Pertes réelles et hommages virtuels

L'Espagne, pays très durement touché par la pandémie de Covid-19, voit se développer des plates formes numériques d'hommages virtuels aux victimes de la maladie.

Cementerio El Salvador - Alajeró - La Gomera. Foto: Jn-Mc Claus / Collection Personnelle / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Lancée début avril 2020 par le journaliste et ingénieur Manu Garrido, l’initiative « Memorial 2020 » répond vraiment à un besoin fondamental : mettre des mots sur un deuil. En l’actuelle période de pandémie nécessitant le confinement des populations, nombre de celles et ceux qui meurent sont privés de la présence de leurs proches dans leurs derniers moments. Proches pour qui le processus de deuil se complique par le fait des ruptures successives imposées en très peu de temps par la maladie. D’où la création de cette plate-forme collaborative sur le Lab de RTVE, la radio et télévision publique espagnole, groupe audiovisuel le plus important du pays.

Ce mémorial permet, via un site web, de rendre hommage aux victimes de la pandémie, le virtuel aidant ainsi à affronter et à dépasser le réel. Des messages arrivent de partout en Espagne, mais aussi d’Outre-Atlantique et d’Europe de l’Est. Outre la tristesse, ils ont en commun la douleur causée par l’impuissance.  Des messages adressés à des personnes âgées, dont quelques centenaires, mais aussi à des quinquagénaires et même des personnes bien plus jeunes. Manu Garrido, choqué par une certaine déshumanisation des défunts causée par l’augmentation tragique de leur nombre, a voulu que ne soient pas oubliés leurs noms, leurs visages et leurs histoires. Ainsi est-il possible de poster, en mémoire d’un défunt, quelques mots, une photo, une chanson qui sont reliés à un point sur une carte du pays.

Une démarche à l’opposé des tableaux Excel et Power Point élaborés habituellement par d’habiles communicants, afin de  permettre aux gouvernants de présenter la réalité de façon avantageuse ou avantageusement atténuée. Si des personnalités, touchées et emportées par la maladie, ont eu droit aux honneurs de la presse et des autorités, jusqu’ici il n’en était rien des centaines d’anonymes qui, sans exception, ont aussi contribué à construire le pays et à faire vivre la société. Désormais, il est possible de leur rendre hommage en cliquant ici.

El Español, le quotidien numérique créé en 2015 grâce à une opération de crownfunding par Pedro José Ramírez, l’ex-directeur d’El Mundo, a aussi ouvert un mémorial aux victimes du Covid-19 accessible en cliquant ici. Chaque histoire est, comme celles rapportées par le mémorial de la RTVE, particulièrement touchante. Par les mots de leurs proches et leurs photos, les défunts reprennent corps. Il ne sont plus des chiffres dans des études épidémiologiques, mais des êtres issus de « l’appel de la vie à elle même », comme l’écrivait Khalil Gibran quand il parlait des enfants.

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