Péril en la demeure

Les chiffres concernant la violence domestique en Allemagne sont ahurissants. Pourtant, ces chiffres ne représentent que le pic de l'iceberg. Une fraction seulement des violences domestiques est poursuivie.

La violence domestique est un phénomène répandu... trop repandu. Foto: University of the Fraser Valley / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – 147… 147 personnes ont été tuées en 2017 en Allemagne dans le cadre de drames relationnels. 4 sur 5 victimes de violences commises par un partenaire, ex-partenaire ou conjoint sont des femmes, comme l’a indiqué la ministre pour les familles Franziska Giffey, tout en annonçant un programme d’investissement destiné à soutenir les communes qui proposent des structures d’accueil et d’accompagnement pour les victimes. Actuellement, l’Allemagne propose 350 maisons d’accueil pour femmes battues et environ 600 centres d’information qui s’occupent d’environ 30 000 victimes de violences domestiques. Mais cela n’est pas suffisant.

En 2017, 138 893 personnes ont subi des violences domestiques, mais ce chiffre ne représente « que » les cas qui ont fait l’objet d’une plainte. Considérant que 50% des victimes partagent leur logement avec leur agresseur, la plupart des violences ne sont pas poursuivies : la honte, l’impuissance et surtout la peur empêchent les victimes de s’adresser à la police. Meurtre, assassinat, coups et blessures, viol, violences sexuelles, harcèlement, séquestration, prostitution forcée – la liste des violences domestiques est longue.

Depuis 2012, le nombre de violences domestiques enregistrées a augmenté de 13%. Est-ce que cela veut dire que les violences augmentent, ou bien que les victimes osent de plus en plus souvent porter plainte ? La ministre n’avait pas de réponse non plus, tout en indiquant que le chiffre réel doit se situer largement au-dessus des statistiques officiels.

A Franziska Giffey de poursuivre : « Les chiffres sont choquants, car ils montrent que pour de nombreuses femmes, le chez-soi est un endroit dangereux, un endroit où règne la peur ». Mais en vue de l’ampleur de ce fléau sociétal, la réaction de la ministre semble un peu faible. Les victimes devront attendre au minimum l’an 2020, l’année où la ministre veut débloquer un budget de 35 millions d’euros pour la mise en œuvre d’autres structures d’accueil et de soutien. 35 millions d’euros, c’est peu, considérant que ces violences concernent non pas quelques cas isolés, mais un pourcentage non négligeable de la population.

Si les structures existantes ne peuvent pas s’occuper de plus de personnes que les 30 000 qu’elles suivent déjà aujourd’hui, il faudra investir davantage pour pouvoir aider les 139 000 victimes annuelles environ. La mise en œuvre de nouvelles structures devrait également être accompagnée par une large campagne de communication et de sensibilisation, et ce, dans la durée. Pour venir à bout du phénomène de la violence domestique, il faudra faire plus que de construire 10 ou 20 nouveaux centres d’accueil. Il convient de soutenir financièrement toutes les structures, associations, initiatives qui s’occupent de la prévention et des victimes de la violence domestique. Et tout cela coûterait bien plus de 35 millions d’euros. Mais considérant le prix d’un seul avion militaire, l’Eurofighter, qui coûte environ 100 millions d’euros la pièce, le combat contre la violence domestique, la prévention et le suivi des victimes relève d’un choix politique. Pour sauver d’innombrables femmes (et quelques hommes) des violences subies, il faudrait se passer de trois de ces engins de guerre et investir non pas 35, mais 335 millions d’euros dans ce combat.

La violence domestique est omniprésente. Chez vous, chez vos voisins, chez vos amis et collègues de travail, partout. Ne fermez pas les yeux – 147 personnes tuées par leur (ex-)-partenaire, ce sont 147 victimes de trop.

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