Oui, Robert Herrmann ! Mais Masseret ne vous a pas entendu.

Antoine Spohr s'étonne du maintien de Jean-Pierre Masseret et cite l'exemple d'un responsable politique qui a su intégrer des conservateurs dans son équipe - Robert Herrmann, le président de l'Eurométropole Strasbourg.

En impliquant la Droite dans la gestion de l'Eurométropole, Robert Herrmann prouve qu'il y ait d'autres voies que celle qui mène à l'extrémisme. Foto: Norma Serpin

(Par Antoine Spohr) – En cause en premier lieu les résultats, évidemment. On a titré «L’ombre du FN sur la Grande Région» (ACAL) dans les Dernières Nouvelles d’Alsaca. Oui, sombre nuage sur les urnes sauf pour les premiers placés qui jubilent. On doit les comprendre mais si on avait écrit «Flash éblouissant du FN sur l’ACAL» on aurait suggéré plus astucieusement le côté éphémère du premier tour pour être en mesure d’écrire lundi prochain «Retour à un ciel encore nuageux mais serein». Merci quand même aux DNA pour le beau travail. Aujourd’hui c’est «Masseret fait front» avec en photo un homme, bras croisés, prêt à affronter le vide.

Causes profondes et causes directes. Procédons selon la méthode de nos bons vieux cours d’histoire bien qu’il soit de bon ton de refuser tout déterminisme. Mais ici, il s’agit d’une histoire encore courte ou malheureusement, de prémices de suites plus lourdes.

En effet, les origines lointaines sont connues et décrites depuis des mois voire des années sans qu’on s’en alarme outre mesure, nulle part. Même les extrêmes populaires ou populistes se chevauchent souvent à présent. C’est donc la faute de la conjoncture, issue elle-même d’une longue théorie de conjonctures successives mais semblables. Donc là, on sait. Depuis longtemps.

Pour les causes immédiates ou structurelles, on sait aussi, au moins depuis la Réforme Territoriale, quelque peu bâclée ou trop vite ébauchée.

Grâce à la prime au premier (+25%) peut-on pour six longues années, avec un tiers des voix (36% à Florian Philippot) voir un parti tenir fermement les rênes d’une Région face à une opposition majoritaire, certes éparse mais capable se dresser unie si nécessaire. Pour éviter les triangulaires qui favorisent encore le premier au second tour, on a recours au désistement ou à la fusion.

Le désistement pur et simple prôné par Bayrou et maintenant par les instances du PS a un prix exorbitant : tous ces efforts des militants, leurs espérances, leur envie d’en découdre remis aux calendes grecques. Très, très dur, bien plus digne que le maintien à tout prix comme l’a préconisé, de son seul chef, Nicolas Sarkozy.

Reste la fusion raisonnable, juste. C’est ce que recommande Robert Herrmann, le président de l’Eurométropole, socialiste invétéré au moins autant que Masseret mais modéré et ouvert. A la tête de l’Eurométropole, il a confié des vice-présidences et des présidences de commission à des élus de droite qu’il laisse effectivement travailler. Il les gratifie souvent d’un satisfecit élogieux et ce, officiellement. Travailler ensemble, pourquoi pas ? Le dogme fondamental est le même : l’Intérêt Public. Serait-ce le vent d’Est ou du Nord-Est venu d’«Outre-Rhin» qui dispense cette tentation de la cohabitation rendue là-bas quasiment nécessaire. Ici ce n’est même pas le cas.

A Strasbourg, le maire socialiste Roland Ries, s’est comme à l’accoutumée rangé aux ordres du parti, i.e. retrait de M. Masseret qui a refusé, tout net. On pourrait lui dire à ce notable revêche : «qui t ‘a fait sénateur et président etc…» à la manière de Philippe Seguin qui asséna une semblable formule à Balladur, jadis candidat à la présidentielle contre Chirac.

Les élus notables (parlementaires ou élus régionaux sortants ou départementaux) sont partagés mais pas inexpugnables, pas plus que ne l’est le maire qu’on sait homme de compromis. Le score du PS à Strasbourg est de 22,20 % soit plus de 6 points au-dessus de celui de Masseret dans la Grande Région. Il n’est donc pas désavoué comme d’autres socialistes qui ne le méritent pas forcément non plus.

