Personne ne veut y croire et pourtant – 2015 sera une année à hauts risques !

Notre éditorialiste Alain Howiller se projette dans cette nouvelle année qui comprend, un peu partout en Europe, des risques importants.

Alain Howiller prévoit une année turbulente pour Strasbourg et sa région. Foto: (c) Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – La tradition veut que lorsqu’une année passe le relais à une autre, on essaye de supputer ce que l’avenir nous réserve en s’efforçant de conjurer au maximum, les marges d’erreurs. Comme le soulignait un… «spécialiste» lucide (-il y en a !-) : «Pour les prévisionnistes, la tâche n’est pas facile, surtout lorsqu’il s’agit de… Prévoir !» L’actualité -autant que la tradition- nous porte tout de même à essayer d’esquisser quelques axes de développement qui risquent de peser sur les mois qui viennent. Me voici donc porté, en ce (déjà) début d’année, à essayer de prévoir ce que nous verrons les jours, les semaines, les mois à venir. Ce faisant, je n’oublierai pas ce mot de Winston Churchill qui disait : «C’est une erreur de regarder trop loin dans l’avenir. Un seul maillon de la chaîne de la destinée peut-être tenu, à la fois !»…

Je ne parlerai donc pas de ces risques qui, cette année, pèseront plus que jamais sur notre Union Européenne (U.E.). Bien que la «Zone Euro» compte un membre de plus (la Lituanie) à partir de ce premier janvier, l’Union peine à se sortir de ses difficultés économiques. Des menaces émergent à l’intérieur des frontières de l’UE. Différends franco-allemands, risques liées aux élections (25 Janvier) en Grèce, en Espagne, montée des mouvements eurosceptiques voire nationalistes, refus croissant de l’immigration etc… pèsent sur une Europe où la menace d’éclatement n’est plus totalement virtuelle. Aux frontières extérieures montent les périls : djihadisme, mais aussi menaces venues de la Russie de Poutine qui fait de l’Occident un adversaire… retrouvé !

«Wir sind das Volk» : un slogan recyclé ! – Je ne parlerai pas des perspectives ouvertes à l’économie française qui spécule -pour la nième fois- sur de modestes signes de reprise économique. A propos de l’Allemagne, je n’évoquerai pas, aujourd’hui, les tensions qui sous-tendent la coalition au pouvoir, les réserves du patronat estimant que la politique sociale de la «Groko» menace une conjoncture qui peinerait à cause des exportations, vers la Russie notamment. Je ne parlerai pas non plus de cet inquiétant détournement -par le mouvement radical de droite «Pegida»- du slogan venu des manifestations du Lundi à Leipzig sous l’ex-DDR : «Wir sind das Volk ! Nous sommes le peuple !»

Je ne soulèverai pas les difficultés qui plombent à nouveau sur l’économie italienne, j’essaierai d’oublier les propos de plus en plus «eurosceptiques» du Premier Ministre britannique. Je n’évoquerai pas davantage les difficultés du Président François Hollande si ce n’est pour souligner qu’il pourrait bien nous réserver une surprise de taille en organisant un referendum tactique sur l’introduction d’une dose de scrutin proportionnel dans les élections françaises. Un referendum, arme ultime, qui susciterait sans doute une importante adhésion des électeurs et la restauration d’une image qui en aurait bien besoin !

Strasbourg : entre «Eurometropole» et «Eurodistrict !» – Mais, dans le prolongement de ce qui semble être plus qu’une rumeur, je ne peux manquer d’insister sur les «péripéties» électorales qui marqueront en 2015 la France. L’année électorale qui s’ouvre, aura des répercussions dont on mesure encore mal l’ampleur dans cette partie essentielle du Rhin Supérieur qui s’appelle l’Alsace. Quelles seront les répercussions (composition des instances, voire structures mêmes) -y compris sur l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau- de la promotion de Strasbourg comme «Eurometropole» ? Quelles seront les conséquences de la mise en place de la future grande région «Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne» ? Si «l’Eurometropole» -qui fera encore l’objet de négociations entre partenaires- a une existence légale à partir de ce premier Janvier, la «Grande Région» qui se cherche un nom, doit être mise en place -en principe- le 1er Janvier 2016. Si je dis en principe, c’est parce que -et je ne suis pas le seul à penser ainsi- les délais de mise en place paraissent bien courts, compte tenu du climat dans lequel se définira cette nouvelle entité ! Compte tenu, surtout, des problèmes concrets, pratiques que la réforme aura à résoudre avant sa mise en place !

Je ne reviendrai pas longuement sur les dispositions qui sont à l’origine de la création d’une «méga-région» allant des portes de la région parisienne jusqu’au… Rhin. Comme eurojournalist.eu a eu l’occasion de le souligner à de nombreuses reprises, ces dispositions s’inscrivent dans la volonté de François Hollande de créer, au nom d’une meilleure compétitivité, de «grandes régions compétitives» et de ramener le nombre des entités régionales de 22 à 14. Si le nombre des régions a été fixé, dès 1955, par les décrets Pflimlin, ancien maire de Strasbourg alors Ministre de l’Economie, pour donner un cadre à l’action économique régionale, l’Assemblée Nationale, malgré deux votes contraires du Sénat, intègrera finalement l’Alsace, 14ème région, dans un ensemble «Grand Est», ramenant ainsi, le nombre des structures régionales à… 13 au lieu de 14 !

