Papas Arrugadas

La pomme de terre, introduite aux Canaries longtemps avant son arrivée en France, est l’ingrédient principal d’un plat emblématique.

Papas arrugadas, tout simplement… mais pour les « mojos », rendez-vous ici dimanche prochain ! Foto: Hans / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Jean-Marc Claus) – Comme le tabac, la tomate, le maïs et bien d’autres plantes, la pomme de terre nous est arrivée des Amériques en passant par les Îles Canaries, arrêt obligé lors des longs voyages transatlantiques aux temps des Grandes Découvertes. C’est ainsi qu’aujourd’hui, sont cultivées dans cet archipel, des variétés que l’on ne connaît pas en Europe Continentale.

La terre volcanique et le climat des Îles Canaries sont très propices à la culture de ces tubercules que les habitants de l’archipel eurent l’intelligence de consommer bien avant qu’Antoine Parmentier (1737-1813) en fasse la promotion en France. La pomme de terre fut longtemps, comme le gofio, un aliment de base indispensable à la suivie des insulaires, alors que les liaisons commerciales exclusivement maritimes avec le continent européen, étaient très dépendantes des humeurs de l’océan.

La Dénomination d’Origine Protégée (DOP) Papa Antigua de Canarias, devenue en 2011 au niveau européen une Appellation d’Origine Protégée (AOP), garantit la protection de vingt-huit variétés anciennes aux couleurs diverses, participant ainsi à la sauvegarde de la biodiversité. Y figurent notamment la Negrita de El Hierro, la Negra de la Palma spécifiques à ces îles. Mais on en trouve aussi d’autres aux noms plus imagés telles la De Ojo Azul à l’oeil bleu ou la Peluca Roja à la perruque noire, voire même très poétiques comme la Azucena Blanca se référant au lys blanc ayant pour pendant la Azucena Negra.

Présentes très probablement dans l’archipel peu après la découverte des Amériques, le plus ancien document connu à ce jour les mentionnant, a été rédigé en 1567 par maître Lorenzo Panzuela, un notaire faisant référence à la cargaison d’un navire hollandais partant de La Palma pour se rendre à Anvers. Ce qui nous ramène environ deux siècles avant l’intervention d’Antoine Parmentier au Royaume de France et de Jean-Frédéric Oberlin (1740-1826) dans le Comté du Ban de la Roche.

Jusque dans les années cinquante-soixante, la plupart des Canariens savaient distinguer les différentes variétés de papas anciennes, mais cette connaissance a reculé avec l’introduction de variétés nouvelles à plus fort rendement. Les travaux de critiques gastronomiques et l’essor de la nouvelle cuisine, ont pourtant contribué à éviter l’extinction de ces savoirs populaires et des variétés anciennes de pommes de terre.

Un plat incontournable de la cuisine canarienne, réalisé avec plus ou moins de soins selon les restaurants où on le consomme, est les papas arrugadas. Traduisible littéralement en pommes de terre ridées, ces dernières étaient initialement cuites dans de l’eau de mer, mais saler de l’eau douce à cet effet n’est pas un crime de lèse-tradition, car hormis quelques puristes, quasiment tous les Canariens le font !

Le choix des pommes de terres est important, car elles ne doivent être ni grosses ni farineuses. Selon les pratiques, on ajoute à l’eau telle ou telle quantité de sel par litre, ou alors plus empiriquement, on sale l’eau jusqu’à ce que les papas y flottent façon bain dans la Mer Morte. Ensuite, il y a les adeptes de la cuisson avec ou sans couvercle, sachant que le but est d’obtenir des pommes de terre cuites, mais fermes. Il y a aussi les tenants de la cuisson jusqu’à évaporation et ceux du retrait de la majeure partie de l’eau si tôt les papas cuites à point.

Le plus important, que l’on soit d’une école ou de l’autre, reste l’opération finale qui, sous l’effet de la chaleur, va permettre aux pommes de terres de se rider et de se couvrir d’une fine pellicule de sel. Ensuite, il y a les ultra-puristes qui se contentent de les arroser d’un filet d’huile d’olive pour les déguster, et les traditionalistes leur associant des mojos, sauces vinaigrées spécifiques dont nous parlerons lors de notre prochaine publication culinaire intitulée « Papas arrugadas y mojos ».

Dans une vidéo documentaire humoristique, Natán va vous emmener à Tenerife, mais histoire de redevenir sérieux référez vous aussi à Yaiza qui vous donnera un avant-goût des mojos. Pour une recette focalisée sur les papas, suivez paso a paso (pas à pas) Willyviajera Puri qui, une fois les pommes de terre cuites, laisse un peu d’eau salée dans le fond de la casserole pour que son évaporation génère un dépôt de sel sur les papas devenant alors arrugadas.

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