Ouf, je suis du côté des « bons »…

Pour une fois, je fais partie des « bons ». Je suis vacciné avec deux doses AstraZeneca et cela me permet de qualifier de « nazis » tous ceux qui ne le sont pas. Top.

"Ouste, méchant anti-patriotique, et cesse de poser des questions !"... Foto: Internet Archive Book Images / Wikimedia Commons / PD

(KL) – C’est carrément agréable et rassurant, je fais partie des « bons ». Des « patriotes ». De ceux qui se protègent et qui protègent les autres. Même si je peux encore contaminer ces autres, car malheureusement, mes deux doses n’empêchent pas que je puisse encore m’infecter moi et dans la foulée, contaminer d’autres. Pour que le vaccin, la « voie royale pour la sortie de la pandémie » puisse donc peut-être agir, il me faudra une troisième dose. Qui sait, peut-être celle-ci aura l’effet promis déjà pour les deux premières. Mais, le plus important, je fais partie des « bons », je peux aller au restaurant ou sur une terrasse, je peux aller au cinéma, je peux prendre le train ou l’avion, je fais partie des bons éléments de la société. Et du coup, cela me donne le droit de traiter tous ceux qui ne font pas partie des « bons », de tous les noms d’oiseau, de les insulter, de les menacer, de réfléchir à toute sorte de mesure pour les punir et les discipliner.

Il y a donc « nous », les « bons », ceux qui peuvent à nouveau (presque) tout faire. Aller à la Fête de la Bière à Schiltigheim ou avec de dizaines de milliers de supporteurs, à la Meinau au stade de foot. Au diable, les masques, nous, on n’en a plus besoin ! On peut voyager et faire la bringue dans les centres de vacances. Cette liberté retrouvée est fort agréable. Le tout sans ces « nazis » qui eux, sont désormais exclus de tout ça. Ouf, nous voilà enfin entre nous. Et on refoule vite l’idée qu’on peut toujours contracter ce virus, on refoule vite l’idée qu’on peut toujours le transmettre. Mais au moins, on s’infecte entre « bons » et heureusement, on a plus affaire aux personnes « non patriotiques » qui eux, persistent à poser des questions qu’il ne faut pas poser.

Ah, que c’est bon et doux de faire partie de cette majorité bien-pensante ! Nous, au moins, on détient la vraie vérité. Nous, on sait. Nous avons cette rassurante certitude que les vaccinations nous sortiront de cette pandémie. Et on s’en fiche de l’évolution dans d’autres pays, sur d’autres continents, ce qui compte, c’est qu’on se croit localement en sécurité. Le gouvernement nous le dit, nous sommes des « patriotes », puisque nous nous sommes fait vacciner. On a fait ce qu’il fallait faire. Et ça nous donne le droit de nous retrouver à nouveau sans masques et sans distanciation sociale dans des fêtes populaires, dans des stades de foot, dans des grandes manifestations culturelles et de passer de belles vacances en compagnie d’autres « bons », là où c’est joli, au bord de la mer et ailleurs. On a mérité ce retour à la normalité. Puisque nous sommes les « bons ».

Les « mauvais », ceux qui persistent à poser des questions, on leur apprendra. Si nécessaire, on les obligera par la violence de penser et d’agir comme nous, les « bons ». Si déjà ils sont tellement bêtes de ne pas faire aveuglement confiance en ce que nous leurs disons, on aura les moyens pour leur faire entendre raison. Car nous, les « bon », nous savons.

A vrai dire, nous, les « bons », nous ne savons pas plus que les « mauvais », les « non patriotes ». Seulement, nous ne posons plus toutes ces questions qui fâchent et sur lesquelles personne ne veut répondre. Mais un jour, le dernier argument que nous opposons à ces ignorants, à savoir « ils ne vont quand même pas faire ça ! », ne prendra plus. Un moment donné, il faudra donner les réponses. Et d’ici là, tout le monde peut se faire vacciner. Mais il serait judicieux de laisser à tout un chacun la liberté de prendre sa décision en âme et conscience.

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