Plein écran : « Lingui » de Mahamat-Saleh Haroun, un moment de grâce

Esther Heboyan a vu pour vous le film de compétition « Lingui » du réalisateur tchadien Saleh Haroun.

Le féminisme occidental et le féminisme africain ne sont pas pareils... Foto: Pili Films

(Esther Heboyan) – En compétition, Lingui du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun se penche sur la condition des femmes au Tchad. Amina (Achouackh Abakar Souleymane) découvre que Maria (Rihane Khalil Alio), sa fille de quinze ans, est enceinte. Cette situation n’est pas aisée à vivre, ni pour la mère qui fut autrefois bannie par sa propre famille, ni pour la fille qui souhaite avorter dans un pays où l’avortement n’est pas toléré. Le cheminement de l’une et de l’autre vers plus de liberté et surtout vers plus d’authenticité va être contrarié par divers obstacles dont les voix conventionnelles de la sagesse (directrice de lycée, imam du quartier).

Heureusement, nous dit Haroun, il y a le lingui, ce lien sacré entre les personnes qui permet l’entraide, la solidarité. Dans son film, ce sont les femmes qui font preuve de courage, d’ingéniosité et d’altruisme, quitte à transgresser préceptes et lois.

Ce n’est pas une œuvre féministe au sens occidental du terme. Le féminisme n’est pas théorisé, confie Haroun. Cependant, les femmes deviennent les héroïnes de leur vie. Amina récupère des matériaux pour fabriquer des fourneaux qu’elle s’en va vendre à N’djaména. La séquence d’ouverture est une ode à la femme tchadienne qui travaille, se débrouille, s’adapte.

Si le scénario peut paraître quelque peu didactique et devient parfois prévisible, le film est un enchantement tant par ses décors que par la composition des plans. Lorsqu’elles sont décalées à gauche ou à droite de l’écran comme pour les pousser dans les marges, les protagonistes continuent d’affirmer leur présence, de s’ancrer dans le réel, d’appartenir à l’espace-temps.

Projeté dans le Grand Théâtre Lumière, Lingui a reçu un bel accueil. Le réalisateur et ses actrices ont été ovationnés, ce qui les a fortement émus. Le long-métrage d’Haroun pourrait bien intéresser, voire convaincre le jury de la sélection officielle présidé par Spike Lee.

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