Masseret -on le surnommera peut-être «le Vercingétorix de l’Est», mais on ne sait quelle Rome l’immortalisera ni dans quels cruels désagréments- n’est pas absolument nécessaire à la victoire de Philippe Richert mais c’eût été rassurant par un désistement ou une fusion. Pour ce brave homme, intelligent dit-on, peut-être aussi un peu franchouillard, version «Alesia», une seule alternative : se désister en fusionnant ou résister dans l’espoir de quelque glorieux bouclier.

Le résultat de l’alternative est très difficile :

- optimiste : si Richert l’emporte sans lui, il devient peut-être un allié opportun sans aucun pouvoir car suspect. En outre, nombre de ses électeurs lui en voudront de ne pas être dans les rangs des vainqueurs.

- défendable : si Richert l’emportait avec lui : il aurait partagé la victoire «à proportion» et le bonheur des militants est préférable à une morosité obligée de six ans ou à un autre refuge politique. De toute façon il aura peu d’élus.

- pessimiste : avec son maintien en l’état, le FN l’emporte et le président de la Région Lorraine en est partiellement responsable. Politiquement mort ! (Si çà existe).

A 15% des votes moins ceux qui ne le suivront pas, il aura alors fait pencher le balancier là où, en aucun cas, il ne voulait qu’il aille. Cornélien !

Enfin les élus alsaciens et tous les frontaliers avec eux -malheureusement pas tous- connaissent les aléas insupportables du programme du FN. De plus, les Alsaciens dans leur refus de la Réforme Territoriale ont fustigé tous les autres partenaires (certes imposés) souvent avec le mépris du riche pour le pauvre. Philippe Richert le paye en nombre de voix non quantifiables aujourd’hui, lui qui avait été très ouvert puis résigné (force reste à la loi).

La partie la plus stupide des Alsaciens l’avait « coincé» dans des menaces de perte de l’identité alsaco-alsacienne qui n’existe que au détriment de la belle Alsace, humaniste (le mot ici n’est pas galvaudé gardant son sens historique), celle d’Albert Schweitzer qui appartient à tous ou à personne mais qui existe.

La Grand Région Est est une région frontalière avec l’Allemagne, la Suisse, le Luxembourg et même la Belgique. Un aspect très grave que le Lorrain récalcitrant ignorerait ?

Alors sait-il ce qu’il fait l’ex-président de la Région Lorraine ? Le «Pauvre homme !» de Tartuffe.

1 Kommentar zu Oui, Robert Herrmann ! Mais Masseret ne vous a pas entendu.

  1. Le fait qu’un parti puisse avec un tiers des voix tenir une assemblée face à une opposition majoritaire en voix n’est pas nouveau : c’est le principe même du scrutin majoritaire. Personnellement, je trouve ça gênant quelque soit le parti qui en bénéficie, même si dans le cas présent celà est encore plus inquiétant.

    Alors plutôt que de bâcler des accords entre deux tours, ou faire des accords qui n’engagent finalement personne avant l’élection et sont oubliés après, ne faudrait-il pas passer au scrutin proportionnel? Certes, c’est plus compliqué : il faut discuter tout le temps, et la diversité politique est plus grande, mais celà ne s’appelle-t-il pas…la démocratie?

    Cette culture n’est pas dans les moeurs des français qui confondent râler et négocier, mais il faudrait pourtant s’y mettre rapidement : ce qui se passe actuellement au niveau des régions dont le pouvoir est insignifiant (en France) va se passer dans 2 ans au niveau national, ce qui rend la proportionnelle urgente (si on pouvait aussi au passage supprimer l’importance effarante du rôle de l’élection présidentielle, mais là c’est carrément utopique…)

    Alors oui, la proportionnelle c’est aussi accepter que des élus FN siègent dans les assemblées et aient une tribune, mais avec des possibilités très réduites de pouvoir concentrer le pouvoir (effet également bénéfique pour les autres partis : le PS – ou le LR – seul ne me rassure pas non plus). De plus, celà les sortirait de leur rôle de “martyre du système” et les forcerait à la confrontation sur le terrain, et c’est finalement ainsi que le FN pourra être le plus efficcacement combattu – n’est-pas d’ailleurs l’argument (justifiable à mon avis) de Masseret pour son maintien?

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