Orban, l’insurrection hongroise et… l’hymne européen !

Alain Howiller rappelle quelques faits historiques dont les « états de Visegrad », et surtout la Hongrie, devraient se souvenir de temps en temps...

Viktor Orban et ses claqueurs du "Fidzsz" semblent avoir oublié que 250.000 Hongrois avaient trouvé refuge à l'Ouest en 1956, lors de l'invasion soviétique... Foto: CIA / Wikimedia Commons / PD

(Alain Howiller) – C’était il y a bien longtemps, trop longtemps sans doute pour que Victor Orban s’en souvienne ! Il est vrai qu’il n’a que 58 ans !… D’ailleurs qui, même au lendemain des cérémonies commémorant l’insurrection hongroise de 1956, s’en souvient ? C’était le Lundi 5 Novembre : la radio « Hongrie Libre » lance son dernier message, sur fond d’hymne national accompagné de… l’Ave Maria de Franz Schubert !

« Peuples d’Europe », disait le message, « que nous avons défendus naguère contre les assauts des barbares asiatiques, entendez maintenant le tocsin qui retentit en Hongrie. Peuples civilisés du monde, au nom de la liberté et de la solidarité, nous demandons votre aide. Notre navire coule. La lumière faiblit. Les ténèbres s’épaississent d’heure en heure ! Entendez notre cri. Faites quelque chose, tendez nous une main fraternelle ! Peuples du monde, sauvez-nous ! SOS ! Au secours, au secours, au secours ! Dieu soit avec vous et avec nous ! »

Le dernier message de « Radio Pecs ». – Et le Vendredi 9 Novembre, « Radio Pecs » lance ce dernier cri, avant de s’enfoncer dans la nuit de ce qui fut l’empire soviétique : « Nous arrivons à la fin de nos réserves en munitions et en vivres ! Notre sang, c’est maintenant tout ce qui nous reste à verser ! » Suivait cet extrait de la 9ème Symphonie qui deviendra, par la suite, l’hymne européen, à l’initiative de Pierre Pflimlin, ancien Président de l’Assemblée Consultative du Conseil de l’Europe et du Parlement Européen !

Fallait-il ou ne fallait-il pas rappeler cet épisode tragique, au moment où, commémorant le souvenir de l’insurrection anti-soviétique, Victor Orban en a profité pour lancer, en fait, sa campagne électorale pour gagner les élections d’avril 2022 ? Devant les militants du « Fidesz », rameutés par cars de tout le pays et qui brandissent des pancartes portant « Bruxelles = Dictature » (!), Orban ose s’écrier : « Bruxelles se comporte avec nous et les Polonais comme des ennemis ! » Et de dresser un incroyable parallèle entre la « doctrine Brejnev » autorisant l’ex-URSS d’intervenir par la force dans les pays satellites et les mises en demeure de l’Union Européenne (UE) et de ses institutions pour en finir avec les dérives hongroises et polonaise contre l’état de droit et les valeurs que les pays adhérant à l’UE s’engagent, librement, à respecter !

2% d’immigrés et la théorie du « grand remplacement » - Et voilà que Victor Orban est devenu, dans un pays qui compte… 2% d’immigrés (!), le champion du « grand remplacement », cette thèse complotiste qui avance l’idée d’un remplacement des européens par des « immigrés non-européens », le rassembleur de l’extrême-droite nationaliste, l’anti-institutions européennes qui essaie, une fois de plus, de fédérer les souverainistes du Parlement Européen (PE) à en un groupement cohérent. Hier encore, les 12 députés du « Fidesz », son parti, étaient membres au PE, du groupe conservateur du « Parti Populaire Européen – PPE » : alors qu’ils allaient être exclus du groupe, après des années de polémiques, ils avaient choisi de démissionner !

Le « PPE » avait enfin pris conscience de l’incompatibilité qu’il y avait entre son orientation pro-européenne, démocratique et le souverainisme arrogant affiché par le « Fidesz ». L’évolution a été longue au PPE, dont l’un des dirigeants que je mettais en garde contre le leader hongrois qui débutait sur la scène politique européenne, me répondait : « Mais, il dit ça pour gagner les élections. Ce n’est pas grave : il reviendra à la raison après avoir gagné… » Comme quoi, la lucidité n’est pas forcément une qualité politique !

Un étrange président slovène pour l’UE – Alors que l’idée de « souveraineté nationale » redevient -qui l’eût cru- un enjeu électoral, les pays dits de « l’Est Européen », satellites pour la plupart de l’ex-URSS, s’inscrivent pour beaucoup dans cette dérive mortifère pour nos démocraties. A côté de la Hongrie ou de la Pologne, qui affirment vouloir rester dans une UE-tiroir-caisse dont il s’agit de tordre les règles à leur profit, la République Tchèque, par exemple, a un… président eurosceptique et a préféré signer un accord avec Israël pour mettre en place sa campagne vaccinale et le Premier Ministre slovène, qui préside actuellement le Conseil de l’UE a évité de recevoir une mission du Parlement Européen venu enquêter sur le respect de l’état de droit et de la liberté de la presse, tout en se faisant tristement remarquer par des tweets entachés d’antisémitisme !

A l’heure où six pays des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Monténégro, Macédoine du Nord, Serbie) toquent à la porte de l’UE, il est indispensable que les valeurs de l’Union soient respectées et garanties. Emmanuel Macron qui doit succéder, au premier Janvier, au président slovène à la tête du Conseil Européen, ne doit pas oublier ce qu’il disait dans une interview en Juin 2017 : « L’Europe n’est pas un supermarché. L’Europe est un destin commun ! »

L’UE, va-t-elle enfin réagir ? – La réaction tant attendue de l’UE contre les dérives anti-démocratiques de Budapest et de Varsovie, va-t-elle, enfin, se concrétiser avec la récente décision de la Cour de Justice Européenne de Luxembourg de condamner la Pologne pour non-respect d’une décision de la Commission qui avait introduit un recours au nom des valeurs communes ? La Cour a donc décidé de sanctionner financièrement le gouvernement polonais, condamné à verser un million d’euros par jour jusqu’à la cessation d’activité de la chambre disciplinaire de la Cour Suprême polonaise chargée, en réalité, par le pouvoir politique de surveiller et de mettre au pas les juges !

La condamnation est tombée alors que -goutte qui sans doute a fait déborder le vase !- la Cour Constitutionnelle de Varsovie, saisie par le Premier Ministre polonais, avait affirmé que plusieurs articles des Traités Européens étaient incompatibles avec la Constitution, ce qui entraînait la fin du principe de primauté du droit européen !

Devant le Parlement de Strasbourg. – Le Premier Ministre polonais, tout en affirmant que 80% de ses concitoyens voulaient rester dans l’UE, n’avait pas hésité à défendre cette décision devant le Parlement Européen, réuni à Strasbourg !

Tout porte à croire que le débat ainsi introduit par Varsovie, constitue un tournant dans l’histoire de l’Union Européenne : au-delà d’un débat que certains -non sans arrière-pensées- affirment n’être que juridique, se profile une réflexion de fond, politique, sur l’avenir. L’espoir vient de manifestations pro-européennes qui ont lieu aussi bien en Pologne qu’en Hongrie. Et dans ce dernier pays, six partis et mouvements, allant de la gauche à la droite, ont décidé de désigner une tête de liste commune -Peter Marki-Zay, 49 ans, maire d’une ville du sud du pays- pour essayer de battre Orban lors des élections d’avril. Alors, Orban et son « Fidesz » : stop ou encore ?

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