La réforme territoriale : une opération électorale ? – La restructuration a été voulue, officiellement, pour faire des économies que personne n’ose plus chiffrer (on avait évoqué au «doigt mouillé», 50 milliards d’Euro !) et dont d’ailleurs personne… ne parle plus. Officieusement, certains n’hésitent pas à ranger la réforme régionale, dont pourtant l’idée trotte dans la tête des responsables politiques depuis une trentaine d’années, dans la catégorie des stratégies électorales de haut vol : elle permettrait de contenir, en regroupant des régions, la poussées des votes de droite et d’extrême droite. Et ces fins observateurs de situer le cas du regroupement de l’Alsace, dernière région que la droite a pu garder : en l’état, les élus de gauche sont majoritaires dans le cadre de la «méga région» !

Mais, peut-être convient-il de… relativiser la portée de ce genre de calculs : il est avéré que dans la plupart des cas, l’électeur déjoue ce genre de supputations ! Toujours est-il que le Parlement, malgré le refus du Sénat et la décision des collectivités locales appuyées par d’importantes manifestations populaires, a entériné, sans consultation des intéressés, une carte à 13 régions. Celle-ci regroupe non seulement l’Alsace avec la Lorraine et Champagne/Ardenne, mais aussi le Nord-Pas-de-Calais avec la Picardie, le Languedoc-Roussillon avec Midi-Pyrénées : dans ces trois regroupements, il y a de fortes oppositions populaires (manifestations) ou politiques (motions de collectivités, protestations d’élus), les deux formes se combinant souvent. Les régions Haute et Basse Normandie, Bourgogne-Franche Comté, Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes de même que Auvergne-Rhône Alpes fusionnent également malgré un certain nombre d’appels au rejet, tandis que six régions -Bretagne, Corse, Ile de France, Centre-Val de Loire, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur- restent dans leurs limites actuelles.

La réforme au Conseil Constitutionnel et à… la Cour Européenne ! – Il est indéniable que le fait de protéger en quelque sorte l’individualité de ces six régions a fortement nourri les refus enregistrés dans d’autres régions et tout particulièrement en Alsace où l’opposition virulente se poursuit malgré l’adoption de la loi. S’il est vrai que le président actuel de la région -Philippe Richert- a affirmé «En Alsace, nous sommes des démocrates, nous appliquerons la loi», il est loin d’être suivi : les parlementaires UMP alsaciens -du jamais vu- ont saisi le Conseil Constitutionnel pour faire abroger la loi sur la réforme territoriale. Le recours devant le Conseil Constitutionnel porte la signature de 144 parlementaires venus de tout le territoire ! Le recours s’appuie sur le fait que non seulement les intéressés n’ont pas été consultés, mais que contrairement aux dispositions de la Constitution, la nouvelle loi porte atteinte aux principes d’égalité des collectivités devant la loi et au respect de leur libre administration.

Redoutant que le fait de noyer l’Alsace dans un vaste ensemble dont les motivations risquent d’être éloignées de celles animant la région actuelle, un nombre important -c’est inattendu- d’élus et de citoyens continuent à protester : surgi des rangs de ceux qui redoutent que la fusion ne mette en cause «l’identité régionale» (dialecte, enseignement, politique culturelle, aide à l’économie, politique transfrontalière) mais aussi tout le corps du droit local alsacien (et mosellan ; de la sécurité sociale au droit des religions), le parti régionaliste «Unser Land», dont les membres se réclament pour la plupart des tendances autonomistes voire fédéralistes s’inscrivant dans le statut futur de l’Alsace, mène la danse de la contestation. Ses partisans ont annoncé qu’ils présenteraient des candidats aux élections départementales (en mars, pour le renouvellement des conseils généraux) et régionaux (à l’automne, pour le renouvellement des élus actuels du Conseil régional) : en cas de rejet du recours devant le Conseil Constitutionnel, ils entendent provoquer le dépôt d’une plainte devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour non-respect des dispositions de la Charte Européenne de l’autonomie locale, élaborée en 1985, dans le cadre du Conseil de l’Europe par le «Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux».

Des négociations, une année durant ! – Quelque soit le sort de ces démarches judiciaires, les débats qui ont entouré la définition des nouvelles régions, vont laisser des traces : dans l’opinion d’abord, confrontée à une loi mal ficelée, pas expliquée, élaborée entre caciques du parti au pouvoir, qui définit une configuration de régions sans déterminer les pouvoirs, les ressources, les conditions de gestion, la structure même illustrent, si besoin en était, les risques d’une mise en œuvre aléatoire. Ces imprécisions évoquent davantage l’improvisation que la concrétisation d’un plan réfléchi et surtout concerté. Faut-il, dès lors, s’étonner que la contestation se poursuive et que le candidat… Nicolas Sarkozy annonce, à Mulhouse, que s’il était élu président de la République, il mettrait la réforme à plat et tout particulièrement pour ce qui est de son volet alsacien ? Comment la réforme s’installera-t-elle si on tient compter des deux élections qui, en l’état actuel des sondages, seraient perdues par le parti au pouvoir et si on prend en considération que du fait des résultats électoraux probables, les élus-partenaires sur le terrain changeront ?

