Pire que Franco, vraiment ?

La décision du Gouvernement Sánchez de maintenir Madrid en Phase 0 de la désescalade provoque dans la capitale des réactions s'étendant à d'autres villes du pays.

Brandi à Madrid par les manifestants anti-gouvernement, le drapeau du Royaume d'Espagne est particulièrement malmené. Foto: fdecomite / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – En Espagne, le déconfinement est en cours. Conformément aux engagements pris par le Premier Ministre Pedro Sánchez, il se déroule de manière asymétrique et concertée. Cependant, les considérations sanitaires prévalant sur tout le reste, le gouvernement central garde le dernier mot, car engageant sa responsabilité. Ce qui ne plaît pas à tout le monde. Notamment à Isabel Navidad Díaz Ayuso (PP), présidente de la Communauté de Madrid et José Luis Martínez-Almeida Navasqüés (PP), maire de la ville. Lors du vote de pour la poursuite de l’état d’alerte, rappelons qu’après s’être prévalu d’un Plan B, le Partido Popular (PP) s’est abstenu.

Ainsi, tandis que cette semaine, la majorité du pays a glissé en « Fase 1 », certaines îles des Canaries et des Baléares passant même en « Fase 2 », Barcelone, Madrid et certaines zones de Castille-et -León demeurent en « Fase 0 ». Évidemment, cela ne fait jamais plaisir de piétiner quand les autres avancent, et l’opposition se saisit sans vergogne de cette aubaine. Pourtant, le Ministère de la Santé avait proposé quelques aménagements, ce qui faisait dire à La Vangardia, non sans humour, qu’il proposait à la capitale de passer à la « Fase 0,5 ». Mais c’est maintenant la seconde fois que la Communauté de Madrid essuie un refus de passer en « Fase 1 ». Alors, maintenant, ça suffit !

Il semble bien que Salvador Roca Illa (PSC), le ministre de la Santé, cherchant tous les terrains d’entente possibles et imaginables, se trouvera toujours face à un mur lorsqu’il s’adressera à la Communauté de Madrid. L’instrumentalisation à des fins de basse politique de ces tensions inutiles conduit forcément à générer de l’agitation. Ainsi, les conférences de presse tenues toujours très régulièrement par divers membres du gouvernement central assistés d’autorités compétentes, sont commentées très vertement lors des diffusés « live » sur internet. Mais ce mécontentement fait aussi, chose plus grave en cette période de pandémie, descendre les gens dans la rue, à l’instar de ce qui se passe en Allemagne. Évidemment, le drapeau national, tantôt brandi à bout de bras, tantôt porté façon cape de Batman, sert d’emblème à cette contestation et les nationalistes de Vox ne veulent pas louper ça.

La contestation, toujours selon La Vangardia, vient du haut et s’étend vers le bas. Ainsi, le quartier chic de Salamanca, est-il devenu un cluster de cette réaction allergique au refus du gouvernement central d’obéir. D’ou « caceroladas como a Caracas » (concert de casseroles comme à Caracas) s’étendant à d’autres quartiers de la capitale et, paradoxalement à d’autres régions et villes d’Espagne comme Oviedo et Saragosse, pourtant toutes deux passées en « Fase 1 ». Aux applaudissements de 20h00 ont succédé les « casseroladas » de 21h00 avec demande de démission du gouvernement Sánchez, qualifié par Joaquín Ariza, leader de la contestation du quartier de Salamanca, de « gouvernement de ruine et de mort », comme le rapporte El Independiente.

Ce presque sexagénaire, ancien militant de l’Unión de Centro Democrático (UCD) et dont le grand-père a été battu par les Républicains durant la Guerre d’Espagne, se prévaut de respecter la loi tout en arguant que ce mouvement de contestation ira loin.  Tout comme en Allemagne, le gouvernement ne remet pas en cause le droit légitime de le critiquer. Mais le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska (Sans Étiquette), soulignant très justement qu’il n’entend pas dans les revendications exprimées le droit à la santé pour tous, appelle les manifestants à ne pas, par leur comportement, mettre en danger la santé publique. D’où les déploiements de forces de police devant parfois, comme sur la Plaza Príncipe de Asturias de Alcorcón, s’interposer entre manifestants anti gouvernement et contre-manifestants qualifiés d’extrême gauche, opposant la Tricolor, drapeau des Républicains (1931-1939) formé de bandes horizontales rouge, jaune et violette, au drapeau national constitué de trois horizontales rouge, jaune et rouge.

Ces manifestations sont encouragées par le Partido Popular (PP) et Vox, droite et extrême droite se concurrençant dans certains quartiers de Madrid, mais également ailleurs dans le pays. Ce qui conduit à entendre des slogans réclamant la liberté se mêler à des allégations affirmant que le gouvernement critique Franco, mais fait pire ! Il ferait beau voir comment le régime franquiste aurait géré une pandémie telle que celle du Covid-19. Mais la Grippe faussement nommée Espagnole, c’était en 1918, sous le règne d’Alfonso XIII qui, durant la Grande Guerre, s’appuyant sur la neutralité du pays, lança la première action humanitaire gouvernementale de l’Histoire en créant la Oficina Pro Cautivos appelé aussi European War Office, recherchant civils et militaires capturés durant les combats afin d’améliorer leurs conditions de détention et de tenter de les rapatrier. Sous la dictature franquiste (1939-1975), la seule épidémie constatée fut la Peste Brune, dont el Caudillo était le principal vecteur…

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