Parquet européen : Laura Kövesi, c’est gagné !

Une victoire pour la démocratie européenne

Laura Codruta Kövesi, un symbole pour la démocratie européenne : graffiti sur un mur de Bucarest Foto: Babu/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/ 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Après des rebondissements interminables, le symbole de la lutte contre la corruption en Roumanie, la candidature de Laura Kövesi a fini par être acceptée par le Conseil européen des Etats membres. Une histoire édifiante et abracadabrante à la fois.

Qui mieux que Laura Codruţa Kövesi serait à même de diriger le Bureau du Procureur Général Européen (ou Parquet européen), cette nouvelle institution juridique projetée pour la fin 2020 ? Ce Tribunal, en effet, est appelé à lutter contre la corruption dans les Etats membres de l’Union Européenne. Mais voilà : alors qu’en principe et d’habitude, le pays dont le candidat est le ressortissant appuie « son » candidat, c’est l’inverse qui se produit en Roumanie : le parti au pouvoir, le PSD, parti « social-démocrate » indigne de ce nom, a tout fait pour empêcher cette candidature.

Pourquoi ? Parce que, comme nous l’avons exposé plusieurs fois cette année dans Eurojournalist, cette femme à la forte personnalité, après avoir été nommée en 2006 procureure générale de son pays à 33 ans, est nommée en 2013 directrice de la DNA ( Direcţia Naţională Anticorupţie). Madame Kövesi a coutume d’avancer droit devant elle sans s’embarrasser des obstacles innombrables qui se dressent sur sa route : procureure générale déjà, elle était devenue une tête à couper pour certains, notamment pour le trop complaisant et magouilleur procureur militaire Dan Voinea. La manière dont les autorités judiciaires roumaines ont traité la révolution anti- Ceauşescu de 1989 ou les violences de la décennie 1990 par exemple sont des morceaux d’anthologie et feront école…

A la DNA créée en 2002, Laura Kövesi a fourni un travail magnifique. Elle semblait vraiment croire à une possible rénovation de la Roumanie, sur des bases assainies. Elle a fait traiter 9000 dossiers, poursuivi le maire de Bucarest, des hommes politiques très haut placés dont le premier ministre Ponta. En 2014, son action a permis de récupérer presque 300 millions d’euros – dont on estime cependant qu’ils ne représentent que 10 % des sommes volées au peuple roumain par le pouvoir.

Commence alors le bras de fer entre le parti au pouvoir, le PSD, et le président issu d’un parti de centre droit, Klaus Iohannis, qui a renouvelé le mandat de Kövesi. Il est vrai que la procureure a poursuivi notamment deux premiers ministres PSD, dont Liviu Dragnea ! Début 2018, le ministre de la Justice, Toader, veut la destituer – mais Iohannis refuse, et en février, une très importante manifestation soutient Madame Kövesi dans les rues de Bucarest… Mais le Conseil constitutionnel, aux bottes du pouvoir, la révoque. Une marionnette du PSD la remplace.

En janvier 2019 cependant, pied de nez au gouvernement de Bucarest : Laura Kövesi est l’un des trois candidats envisagés pour le futur Parquet européen. Fin février, les deux instances en présence, le Comité des représentants permanents II et la LIBE (Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures) produisent des votes contradictoires – mais Kövesi est soutenue par tous les grands groupes politiques du Parlement européen. Réaction du pouvoir pourri de Bucarest : une procédure est lancée contre la procureure pour « faux témoignage et corruption ». En mars, on lui interdit de quitter le territoire roumain. Mais l’action de députés européens fait qu’elle parvient finalement à faire lever cette interdiction !

Mais voici donc que survient une heureuse issue. Le Conseil européen, après avoir exprimé sa préférence pour le candidat français Jean-François Bohnert (que soutenait d’ailleurs son pays) accepte la proposition du Parlement européen, qui préférait comme on peut s’en douter la candidate roumaine. Si tout se passe bien, Madame Kövesi prendra donc la tête du Parquet européen à la fin de l’année, pour ses séances d’inauguration.

La création de cette future institution, qu’on appelle aussi Bureau du Procureur Général Européen, repose sur le procédé de la « coopération renforcée » : à savoir un accord volontaire entre les Etats qui le désirent – en l’occurrence, 22 Etats sur les 28 (ou 27…) que compte l’Union. Ce Parquet dispose de prérogatives nouvelles, différentes de celles de ses grands frères l’OLAF, Eurojust ou Europol : il servira à poursuivre les fraudes conte les intérêts financiers de l’UE ; ce qui jusqu’à présent n’était possible qu’aux autorités nationales et à l’intérieur de leurs frontières. Le procureur en chef, Madame Kövesi en l’occurrence, dirigera des procureurs européens délégués dans chacun des Etats membres. Au Bureau central qui sera basé à Luxembourg, Laura Kövesi sera entourée de 20 procureurs et d’experts.

Ses pouvoirs demeurent cependant limités, puisque si le Parquet européen peut demander l’arrestation d’un suspect, elle ne le peut sans l’acceptation par le gouvernement national concerné…

Une excellente nouvelle, donc. Qui mieux que Laura Codruţa Kövesi pourrait diriger un tel tribunal international de lutte contre la corruption !

 

 

 

 

 

 

 

 

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