Oui, mais qui fera donc le boulot ?

Dans son discours sur « l’état de l’Union », le président de la Commission européenne Jean Claude Juncker se voulait rassurant, tout en proposant quelques mesures pour améliorer l’image d’une Union en pleine crise.

Si le discours de Jean-Claude Juncker à Strasbourg était "bien", il ne nous avance pas vraiment vers une "nouvelle Europe". Foto: (c) European Union 2016 Source: EP

(KL) – Le discours attendu du président de la Commission Européenne Jean-Claude Juncker devant le Parlement Européen à Strasbourg, était bien. Juste. Même un peu encourageant. Mais entre les lignes, les auditeurs avaient l’impression qu’il devient de plus en plus difficile d’y croire. Ce n’est pas une réforme de l’Union Européenne que propose le président Juncker, mais du « patchwork » destiné à améliorer l’image souffrante de l’Union Européenne. Et lorsqu’il demande à ce que les choses soient faites, on se demande à qui s’adresse cet appel. A nous, citoyens européens ? Aux gouvernements nationaux ? Aux institutions européennes ? Qui assumera la responsabilité pour cette réforme des institutions européenne, de ce projet d’une « nouvelle Europe » ? Si le discours de Jean-Claude Juncker hier à Strasbourg était bien, il n’a pas comporté d’éléments qui indiqueraient que l’Europe institutionnelle puisse enfin changer de cap.

A quoi bon marteler que « l’Union n’est pas menacée dans son existence » suite au vote pour le « Brexit » – lorsque tout le monde sait que ce vote pourrait déclencher justement toute une avalanche d’autres référendums, visant soit la sortie de l’Union, soit de l’Euro, soit le refus d’accueillir des réfugiés comme lors du référendum en Hongrie le 2 octobre prochain ? Bien sûr, Juncker a raison de souligner que les populistes n’apportent pas de solutions, mais font partie du problème – mais cela ne change rien aux multiples crises européennes. Et on se demande, surtout dans le contexte du « Brexit », pourquoi plus personne ne parle d’un projet d’une « nouvelle Europe », pourquoi même le « Brexit » est appréhendé avec une attitude d’expert-comptable (« pas d’accès au libre marché sans libre circulation »). Ce n’est pas en poursuivant comme avant qu’on arrivera à changer quoi que ce soit.

Oui, il y avait du concret, même s’il n’y avait pas vraiment de surprise à l’annonce de Juncker de vouloir stimuler les investissements. Juncker voudrait augmenter autant la durée que le montant du « fonds d’investissement » qui devrait alors atteindre 630 milliards d’euros d’ici 2022. La moitié en provenance du monde public, l’autre moitié du monde privé. Si cette mesure constitue un contrepoids contre la politique d’austérité, on se demande quand même pourquoi ce « fonds d’investissement » n’a pas encore généré une véritable amélioration, par exemple en ce qui concerne le chômage des jeunes en Europe. Mais bon, peut être en doublant cet engagement, on pourra stimuler la croissance. Qui sait.

Et bien entendu, Juncker a raison de demander la mise en œuvre d’une Europe sociale. L’Europe doit inscrire le volet « social » sur sa liste des priorités. Mais pourquoi le demander et ne pas tout simplement le faire ? Le demander à qui ? Si le président de la Commission Européenne ne sait pas comment instaurer une « Europe sociale », qui le saurait ?

Oui, il était bien, ce discours. Introduire le WIFI gratuit dans les grandes villes européennes d’ici 2020, c’est bien et surtout, n’engage personne à rien. D’abord, parce que ce projet se situe après les prochaines élections européennes et n’engage donc pas ceux qui sont en place aujourd’hui, ensuite car ce genre de décision ne dépend pas de la politique, mais des opérateurs en télécommunications qui eux, rendront le WIFI gratuit dès lors qu’ils y voient un intérêt.

Et faire de Federica Mogherini une « vraie » ministre des affaires étrangères pour l’UE, c’est une idée sympa. Seul bémol, l’Union Européenne n’a pas de politique étrangère commune que Federica Mogherini pourrait représenter de manière crédible sur l’échiquier international, n’importe son titre. Cette proposition, comme bien d’autres, relève davantage d’une volonté floue de mieux faire, mais tant que l’Europe fonctionnera sur le mode intergouvernemental, il n’y aura pas de politique étrangère commune. Déjà entre les « états de Visegrad » et les autres – quelles seraient les positions communes qu’une « ministre des affaires étrangères de l’UE » pourrait défendre ?

Créer une nouvelle Agence Européenne pour la sécurisation des frontières extérieures de l’UE ? Dans quel but – pour empêcher les réfugiés de fouler le sol européen ? La « forteresse Europe » qui refuse de partager ses richesses ? Qui préfère violer la Convention de Genève de 1952 pour ne pas devoir accueillir des réfugiés ? C’est ça, la « nouvelle Europe » ?

Toutefois, Jean-Claude Juncker avait parfaitement raison hier à Strasbourg en disant que l’Europe traversait actuellement « une crise existentielle ». Et il a posé la bonne question à la fin de son intervention – « Que transmettons-nous à nos enfants ? ». Reste donc le constat que cette « nouvelle Europe » dont rêvent de nombreux Européens et Européennes, ne sera pas construite par la génération de responsables actuellement au pouvoir. Il faut du courage pour réorienter cette Europe, pour lancer un nouveau projet citoyen, démocratique, social, humain et humaniste. Et ce courage fait terriblement défaut dans les institutions. Qui elles aussi, ne font actuellement pas partie des solutions, mais des problèmes. A quand la « liquid démocracy » en Europe, à quand l’implication citoyenne, à quand une nouvelle orientation vers une Europe moins technocratique et plus humaine, à quand une Europe qui fasse rêver ? Le discours de Jean-Claude Juncker n’a, malheureusement, pas apporté de réponse à ces questions.

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