Novembre : les Français découvrent le poids de l’économie sociale et solidaire

Alain Howiller sur l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) – une autre approche à la vie économique en plein essor.

Des monnaies locales comme le "Stück" font partie de l'ESS - un secteur en plein essor. Foto: www.lestuck.eu

(Par Alain Howiller) – C’est devenu une tradition, bien ancrée désormais en particulier en Alsace : le 9ème mois de « l’Economie Sociale et Solidaire » (ESS) a lieu en ce moment même et des centaines d’animations, de conférences et d’expositions consacrées à cette forme particulière d’économie ont lieu en ce mois de Novembre dans l’ensemble du pays et notamment en Alsace (une centaine d’événements : voir www.www.lemois-ess.org).

Si la présence des entreprises relevant de l’économie sociale et solidaire se situe un peu au-dessus de la moyenne nationale (10,8% des emplois salariés en Alsace, contre 10,5% en moyenne nationale), l’Alsace ne se trouve qu’en 9ème place des régions française pour l’importance de l’ESS, même si la part de cette dernière a progressé ces dernières années avec l’arrivée des « Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne (AMAP) » (ventes directes des produits, notamment à proximité ou dans les villes), des « Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif (SCIC) » (organismes à but non lucratif pour la production de biens ou de services) et les « Sociétés d’Echanges Locaux (SEL) » (qui veulent promouvoir les échanges locaux en utilisant une monnaie complémentaire locale, comme le « Stück » à Strasbourg).

L’Economie Sociale et Solidaire regroupe des entreprises, des organismes privés ou publiques qui exhibent d’une lucrativité encadrée et d’une gouvernance démocratique et participative (voir www.www.oref-alsace.org). Il s’agit essentiellement d’associations, de fondations, de coopératives, de mutuelles mais aussi d’entreprises commerciales qui entendent défendre des valeurs sociales et solidaires comme leur nom l’indique.

70 000 salariés en Alsace ! – Les promoteurs de l’ESS sont adversaire de la fameuse phrase de l’économiste Milton Friedman selon laquelle : « La seule responsabilité sociale de l’entreprise est de faire des profits ! » Les entrepreneurs du secteur prônent une approche « éthique » de leur activité, investissent leurs bénéfices dans des projets d’utilité sociale, les distribuent à leurs partenaires. Au-delà de cette théorisation d’une action qui plonge, pour beaucoup, ses racines dans les utopies sociales du XIXème siècle(!), l’ESS représente aujourd’hui un large panel d’activités assez hétérogènes (70 métiers recensés !), représente des activités caritatives aux coopératives agricoles, financières ou d’assurances, plus de 2,3 millions d’emplois (10% de l’emploi en France) et crée quelque 100 000 emplois par an !

En Alsace le secteur occupe plus de 70 000 salariés (20 000 pour la seule agglomération strasbourgeoise) sur près de 700 000 salariés employés dans l’économie régionale : il couvre tous les secteurs de l’économie à raison de 70% de salariés dans les Associations, 10% dans des fondations, 17% dans des coopératives, 3% dans des mutuelles. Sur 223 000 entreprises en France, on compte environ 5700 établissements en Alsace. Et si le phénomène de l’économie sociale et solidaire se trouve aujourd’hui en pleine expansion, il n’est pas étonnant que, selon les sondages, un peu plus de la moitié (dont 63% de jeunes) des Français aimeraient y trouver un travail, tandis que 80% estiment que ce secteur est porteur d’avenir !

Un colloque du DFI à Ludwigsburg. – Prenant en considération le développement de l’ESS en France mais aussi en Allemagne, patrie de l’économie sociale de marché et parangon du libéralisme, le Deutsch-Französisches Institut (DFI – Institut franco-allemand) de Ludwigsburg, avait consacré sa XXXIIème conférence annuelle à l’analyse de « l’Economie Sociale et Solidaire en France et en Europe ». Parce que c’est dans ce pays qu’elle a trouvé un statut particulier, l’ESS française a été au cœur d’une rencontre qui a mobilisé quelques 400 invités chercheurs, chefs d’entreprise, personnalités politiques, entrepreneurs sociaux et représentants du monde de la culture. Membre du « comité des 5 experts du gouvernement allemand sur le développement économique », Lars Feld, spécialiste de politique économique, au cours d’une conférence prononcée dans la salle d’apparat du château de Ludwigsburg, a situé l’ESS dans son contexte : un outil d’opportunités économiques en développement croissant, une approche originale qui ne constituerait pas, pour autant, le modèle économique alternatif qu’on attend pour sortir de la crise que nous traversons.

Il n’en demeure pas moins que l’ESS (qui représente, par exemple, 40% de l’agroalimentaire français à travers les coopératives), constitue en France un pivot de développement d’autant plus apprécié dans les territoires qu’il vit mal les essais de délocalisation ! La reconnaissance du secteur s’est amorcée dès 1970 avec la création d’un « Comité de liaison national des activités mutualistes, coopératives et associatives ».

Une Charte, des devoirs, des résultats ! – En 1980 est mise en place la « Charte de l’économie Sociale », en 1993 sont créées les « Chambres régionales de l’économie sociale » fédérées, en quelque sorte, au sein d’une « Chambre Nationale ». Avec la création des « Chambres » naît « l’Union des Employeurs de l’ESS (Udes) » qui regroupe la plupart des employeurs du secteur. Dès 2000, le gouvernement français nomme un secrétaire d’Etat chargé de l’ESS qui fera l’objet, en 2014, d’une loi définissant les entreprises du secteur et leur périmètre d’activité.

Mais si dès 2011, la Région Alsace avait engagé un soutien à l’ESS, cette dernière fera l’objet de 2 conventions tripartites entre la Région, les services de l’Etat et les représentants de la Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire (CRESS). La chambre régionale représentant la « Chambre Nationale » qui défend et soutient les intérêts des entreprises auprès des pouvoirs publics. Les conventions régionales définissent les formes d’aide versées par la Région Alsace, en cadrent les bénéficiaires, lancent des appels à projets pour susciter et soutenir les entreprises du secteur.

Plus 2% par an, en moyenne. – L’activité des entreprises et organismes relevant de l’ESS, leur reconnaissance officielle, le nombre d’emplois qu’elle suscite (voir www.emploi-ess.fr), souligne l’importance -souvent ignorée- d’un secteur économique dont le taux de progression dépasse, en moyenne, les 2% par an. Le secteur ne cesse de se développer et les entreprises dites du « commerce équitable » viennent, à leur tour, de se réclamer à juste titre pour la plupart d’entre elles, de l’Economie Sociale et Solidaire.

Sait-on que 68% de l’épargne française est placée dans des établissements relevant de l’ESS et qu’une voiture sur deux est assurée par un établissement relevant du même secteur ? Un mois de l’ESS par an, n’est pas de trop pour pouvoir apprécier le poids d’une forme d’activité méconnue !

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