Pierre-Yves Le Borgn’ : Voyager par temps de coronacrise

Voyager n’est pas un luxe, mais une nécessité pour les citoyens européens mobiles.

A terme, les fermetures des frontières seront contre-productives. Foto: TF3000 / Pixabay

(Par Pierre-Yves Le Borgn’) – Le monde traverse une crise sanitaire inédite et terrible. Plus de 100 millions de personnes ont été contaminées par le Covid-19 et près de 2.5 millions en sont mortes. C’est une tragédie inimaginable à l’échelle d’un siècle que l’on voulait croire à l’abri des pandémies. Aucun pays, aucune zone du monde n’est épargnée. Certaines sont certes moins affectées que d’autres. Plusieurs raisons l’expliquent. L’une d’entre elles aura été la prise en compte précoce des dangers de ce virus et de la nécessité d’agir, loin de toute polémique politique et autre instrumentalisation d’un drame planétaire qui laisse tant de familles endeuillées et une économie sinistrée. Il s’agit humblement et sans relâche de sauver des vies, des vies de parents, des vies de grands-parents, des vies qui toutes sont précieuses.

Ce sont les gestes barrières, la distanciation sociale et les confinements qui ont permis au printemps, puis à l’automne de l’an passé de maintenir tant bien que mal la crise sous contrôle. Il est important de le reconnaître. Cependant, ce résultat a été obtenu aussi au prix d’une contrainte redoutable à l’égard de l’exercice des droits et libertés qui fondent une société démocratique. Les états d’urgence sanitaire, pour nécessaires soient-ils, ont mis sous une tension énorme et difficilement durable les sociétés européennes. L’arrivée des vaccins sonne comme un espoir à travers le monde. Mais l’apparition au même moment de divers variants du Covid-19 sème la crainte. Une course contre la montre s’est ouverte. Les vaccins doivent l’emporter sur les variants.

Il y a en Europe des dizaines de millions de personnes qui vivent dans un pays dont ils n’ont pas la nationalité. Et encore davantage hors de notre continent. La confédération Europeans Throughout The World (ETTW)  a vocation à les représenter. Ce sont des citoyens mobiles, qui vivent sur plusieurs pays. Les déplacements font partie de leur vie, pour travailler, pour étudier, pour retrouver leur famille, pour prendre soin d’enfants ou de parents âgés. Depuis des mois, ces citoyens vivent une situation redoutable, privés de revenus ou tenus à l’écart des leurs en raison des restrictions décidées à l’échelle nationale, entre interdictions de voyage et confinements. Cela va jusqu’à leur dénier le droit de rentrer dans leur propre pays, au mépris des règles fondamentales de droit international.

Voyager n’est pas un luxe, mais une nécessité pour les citoyens européens mobiles. Il n’est pas juste de les frapper invariablement par des mesures d’interdiction de passage de frontières. Toute mesure, pour être efficace, doit être socialement acceptable et proportionnée en droit. S’il doit y avoir des restrictions de déplacement – et ce peut être le cas – celles-ci doivent être circonscrites géographiquement et dans le temps. Elles ne peuvent être générales, indéfinies et échapper à un contrôle effectif, en particulier parlementaire. Les protocoles sanitaires et la généralisation de campagnes de test sont les réponses les plus justes à la crise, à l’inverse d’interdictions de principe qui font fi des réalités humaines et économiques de millions de citoyens.

C’est le vaccin qui sortira le monde de la crise. Dans leur pays de résidence, les citoyens européens mobiles et les membres de leurs familles doivent pouvoir y avoir accès, conformément au droit européen de la sécurité sociale. Si certains d’entre eux sont parvenus en dépit des difficultés de circulation à se rendre dans leur pays de nationalité et s’y trouvent momentanément, ils doivent pouvoir y être vaccinés dans le cadre d’une coordination entre pays européens. En tout état de cause, il est essentiel que les Etats européens, en lien avec les institutions de l’Union, communiquent clairement et rapidement sur les règles applicables aux citoyens européens mobiles et à leurs familles. L’incertitude qui subsiste actuellement alimente les peurs et le mal-être de la société.

Il faut une reconnaissance mutuelle des vaccinations effectuées en Europe et au-delà. Aucune situation ne peut être laissée sans réponse. Une personne vaccinée doit savoir que son vaccin sera reconnu partout où elle se rendra. Pour autant, ceci ne peut conduire à la mise en place d’un passeport vaccinal, qui exacerbera les inégalités davantage encore que la pandémie ne l’a fait. Ou, à tout le moins, aussi longtemps qu’une large part de la population européenne n’aura pas été vaccinée. Trop peu de vaccinations sont encore intervenues et dans des conditions très diverses d’un pays à l’autre. Il n’est pas acceptable de discriminer des citoyens qui attendent désespérément le vaccin. Triompher de la pandémie sera aussi une question de justice, à l’image de ce monde d’après qu’il faudra construire.

Pierre-Yves Le Borgn’, Président de Europeans Throughout The World, est ancien Député des Français à l’Etranger et nous permet souvent de publier ses tribunes libres.

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