Parlement européen : Strasbourg encore menacée

Des murmures et des échos peu rassurants…

Dacian Ciolos, le président de Renew Europe, mardi à Strasbourg Foto : marcchaudeur / Eurojournalist(e) / CC-BY-SA 4.0int

(Marc Chaudeur) – Entre les lignes des propos d’intervenants lors de leurs conférences de presse et dans les conversations de couloirs du Parlement européen, il est devenu évident que très bientôt, on remettra sur le tapis la question du siège : le Parlement à Strasbourg, ou bien toutes les grandes institutions dans la capitale de la frite ? C’est grave, et la question est bien plus vaste que la seule défense des intérêts de la ville de Strasbourg.

La question a émergé dans toute sa crudité mardi, lors de la conférence de presse du président du groupe libéral Renew Europe, Dacian Cioloş, ancien Premier ministre roumain. On a appris de sa bouche qu’était commandée une étude sur le coût du siège de Strasbourg – ou du moins que vers la fin novembre, on déciderait de la rédaction de cette étude. Le problème principal mis en avant, c’est celui du coût de ce partage qui dure depuis les années 1950 entre Strasbourg, Bruxelles, mais aussi Luxembourg… A l’heure des bilans carbone et dans les jours mêmes où l’on vote l’état d’urgence climatique en Europe, ça fait tache.

Dacian Cioloş nous apprenait aussi que le groupe Renew (15 à 20% des effectifs du PE) n’avait pas encore évoqué la question – ce qui ne saurait tarder. Et que ses membres n’avaient pas accepté encore la rédaction d’une telle étude. Et que beaucoup de contradictions se manifestaient à l’intérieur du groupe. Il appelle au pragmatisme dans la résolution de cette question, et prononce une phrase redoutable : « Avoir un bureau à Strasbourg était cohérent, du moins à un certain moment »… Ses autres considérations étaient assez embrouillées : il avance qu’il ne s’agit pas d’un choix entre les deux centres (Strasbourg et Bruxelles), mais une réflexion réaliste sur les dépenses et l’avenir du Parlement européen. En substance : comment réduire effectivement les coûts, sans nécessairement renoncer à Strasbourg ?

Cette question, comme on sait, ne cesse de revenir comme le cher Nessie (le monstre du Loch Ness, bientôt libre de la tutelle anglaise, et qui resurgira donc à ce moment des flots). Le 9 mars dernier, sans doute soucieuse de s’attirer les bonnes grâces des hyper-conservateurs de la CDU qui n’aiment pas Strasbourg, AKK avait ainsi écrit : « Nous devons prendre des décisions trop longtemps différées et abolir les anachronismes. Cela vaut notamment pour le regroupement du Parlement européen vers son siège à Bruxelles ».

Qu’en est-il au juste ? Certes, les eurodéputés ne cessent de se plaindre des allers et retours incessants de Strasbourg à Bruxelles et inversement, des pendulations onéreuses des milliers de dossiers entre la ville du Meiselocker et celle du Manneken Pis et du coût en carbone de ces déplacements (que les députés pourraient cependant effectuer à vélo, notamment les Verts, non ?). Un argument valable, sans conteste. Mais d’autres arguments viennent contrebalancer celui-ci, qu’il convient de rappeler avec une certaine obstination.

Le partage des institutions européennes entre Bruxelles et Strasbourg n’est nullement le fruit du hasard, mais une décision politique et, en partie, pragmatique – le partage s’est accompli au fil des décennies, de 1957 à aujourd’hui. Strasbourg, c’est le symbole de la réconciliation franco-allemande, laborieusement et courageusement mise en place par de grands noms pour lesquels cette réconciliation relevait d’une sorte de foi : Robert Schuman, Charles De Gaulle, Konrad Adenauer, le maire de Strasbourg Pierre Pflimlin… On se souvient fort bien, et avec une profonde émotion, de rencontres où les politicards français se souciaient d’Europe et a fortiori de Strasbourg comme… de l’an quarante, et où seul Pflimlin soulevait les montagnes et parfois, emportait les décisions avec des discours magnifiques. Il savait, lui, de quoi il parlait. De l’Europe concrète, vivante ; du nazisme et de sa défaite.

A Bruxelles, le plafond est bas, beaucoup plus bas, et même, il lui arrive de s’écrouler sur les députés : contrefaçons regrettables dues à des appels d’offres douteux. Passons. En tout cas, quand Cioloş dit que le choix de Strasbourg correspond à « une certaine époque », oui, mais c’est partiel : il correspond très bien aussi à notre époque, où l’Allemagne et la France ne cessent de s’écarter l’une de l’autre, de dériver donc vers on ne sait au juste quoi. Et la défense du siège strasbourgeois par la municipalité semble trop souvent quelque peu flottante…

Plus important encore : la plus grande partie du Parlement se trouve à Strasbourg, la Commission, à Bruxelles. En bref : Strasbourg est ainsi le lieu de la délibération, et donc de la démocratie européenne en acte. Bruxelles, en revanche, c’est le lieu des lobbies, des affaires, de l’opacité. Nous proposons donc de supprimer la Commission et de donner au Parlement le rôle qui lui revient : un rôle décisionnel.

Une boutade ? En partie.

 

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