On contourne nos propres sanctions

L’Ukraine est « profondément déçue » - l’Allemagne livre une turbine réparée au Canada à la Russie, pour que les fournitures de gaz russe puissent continuer à travers le gazoduc « Nord Stream 1 ».

L'Occident fait son possible pour maintenir "Nord Stream 1" opérationnel. Même s'il faut contourner les sanctions. Foto: Samuel Bailey (sam.bailus@gmail.com) / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Les sanctions que l’Occident a infligées à la Russie devraient affaiblir l’économie russe et donc contribuer à rendre le financement de la guerre en Ukraine difficile. Mais que valent ces sanctions si plusieurs états les contournent pour pouvoir continuer à acheter le gaz (et le pétrole et le charbon) russe ? L’Allemagne vient de servir comme intermédiaire entre le Canada et la Russie. C’est au Canada qu’une turbine nécessaire à l’exploitation du gazoduc « Nord Stream 1 » a été réparée, mais le Canada ne voulait pas retourner cette turbine à la Russie. Par le détour par l’Allemagne, cette turbine arrive quand même en Russie et ainsi, l’Occident peut continuer à financer la guerre que Poutine mène en Ukraine. L’Ukraine, elle, est « profondément déçue » que les états occidentaux s’organisent pour contourner les sanctions prononcées.

A la mi-Juin, la Russie avait fortement réduit ses fournitures de gaz vers l’Allemagne (qui approvisionne également d’autres pays européens avec ces fournitures), expliquant qu’une turbine de ce gazoduc nécessiterait une réparation. La seule entreprise capable d’effectuer cette réparation se trouvant au Canada, c’est là que cette pièce a atterri. Une fois réparée, la question se posait comment la renvoyer en Russie, sans pour autant violer les sanctions. La solution : le Canada renvoie cette turbine en Allemagne et c’est l’Allemagne qui la livre à la Russie.

« Il faudrait que le gouvernement canadien réfléchisse encore une fois à cette décision pour assurer l’intégrité du système des sanctions », ont commenté les ministères des affaires étrangères et de l’énergie ukrainiens. Mais personne ne réfléchira encore une fois à cette démarche, car l’Occident est toujours dépendant des énergies russes et donc, on continue à contourner les sanctions. Poutine peut se frotter les mains, ses affaires tournent à merveille et l’Occident lui remplit les caisses, ce qui permettra de continuer cette guerre aussi longtemps que le Kremlin le souhaite. Realpolitik ? Hypocrisie ? Egoïsme des états ?

Il y a un clivage entre les discours officiels et les mesures prises sur le terrain. D’un côté, la ministre des affaires étrangères allemande, Annalena Baerbock, regrette publiquement que l’Occident ne puisse pas envoyer des troupes en Ukraine pour combattre les russes et de l’autre côté, on continue à financer cette sale guerre, car notre dépendance des énergies russes est autant une réalité que l’occupation de 20% du territoire ukrainien par la Russie.

Toutefois, à terme, il ne sera pas possible d’avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. Il ne suffit pas de dire que l’on souhaite affaiblir l’économie russe, lorsque dans la pratique, on la renforce. Le rouble est à son plus haut niveau depuis plus de 20 ans, et depuis le début de cette guerre en février, Moscou a trouvé d’autres clients pour ses matières premières.

L’explication officielle pour cette violation des sanctions, venait directement du gouvernement canadien. « Sans ces fournitures de gaz, l’économie allemande souffrirait beaucoup et éventuellement, les Allemands ne seraient pas en mesure de chauffer leurs logements l’hiver prochain. Il s’agit d’assurer que l’Europe ait accès à l’énergie fiable et économique, pendant qu’on réduit doucement la dépendance du gaz et du pétrole russes ». Donc, la fin justifie les moyens, même s’il faut pour cela, contourner (et donc invalider) les sanctions.

Est-ce que l’on peut continuer à commercer avec l’agresseur russe, comme si rien n’était ? Visiblement, on peut. Après l’autorisation du gouvernement canadien de livrer cette turbine à l’Allemagne, la société Siemens est déjà en train de demander aux autorités allemandes, les autorisations nécessaires pour envoyer et installer cette turbine en Russie.

Business as usual, pourrait-on penser. Mais ce ne sera pas en contournant les sanctions que l’on pourra mettre la Russie sous pression, au contraire. Depuis le début de la guerre, la Russie a fourni (et facturé) du gaz, pétrole et charbon d’une valeur d’environ 100 milliards d’euros à l’Occident. Malgré les sanctions, la Russie exporte toujours 61% de sa production énergétique vers l’Occident. Comprendre : depuis le début de la guerre en Ukraine, c’est l’Occident qui finance la machine de guerre russe. Et tant que l’Occident se comportera ainsi, la guerre continuera. S’il le faut, pendant des années.

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