Pendant la Covid, les armes se vendent toujours dans le monde !

Alain Howiller analyse le marché des armes mondial pendant la crise de la Covid. Si presque tous les secteurs économiques se portent mal actuellement, le marché des armes, lui, fleurit comme toujours.

Le SIPRI fait état dans son rapport 2020 d'un marché de l'armement qui se porte (trop) bien. Foto: https://sipri.org

(Alain Howiller) – La tension continue de monter aux franges de l’Ukraine où manœuvre actuellement l’armée russe avec -si j’ose dire- armes et bagages. Officiellement, « l’armée manœuvre sur le territoire russe » et Moscou appelle l’Occident à ne pas s’en inquiéter. Mais le président ukrainien, lui, s’en inquiète auprès de Joe Biden qui l’assure de son soutien et met la Russie en garde contre « tout geste agressif ». Moscou réplique en condamnant les « nombreuses provocations des troupes ukrainiennes » contre les séparatistes du Donbass où la guerre de sécession, éclatée en 2014, a déjà fait plus de 13.000 morts !

Quand deux armées se font face, il suffirait, souligne Maxim Samorukov, chercheur au « Centre Carnegie » de Moscou (une filiale d’un think tank proche de l’université de Philadelphie) « d’un faux pas ou d’un mauvais coup isolés pour entraîner les deux pays vers une nouvelle confrontation militaire ! »

Le poids de la Covid-19 ? – Les risques d’affrontements sur la frontière russo-ukrainienne ne sont pas uniques et, contrairement à ce qu’on aurait pu espérer pour faire face à la progression mortifère de la Covid-19, les conflits ont continué à faire les titres des médias. Les dépenses militaires ont poursuivi leur progression en 2020 pour représenter un peu plus de 2% du PIB mondial (contre 1,85% en 2019). Le virus n’a fait que freiner la course aux armements, sans pouvoir l’arrêter ! Certes, « l’impact économique de la pandémie pourrait amener certains pays à réévaluer leurs importations d’armes dans les années à venir », relève Pieter D. Wezeman, chercheur au SIPRI de Stockholm (« Stockholm International Peace Research Institut », Institut International de Recherche pour la Paix)(1).

Dans son message pascal, le Pape François rappelle : « La pandémie est encore en cours ; la crise sociale et économique est très lourde, en particulier pour les plus pauvres ; malgré cela, et c’est scandaleux, des conflits armés ne cessent pas et les arsenaux militaires se renforcent ». Et de citer les conflits en Syrie, au Liban, en Irak, en Birmanie, au Yémen. Sans oublier d’appeler au dialogue entre Israéliens et Palestiniens, de fustiger les violences internes, le terrorisme international au Sahel et au Nigéria, pour finir en réclamant la libération des prisonniers victimes des conflits en Ukraine et au Haut Karabakh.

France et Allemagne : en tête des ventes. – La liste des conflits et violences est longue, sans pour autant être exhaustive ! Et si, pour la première fois depuis 2001-2005, « le volume des livraisons d’armes majeures entre les pays n’a pas augmenté entre 2001-2005 et 2016-2020, les transferts internationaux d’armes restent proches de leur niveau le plus élevé depuis la guerre froide », relève le rapport annuel que vient de publier le SIPRI.

Les exportations d’armes de la Russie (-22%), deuxième plus grand exportateur du monde derrière les USA, et de la Chine (-7,8%), cinquième exportateur mondial, ont régressé, les exportations des Etats-Unis d’Amérique (+15%), de la France (+44%), troisième exportateur du monde et de l’Allemagne (+21%), quatrième exportateur mondial, ont progressé ! Les données portent sur la comparaison de la période 2011/2015 et 2016/2020, y compris donc l’année dernière marquée par la propagation de la pandémie.

Quand les conflits perdurent. – Toutefois, durant cette dernière année, la courbe des exportations d’armes s’est infléchie : « Il est cependant trop tôt », relève le SIPRI, « pour affirmer que la période de forte augmentation des transferts d’armes des deux dernières décennies est révolue ». D’autant que les conflits perdurent et que « dans le même temps et au plus fort de la pandémie, en 2020, plusieurs pays ont signé des contrats importants pour des armes majeures. »

Les tensions au Moyen Orient, qui constitue la zone où se sont concrétisées et se concrétisent toujours les plus fortes augmentations d’importations d’armes, l’Asie-Océanie qui a reçu 42% des transferts internationaux entre 2016 et 2020, où se menacent -et se protègent- Inde, Pakistan, Chine, Taïwan, Japon, Corée, Australie, l’Europe même (tension gréco-turque, conflits ukrainien, Arménie, Azerbaïdjan) offrent autant de mèches sur des barils de poudre qui peuvent à tout moment exploser !… Et vous venez me parler de… pandémie !

(1) Le « SIPRI » -rappelons-le – est un Institut international réputé (et reconnu) pour ses recherches sur les conflits, les armes, le contrôle des armements et le désarmement. Il a été créé le 1er Juillet 1966, sous la forme d’une fondation indépendante, par le parlement suédois, sur une idée de l’ancien Premier Ministre Tage Erlander qui voulait marquer les 150 ans de paix connus par la Suède.

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