Plan de relance de la CeA : entretien avec Fatima Jenn

A l’occasion de la sortie du Plan de relance de la CeA, entretien avec une conseillère de la collectivité.

Frédéric Bierry et Fatima Jenn - la CeA devient un acteur incontournable du terrain. Foto: privée

(Marine Dumény) – Fatima Jenn est Conseillère d’Alsace à la Collectivité européenne d’Alsace (CeA). Également conseillère municipale de Mulhouse, et femme d’affaire (diplômée en physique chimie et commerce international), elle présente ce ‘plan de rebond alsacien’. Entretien.

Madame Jenn, la CeA vient de démarrer un plan de relance, 330 millions d’euros sur 3 ans. Pourriez-vous en présenter l’idée générale ?

Fatima Jenn : Plus qu’un plan de relance, il s’agit là d’un plan alsacien de rebond. Tout d’abord, la CeA et le territoire de l’Alsace ont des spécificités qui n’ont pas pu être prises en compte par les aides de l’Etat précédemment mis en place. Pendant la pandémie, 218 millions d’euros ont été mobilisés dans le cadre du « Plan Marshall bas-rhinois » en 2020. Dans le Haut-Rhin, il y avait aussi un plan Covid. Durant cette période, et en tant que conseils départementaux, nous avions alors fait en sorte de maintenir et soutenir les activités relevant de nos compétences. Aujourd’hui, avec cette CeA et le contexte actuel, nous passons à une autre dimension qui est le soutien. Il y a des secteurs à l’arrêt comme la culture et le tourisme que nous devions accompagner.

Ce plan prend donc en compte ces secteurs fragilisés, et met en place une solidarité. Avec également la jeunesse.

FJ : Tout à fait, nous partons d’un constat, et avons articulé ce plan de rebond autour de celui-ci. La jeunesse, justement, était vraiment l’angle mort des précédents dispositifs, y compris nos anciens plans départementaux. Nous voulons donc soutenir et accompagner, raison pour laquelle sa spécificité est territoriale. En effet, il a été co-construit avec les acteurs des diverses professions touchées par la crise, des habitants, des experts, des élus… c’est un plan qui répond au cas par cas à chaque territoire et besoin sectoriel.

Pourriez-vous décrire la façon dont sont montés les grands axes de ce plan ? Par exemple sur la question de la jeunesse ?

FJ : La jeunesse, nous l’avons abordé en plusieurs axes. Il y a déjà le plan étudiant, co-construit avec le CROUS (Centre Régional des Œuvres Universitaires et Scolaires), les étudiants, les organisations et associations étudiantes, les universitaires, les associations en lien avec le milieu estudiantin… nous avons travaillé avec eux sur les particularités de chaque territoire. En Alsace, il y a le Nord et le Sud, ils sont différents. Dans certains de nos territoires, comme Haguenau, il n’y a pas de restaurant universitaire. Pour pallier le problème et pouvoir faire profiter les étudiants du programme du repas à 1€, nous avons ouvert pour eux notre collège. Le plan de rebond est concret, pour répondre à un besoin réel. Il ne s’est pas formé au fond d’un obscur bureau à la CeA juste pour vaporiser des fonds sur le territoire.

L’accompagnement psychologique et la lutte contre l’isolement ont aussi des spécificités territoriales. Dans le Bas-Rhin, le CAMUS (Centre d’Accueil Médico-psychologique Universitaire de Strasbourg) avait besoin d’être renforcé, d’avoir plus de psychologues. Nous leur avons donc octroyé une subvention. Alors qu’à Mulhouse, ils avaient besoin d’un dispositif d’étudiants relais. Nous allons donc également les aider en formant des étudiants par le biais des assistantes sociales à ce dispositif.

Nous avons fait évoluer le FSL (Fonds Solidarité Logement) l’an passé dans le Haut-Rhin pour qu’il réponde à des critères englobant les étudiants tombés dans la précarité à cause du Covid, aujourd’hui nous nous adaptons également dans le Bas-Rhin.

Vous allez également procéder à des expérimentations, comme avec le service civique transfrontalier…

FJ : Nous avons une compétence régionale qui est le bilinguisme, et la CeA est par définition une région européenne, nous allons donc effectivement tenter l’expérience d’un service civique en partenariat avec l’OFAJ (Office Franco-Allemand de la Jeunesse). Autre expérimentation, celle du sport dans la prévention et l’éducation sur les quartiers difficiles. Nous allons lutter contre les violences et leurs proportions dans certains quartiers difficiles grâce au sport, et ceci avec nos partenaires, pour aider les jeunes à se sentir bien et éviter le décrochage scolaire. Cette expérimentation sera menée dans le Haut-Rhin. Dans le Bas-Rhin, nous lançons une étude de faisabilité pour une école de sport, qui permettrait aux jeunes de trouver à leur sortie des CDI.

Concernant le reste du plan de relance, des mesures sur le domaine de la santé, de l’économie ou encore du tourisme sont prévues. Parmi celles-ci, pouvez-vous nous en développer un impact concret ?

FJ : Il y aura 40 millions d’euros dévolus à la territorialisation. Comme nous l’avons vu, ce plan est vraiment adapté dans son ensemble à chaque territoire. Il y a bien sûr le tourisme et la culture, et nous allons financer par territoires des projets artistiques, par exemple, de montants minimums de 40 000 euros pour redynamiser le secteur, et le territoire. Tout sera développé en partenariats. Dans le cadre de la culture, nous avons ouvert nos collèges pour permettre aux artistes de travailler. Nous avons prévu une billetterie solidaire. 50 000 billets seront mis à disposition des populations défavorisées pour accéder aux musées, espaces culturels et expositions.

Une mesure discrète mais pourtant marquante de ce plan : la création d’une entité ‘Alsace Energie’. Quelle est-elle, et en quoi consistera-t-elle ?

FJ : Aujourd’hui, nous pouvons créer cette structure en nous appuyant sur nos deux offices HLM, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Les deux collectivités s’engagent dans la lutte contre la précarité énergétique et la rénovation des bâtiments énergivores. Nous avons donc l’ambition de créer un fonds de dotation pour pallier la précarité énergétique. En plus de cela, nous portons un PIG (Programme d’intérêt Général) « transition écologique » (post-Fessenheim) et promouvons les énergies locales et renouvelables et voulons les étendre à l’ensemble du territoire.

Madame Jenn, vous êtes connue pour être une femme de terrain, pensez-vous que ce plan, qui marque une entrée fracassante de la CeA dans ses pouvoirs et ses devoirs, sera reconduit en cas de besoin ou s’il se révèle inadapté ?

FJ : Evidemment ! Nous l’avons co-construit à la base et nous continuerons, dans sa mise en place, à le faire avec nos partenaires. Tous les territoires alsaciens, qu’ils soient ruraux, urbains, péri-urbains, ou quartiers difficiles seront concernés et concertés. Le plan répondra à tous.

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