : «Nous sommes en guerre». Au clair, cela veut dire quoi ? Que nous allons intensifier les mesures et opérations qui feront monter encore davantage la violence ? La phrase «nous sommes en guerre» ne traduit que l’impuissance face à un monstre que nous avons aidé à créer et lequel vient maintenant rôder dans nos jardins.

Si effectivement, nous sommes en guerre, il faudra réflichir comment en sortir. Comme on fait depuis toujours à chaque guerre. Il faudra donc éradiquer les causes de la guerre. Et là, nous pourrons faire beaucoup à notre niveau. Des choses bien plus censées que de lancer des bombes, d’envoyer des soldats et de vendre des armes aux belligérants. On peut commencer chez nous, dans les cités, dans l’organisation de notre société, par exemple en abolissant les «ghettos», on mettant un accent sur la mixité sociale dans les quartiers, en changeant notre politique économique pour créer une société plus juste. Pour rappel – en Allemagne, environ 1 personne sur 6 vit en-dessous du seuil de la pauvreté – et c’est dans ce «vivier» que puisent les extrémistes de tout bord. Tant que le «succès» justifie tous les moyens, le grand capital emploie tous les moyens. Comme les terroristes. Chacun se bat avec les armes qui sont les siennes. Les uns disposent d’armes plus sophistiquées, comme la bourse, d’autres disposent d’armes plus anachroniques comme les ceintures à explosifs.

Nous sommes en guerre tant que nous voulons être en guerre. Le jour où nous déciderons de ne plus sacrifier ce monde sur l’autel du grand capital, le jour où on comprendra que l’égalité sociale contribuerait à la paix sociale, le jour où on se décide d’enfin appliquer la devise de la République «Liberté, Egalité, Fraternité», nous aurons fait un grand pas vers un monde plus paisible. Car ceux qui sont prêts à se faire exploser pour une prétendue cause, auront manqué exactement ce qui est décrit par la devise républicaine. Et tant que nous ne sommes pas disposés à accorder «Liberté, Egalité, Fraternité»à tout un chacun, nous devrions malheureusement nous habituer à cette terrible violence qui s’approche de plus en plus. Bien entendu, cela ne justifie en rien les actes terroristes, mais cela ne justifie pas non plus les bombardements de structures civiles dans le Proche et Moyen Orient. Il est temps de casser le nœud gordien.

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