Plein écran : « Compartiment No. 6 / Hytti NRO 6 »

Au Festival de Cannes, Esther Heboyan a vu pour vous « Compartiment No. 6 / Hytti NRO 6 » de Juho Kuosmanen : je, l’autre, destination Mourmansk

Un huis clos dans le train Moscou - Mourmansk... Foto: ©2021 Sami Kuokkanen / Aamu Film Company

(Esther Heboyan) – Pendant le prologue, les invités d’une intellectuelle moscovite chantent et dansent sur Voyage Voyage de Desireless. Le ton est donné : on célèbre le départ de son amante. Et assez vite, Compartiment No. 6  /Hytti NRO 6 du Finlandais Juho Kuosmanen devient un road movie. L’invitation au voyage nous embarque à bord d’un train de Moscou à Mourmansk sur l’Arctique et occasionne la rencontre entre une étudiante finlandaise en archéologie et un Russe envahissant et fruste qui s’en va travailler dans les mines. Dans l’espace confiné, étriqué du compartiment no. 6, les deux passagers vont s’opposer, s’affronter, s’éviter, avant d’esquisser un dialogue en demi-teintes.

Le voyage déclenchant la rencontre fortuite qui engendre antagonismes et rapprochements, est un schéma narratif maintes fois exploité au cinéma. On songe à It Happened One Night / New York-Miami (1934) de Frank Capra avec Claudette Colbert et Clark Gable. Le long-métrage de Kuosmanen ne déploie pas autant de légèreté que la comédie de Capra, ni bien évidemment ne programme un happy end hollywoodien, mais on rit tout de même et l’intérêt dramatique y est constant.

Quant aux acteurs principaux, Seidi Haarla (Laura) et Yuri Borisov (Ljoha), ils nous offrent un jeu d’une vérité époustouflante et toujours avec retenue – la Palme d’interprétation pour Seidi Haarla ? Même dans les moments de tension, même lors des gros plans inquisiteurs, la caméra de Kuosmanen reste pudique, applique une distance quasi documentaire. On a vraiment l’impression d’être à bord du train. On observe les êtres comme on le ferait dans l’espace physique en mouvement qui crée des états de transition, parfois de flottement, voire d’impossible attente.

Peu à peu, le voyage se transforme en quête de soi dans un pays étranger et dans une autre langue (un motif narratif que l’on retrouve dans la sélection officielle) et en quête de l’autre déterminé, figé par ses codes et circonstances pour le révéler à lui-même. Tout au long du voyage qui mène de plus en plus vers les paysages extrêmes du nord, on se demande si la recherche du passé archéologique de la Russie par Laura va avoir lieu ou pas. Cette incertitude, ou énergie prompte à déjouer le destin / les destinations des uns et des autres, fournit une autre belle surprise du Festival de Cannes 2021.

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