Paul Sneijder : une vie de chien.

Notre expert cinéma Nicolas Colle a rencontré le réalisateur du film « La nouvelle vie de Paul Sneijder », Thomas Vincent et la vedette du film, Monsieur Thierry Lhermitte.

Thierry Lhermitte est la vedette du film de Thomas Vincent, "La nouvelle vie de Paul Sneijder". Foto: SND Distribution

(Par Nicolas Colle) – Une découverte émouvante que ce beau film de Thomas Vincent, librement adapté du « Cas Sneijder », le roman de Jean-Paul Dubois. Paul Sneijder, magnifiquement interprété par Thierry Lhermitte, cadre supérieur et père de famille, décide de changer radicalement de vie en devenant promeneur de chien pour mieux se libérer de la souffrance causée par la perte de sa fille ainée.

Voilà une histoire bien sombre mais également pleine de charme et d’humour. Enfin légèrement. Ce sont ces éléments là qui ont résonné en vous en découvrant le roman original ?

Thomas Vincent : En fait, la première chose qui me motive quand je choisis d’adapter un roman, c’est une émotion, un sentiment ou une image que je peux avoir à la lecture. En l’occurrence, ici, c’était l’image du personnage de Thierry errant dans cette grande ville perdue et gelée, comme le dernier des hommes. Par ailleurs, l’écriture de Dubois m’a toujours attiré car il sait traiter des sujets graves avec beaucoup d’ironie. Je cherchais à adapter un de ces livres depuis longtemps et celui là m’est tombé dans les mains grâce à mon épouse qui est aussi ma coscénariste. On y a vu très vite un personnage fort autour duquel nous pouvions construire l’histoire d’un homme qui tente de se reconstruire suite à un drame épouvantable. Après, bien sûr, par la force des choses, nous avons été contraints de modifier certains éléments par rapport au roman, notamment la fin qui était trop douloureuse. C’est d’ailleurs assez paradoxal car quand on adapte un livre, c’est parce qu’on l’aime et pourtant la première chose que l’on fait, c’est de le massacrer (rires).

Thierry, à vous qui êtes père de famille, puis-je vous si vous n’avez pas eu peur de vous confronter à un personnage qui a vécu un tel drame et de ressortir vous-même un peu meurtri par ce rôle ?

Thierry Lhermitte : Au contraire, je pense que c’est d’autant plus facile, quand on est père, de s’imaginer l’horreur de la situation que vit mon personnage. Ma paternité m’a aidé à mieux me plonger dans cette douleur et la folie des situations que peut vivre Paul. Notamment cette première scène où il va chercher les cendres de sa fille qui est morte dans un accident auquel lui a survécu et qui a été incinérée, pendant que lui était dans le coma… C’est juste dément comme situation. Après, bien sûr, on se nourrit aussi de ce qu’on peut voir autour de soi. Par exemple, dans mon immeuble, un de mes voisins a perdu sa fille au Bataclan en novembre dernier. Il se comporte comme mon personnage. Il n’est jamais en larmes mais il est complètement ailleurs. Je peux vous affirmer qu’il s’agit, à coup sûr, de mon rôle le plus douloureux.

On sent que la direction d’acteur a été extrêmement précise tant votre jeu est maîtrisé avec sobriété. Pouvez vous me parler de cette approche que vous avez découvert assez tardivement, vous qui venez du café théâtre avec vos amis du Splendide ?

TL : C’est vrai qu’à l’époque du Splendide, nous étions tous très libres dans notre façon de créer, d’écrire, de mettre en scène et de jouer. Ma rencontre avec Francis Veber sur « Le diner de cons » a été un vrai tournant dans ma carrière car j’y ai découvert une toute autre direction d’acteur et ce n’est qu’après cela que j’ai commencé à prendre du plaisir à être comme un musicien d’orchestre qui suit les indications. Et c’est ce qui s’est passé sur ce film avec Thomas. Aujourd’hui, je ne discute plus les indications que l’on me donne. Je fais ce qu’on me demande dès lors que ça tient la route. Parce que parfois, même si, je ne citerai pas de nom, ça m’est arrivé d’avoir affaire à des metteurs en scène qui n’en étaient pas…(rires). Mais tant que ça tient debout, même si ça me paraît étrange sur le moment, je n’hésite plus. Par exemple, dans le scénario, mon personnage marchait longuement au milieu de cette ville enneigée et Thomas tenait à me filmer en train de marcher dans ce froid et cette neige. Mais quand on est acteur, qu’on a créé des pièces et qu’on a joué sur scène devant un public, on ne peut pas imaginer infliger au spectateur la vue d’un mec marchant très lentement pendant plusieurs minutes ; on a un réflexe d’acteur qui est de faire quelque chose d’intéressant. Mais il faut prendre sur soi et faire confiance à son metteur en scène, d’autant plus qu’une fois le film visionné, on se rend compte du bien-fondé de ses indications.

Justement, puisque vous en parlez, c’est vrai que le film a une dimension très graphique à travers ces décors de ville enneigée dans lesquels vous marchez. Thomas, que devaient apporter ces décors et votre traitement de la lumière à cette histoire ?

TV : À l’origine, cette île était la propriété d’un couvent de bonnes sœurs (d’où son nom de l’île des sœurs) jusque dans les années 80 où elle a été vendue. A ce moment là, les promoteurs se sont rués dessus et on construit tout d’un bloc. C’est devenu une sorte de ville nouvelle pour riche. Un monde totalement artificiel, ce qui résonnait parfaitement avec l’histoire que je voulais raconter. Mais plus le récit avance, plus on retrouve un certain naturalisme. On assiste au retour à la vie d’un homme en même temps qu’au retour du printemps et de la fin de l’hiver. C’est l’histoire d’une libération où un homme totalement aliéné dans des codes sociaux et des valeurs, voit ces derniers voler en éclat suite à ce drame et qui se reconstruit dans un nouvel état de désaliénation et de liberté retrouvée.

Un film apparemment sombre et douloureux mais qui, pourtant, nous fait du bien.

Actuellement en salles.

Lien youtube de la bande annonce.

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