Pivot–Matzneff – sympt-hommes d’une autre époque ?
L’absence de réactivité de Bernard Pivot face à Gabriel Matzneff en 1990 et son incroyable complaisance, relèvent-elles d’une époque totalement révolue ?
![OK Pédo_Matzneff_Polymagou_Wikimedia_Commons_CC-BY-SA-4.0](http://eurojournalist.eu/wp-content/uploads/2024/05/OK-Pédo_Matzneff_Polymagou_Wikimedia_Commons_CC-BY-SA-4.0-620x310.jpg)
(Jean-Marc Claus) – L’annonce du décès de Bernard Pivot, il y a maintenant une semaine, a provoqué la remontée à la surface de cette ô combien ! fameuse émission de 1990, au cours de laquelle, sur un plateau rassemblant de fins lettrés, la romancière canadienne Denise Bombardier, fut la seule personne qui faisant preuve d’une humanité avant-gardiste, remit en place Gabriel Matzneff.
Une séquence à propos de laquelle l’animateur vedette dira en 2019, regretter ne pas avoir eu les mots qu’il fallait. Etait-ce une façon d’anticiper la publication l’année suivante, du livre-témoignage « Le consentement » de Vanessa Springora, victime de l’écrivain pédophile Gabriel Matzneff ou alors d’enfin réagir, fut-ce en décalage, suite à de la sortie quatre ans plus tôt, de « La consolation », autobiographie écrite par Flavie Flament, victime du photographe pédophile David Hamilton ? Nul ne le sait, si non lui, et il n’est plus là pour s’en expliquer d’avantage.
Autant Bernard Pivot a-t-il durant sa carrière, joué un rôle essentiel au plus beau sens du terme, quant à la vulgarisation de la littérature, en incitant à la lecture plusieurs générations de toutes catégories sociales. Autant a-t-il manqué, notamment lors de cette séquence, d’une lucidité qui aurait été non seulement tout à son honneur, mais aussi d’un grand impact quant à la lutte contre la pédophilie. Mais il serait particulièrement injuste de faire de lui l’arbre cachant la forêt des vices, et en le fustigeant de se parer de vertus, qu’il est aujourd’hui facile de mettre en avant.
L’extraordinaire aménité de Bernard Pivot envers Gabriel Matzneff, et la légitime indignation de Denise Bombardier tombant à plat, ne doivent pas être rangées au musée des séquences historiques, sous le label « Plus jamais ça ! ». Malheureusement des « ça », au sens de la seconde topique freudienne, il y en eut d’autres depuis, et nous n’en avons pas fini avec les décharges pulsionnelles d’adultes sur des enfants, que les dits adultes soient des personnalités en vue, ou alors des quidams dont les crimes sont révélés par la presse au chapitre des faits divers.
La complicité Pivot – Matzneff, n’est en rien le symptôme d’une autre époque, mais la conséquence logique d’une culture patriarcale, faisant des femmes et des enfants des « biens meubles », au même titre que les esclaves selon le Code Noir édicté par Louis XIV en 1685, cette législation n’étant pas sans liens avec la « patria potestas », détenue par les hommes du plus haut rang des maisonnées au sein de la Rome Antique. S’arrêter à l’écume des choses, favorise évidemment l’identification de boucs émissaires, mais permet surtout l’économie de toute réflexion, quant aux tenants et aboutissants de nos modes de pensée à toutes et tous.
« Me Too » ainsi que « Balance ton porc » avec ses multiples variantes, concernaient jusqu’il y a peu, essentiellement les rapports d’adultes à adultes. Récemment, la mise en cause des réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon par Judith Godrèchede, a provoqué à l’Assemblée Nationale, la création d’une commission d’enquête relative aux conditions de travail des enfants dans le cinéma, la publicité et la mode. Il est grand temps de sortir de l’omerta, mais reste à savoir quelles seront les conséquences de tout signalement de pratiques répréhensibles par la loi.
En France, la disparition d’un mineur est signalée toutes des douze minutes, soit 42.202 en 2022, et si 95% sont liées à des fugues, leur minimisation dans le discours ambiant pose aussi problème. Ces enfants sont de fait en danger durant leurs escapades, et il n’est pas sûr que les raisons de leurs départs inopinés, soient suffisamment explorées. Sans verser pour autant dans un angélisme stupide, dépeignant les mineurs en victimes exclusives, alors que de récents faits divers démontrent à quel point certains sont capables d’une cruauté hallucinante, il importe néanmoins de prendre au sérieux toute fugue, car il n’est pas naturel qu’un enfant quitte ainsi le foyer censé le protéger et l’aider à grandir.
Dans l’univers magique et virtuel de l’internet, autant qu’au coin de la rue dans la vraie vie, les prédateurs sont à l’affût comme nous le démontrent de trop nombreuses affaires. Lorsque ces derniers sont identifiés et interpellés, quel sort leur réserve ensuite la justice ? Sans en appeler à la vindicte populaire par lapidation en place publique, il serait tout de même grand temps, de revoir à la hausse les peines encourues par ces voleurs de vies. Mais aussi leur suivi une fois remis en liberté, car contrairement à leurs victimes, que leurs actes ignobles ont enfermé dans la souffrance, tôt ou tard ces prédateurs retrouvent la liberté…
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