O Solitude, au Festival MUSICA

Nihil vacuum ? Cosmos 1969, de Thierry Balasse

Notre Lune est vide : Armstrong l'a vidée ! Foto: Widor-Boutet de Monvel / Wikimédia Commons / PD

(MC) – Nous revenons du Point d’Eau d’Ostwald, pédalant ferme, et nous apercevons la Lune. Elle est pleine. Non pas pleine comme une jument, mais pleine d’elle-même ; révélée impudiquement par le Soleil, tout entière. Elle est belle, la Lune, quand elle est pleine d’elle-même et qu’aucun voile de ténèbres ne la dissimule.

Nihil vacuum, disait déjà Aristote dans sa traduction par les prélats vaticano-papistes : point n’existe le vide ! Et pourtant, une création comme ce Cosmos 1969 nous est très précieuse : car elle manifeste le vide technologique qui a envahi nos aires pariéto-temporales et les circonvolutions de notre hippocampe. La technologie nous a tant remplis de vide que lorsque nous marchons, c’est du vide que nous charrions – dans l’ Univers tout entier. Vous entendez ? Non ? C’est normal : le vide fait peu de bruit. Sauf celui des machines qui charrient ce vide quand nous sommes trop fatigués pour marcher. Pensez ! Une tête si énorme sur d’aussi petits pieds !

Mais nous ne ressentons rien en la voyant. Le 20e siècle nous a vidé la tête. Armstrong et ses frères lais nous ont gratifiés d’une magnifique émission TV en 1969, certes ; année où Saint Kennedy II a été supplicié, en même temps que des millions de saints communistes vietnamiens. Et puis ?

Nous venions donc d’admirer Cosmos 1969, la deuxième slot machine de MUSICA après le concert de Marquis de Sade. Une très belle prouesse technique : ces morceaux de Pink Floyd, David Bowie et King Crimson littéralement reconstitués avec les instruments et les engins électroniques de cette année pas possible ! Et pour accompagnement, la voix des techniciens de Dallas et celle d’Armstrong qui dit : Un p’tit pas pour un homme, un grand pas pour l’Humanité, snif, bououh !

Un grand pas vers quoi, au juste ? Vers la résolution de la faim dans le monde, vers la neutralisation des hormones mâles responsables de tant de violences, vers la fin de l’exploitation des ressources des autres continents ?

Vers le vide ?

Un élément troublant aussi dans cette œuvre de Thierry Balasse : l’interprétation de Solitude, de Henry Purcell. Quelle idée extraordinaire ! On a compris alors une chose importante. C’est que notre solitude n’est plus celle de Purcell, celle du 17e siècle et celle de toute notre culture jusqu’au 20e siècle. La solitude qu’on entend dans David Bowie (Space Oddity) est une solitude cosmique. Celle qu’on entend dans Pink Floyd (Echoes) est une solitude hyper-romantique, exacerbée, ultra-narcissique, au fond.

Solitude cosmique, solitude ultra-romantique d’adolescent : ces deux types de solitudes sont portées à l’hyperbole dans une « civilisation » technicienne et technologique. Mais la solitude mélancolique, aristocratique, cette solitude qui goûte d’elle-même avec discrétion pour mieux se maîtriser par ses propres moyens, elle, a disparu. Nous sommes maintenant vides, et désarmés.

Merci, Thierry Balasse, de nous avoir exposé ces choses si importantes en toute clarté – cosmique. Il n’est pas encore trop tard pour aller contempler la Lune, cette nuit.

(Un spectacle produit par la Compagnie Inouïe-Thierry Balasse, en coréalisation avec le Point d’Eau d’Ostwald).

 

 

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