L’année donc sera difficile et la mise en application de la réforme suppose beaucoup de négociations concrètes tout au long de 2015. Ce n’est pas un hasard si Marylise Lebranchu, Ministre de la décentralisation, chargée également du dossier (complémentaire en quelque sorte) de la redéfinition des conditions permettant une intercommunalité plus efficace, a souhaité que l’année qui vient soit «une année d’échanges constructifs, de construction et non d’attente voire d’attentisme !». Les élus d’opposition seront évidemment tentés de jouer la montre pour gagner du temps, pour retarder l’application concrète de la réforme dans l’espoir que le changement ce soit pour… Bientôt ! Il reste beaucoup de points à régler avant le premier Janvier 2016.

Strasbourg capitale : un nouveau combat ? – L’un des points essentiels, avec le choix du nom que portera la «méga-région», sera le choix de la capitale régionale : l’adhésion au rôle de Strasbourg comme future capitale était assez peu probable du côté des partenaires lorrains et champenois-ardennais. L’expression d’un vote en faveur de Strasbourg capitale de la nouvelle région est d’autant plus problématique que les partenaires «d’Outre Vosges» avaient mal pris la campagne menée sur ce versant des Vosges : mettant en valeur l’identité alsacienne, cette campagne qui aboutit aux excès de langage du style «Elsass Frei – Alsace Libre» a conforté l’image que les Alsaciens avaient du mépris pour leurs futurs partenaires. La pente dès lors est dure à remonter pour Strasbourg qui se veut «capitale européenne» et ne pourrait pas être «capitale des régions de l’Est !»

«Il n’y a pas de peuple alsacien, je ne connais que le peuple français», a lancé, cinglant, excessif et… démagogue (comme souvent), le Premier Ministre Manuel Valls. Il a prononcé cette phrase à l’Assemblée Nationale, à un propos du député Hetzel évoquant «le peuple d’Alsace» (nuance !). L’échange, s’il a rassemblé (à peu de frais, convenons-en !) une majorité parlementaire souvent chancelante, n’a pas vraiment facilité le rapprochement entre futurs partenaires !… Il est vrai qu’on n’était plus à ça près, après une campagne d’opposition à la réforme qui n’était pas loin d’évoquer, sans doute dans la foulée des cérémonies de… de commémoration de la Grande Guerre (!), les controverses de 1919 sur le retour de l’Alsace à la «mère-patrie» ou celles de 1926 accompagnant la montée d’un autonomisme anti-jacobin ! Dans ce contexte, la campagne du «Grand Orient» prônant la suppression en dix ans des dispositions du «concordat» sur les spécificités de la pratique religieuse en Alsace, n’arrangeait rien ! Gauche et droite ont mené une campagne de divisions, qu’il faudra faire oublier aux électeurs de 2015, sur les deux versants des Vosges !

En attendant la réforme des services de l’Etat. – Dans ce but, conscients des enjeux, le Président du Conseil Régional d’Alsace a déjà entrepris de rendre visite à ses confrères de Lorraine et de Champagne-Ardenne tandis que le Maire de Strasbourg a lancé un appel pour faire se rencontrer les principaux maires de la «méga-région». Le gouvernement, lui, si disponible au recul sur d’autres champs d’action et curieusement ferme dans ce dossier, a patronné un «compromis» adopté à l’unanimité par l’Assemblée Nationale. Ce texte fait de Strasbourg «le chef-lieu de sa région». Certes, c’est un peu vague et on ne sait pas trop si «chef lieu» veut dire «capitale de la région» ou plus simplement siège de la «préfecture de région». La dernière approche laisserait aux élus de la future région, la possibilité de choisir, à moyen terme, une autre capitale régionale. Ils ouvriraient alors à Strasbourg une… deuxième bataille du siège : après la bataille pour rester capitale européenne !

Un risque de plus pour une année déjà bien chargée ! Et un risque collatéral pour une réforme incomplète en tout état de cause, tant qu’elle ne sera pas définitivement adoptée dans tous ses aspects (compétences, ressources, structures, etc.), tant qu’elle ne sera pas accompagnée d’une réforme des services de l’Etat, définissant les rôles respectifs à tenir par les futures régions et par les services de l’Etat ! Voilà que se profile un autre risque : l’année sera intéressante, mais il n’est pas certain que François Hollande et son gouvernement, déjà confrontés à d’autres difficultés, en apprécient le… suc !

1 Kommentar zu Personne ne veut y croire et pourtant – 2015 sera une année à hauts risques !

  1. Un article inétressant qui pose les jalons d’une année 2015 qui sera complexe pour les institutions.

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