Placer le patrimoine culturel au cœur de l’action européenne

Dans une tribune libre, Pierre-Yves Le Borgn' revient sur l'Année Européenne du patrimoine culturel et sur sa signification pour l'évolution de l'Europe.

Pierre-Yves Le Borgn', l'un des grands défenseurs d'une Europe positive et active. Foto: Council of Europe 2018

(Par Pierre-Yves Le Borgn’) – Dans quelques jours s’achèvera l’Année européenne du patrimoine culturel. Tout au long de 2018, de nombreuses manifestations, notamment à l’échelon local, auront encouragé des millions d’Européens à aller à la découverte de la diversité du patrimoine culturel de l’Europe et renforcé leur perception d’appartenir à un espace commun. Cette perception est un élément infiniment précieux de développement de l’identité européenne. Notre patrimoine culturel, ce sont tout à la fois des monuments, des bâtiments, des livres, des films, des objets de toute sorte, des traditions, des langues, des sites ou des paysages. Ce sont des choses matérielles et immatérielles. C’est le numérique, qui permet aujourd’hui si bien la conservation et le partage de toutes ces ressources. Que restera-t-il de l’Année européenne du patrimoine culturel? Certainement des moments forts et particuliers, mais plus que tout un momentum politique qu’il ne faut pas laisser retomber.

Cette énergie, ces initiatives doivent en effet être un point de départ pour faire du patrimoine culturel partagé des Européens une force de cohésion sociale, d’inclusion et de solidarité. Derrière l’émotion pour un paysage, un musée, un village, un film ou un livre, près de chez soi ou plus loin, il y a toujours la découverte, le partage et la transmission. C’est l’éducation, c’est l’envie d’apprendre, chaque jour et à tout âge, qui lient ainsi l’émotion ressentie à l’Europe. Le patrimoine culturel unit les peuples et les générations car c’est souvent ainsi qu’il s’est construit. Il est à ce titre un appel au dialogue par-delà les frontières, permettant de regarder de manière apaisée les drames du passé et d’appréhender ensemble les incertitudes de demain. Telles sont les leçons qui peuvent être tirées de l’Année européenne du patrimoine culturel et que l’association Europa Nostra, présidée par Placido Domingo, a remarquablement développées dans son Appel de Berlin le 22 juin dernier.

L’Europe doit s’engager pour soutenir le patrimoine culturel. Cela requiert un effort budgétaire accru et le resserrement des liens entre les initiatives de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe. Cela concerne autant l’éducation et la formation que la protection du patrimoine lui-même. Bien des sites, des bâtiments et des œuvres sont aujourd’hui en danger. L’engagement d’Europa Nostra en particulier a permis de faire connaître ces périls, d’alerter les consciences et de sauver peu à peu le patrimoine en danger. Mais tant doit être fait encore. Derrière le patrimoine culturel, il y a aussi l’économie, la création de richesses et l’emploi à développer. Ce sont des gisements d’activités souvent peu exploités alors même que nombre de régions concernées ont un besoin essentiel d’investissements et de développement local. Toutes ces initiatives doivent trouver leur place dans une feuille de route ambitieuse en faveur du patrimoine culturel de l’Europe.

Parce que le patrimoine culturel inclut le paysage, sans doute est-il nécessaire aussi de porter un regard attentif sur l’application de la Convention européenne du paysage, adoptée à Florence à l’initiative du Conseil de l’Europe il y a près de 20 ans. Chaque Etat partie à la Convention est encouragé à présenter ses paysages comme un patrimoine commun pour les Européens, qu’ils soient exceptionnels ou ordinaires, ruraux ou urbains, inviolés ou dégradés. La Convention, et c’est toute sa force, inscrit le paysage dans une utilité sociale. Or, le paysage affronte aujourd’hui de nouveaux défis, en particulier ceux du changement climatique et de l’étalement urbain. L’appropriation du patrimoine culturel européen par les citoyens est essentielle à l’émergence du sentiment européen. Cette dimension inclusive doit s’étendre au paysage et prendre en compte la perception et les attentes citoyennes sur sa préservation et sa transformation.

Inscrire le patrimoine culturel de l’Europe et en son sein le paysage au rang de priorité de l’action européenne est important, plus encore lorsqu’on les place dans une perspective dynamique : l’ouverture aux autres, l’utilité sociale et la recherche du bien-être. Il s’agit d’en appeler aux organisations européennes, à leurs institutions strasbourgeoises et bruxelloises, aux Etats membres, aux pouvoirs locaux et à la société civile. 2019 sera l’année des élections européennes. La campagne électorale devra être l’occasion de porter la question du patrimoine culturel de l’Europe au cœur du débat, d’interroger les partis et les candidats, d’obtenir de celle ou de celui qui sera appelé à présider la Commission européenne une vision précise pour le patrimoine culturel de l’Europe et des engagements clairs pour la mandature de 5 ans qui s’ouvrira. Il devra en être de même bien sûr avec les Etats membres de l’Union et du Conseil de l’Europe, réunis dans notre belle communauté de destins.

Pierre-Yves Le Borgn’ est ancien député pour les Français vivant à l’étranger et ancien président de la sous-commission de la culture et du patrimoine de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe.

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