Plein écran : Verdens Verste Menneske / Julie en 12 chapitres

Au Festival de Cannes, Esther Heboyan a vu pour vous le film "Julie en 12 chapitres" de Joachim Trier, itinéraire d’une amoureuse

Julie court à travers sa vie, ses amours et - sa ville d'Oslo. Foto: Oslo Pictures

(Esther Heboyan, Cannes) – Un vrai coup de cœur pour Verdens Verste Menneske/Julie en 12 chapitres du Norvégien Joachim Trier avec Renate Reinsve (Julie), Herbert Nordrum (Elvind), Anders Danielsen Lie (Aksel). L’interprétation se révèle d’une grande finesse, authentique, nuancée. Les acteurs nous entrainent dans leur monde intérieur, certes par la parole, mais également par leurs expressions faciales et corporelles. Trier offre de très beaux plans sur les personnages, qu’ils soient isolés ou en groupe. On sent une grande complicité entre le réalisateur et ses interprètes. On en a eu la confirmation pendant la conférence de presse.

Le film suit Julie, 30 ans, sur plusieurs années, à travers ses expériences amoureuses, ses coups de foudre, ses ruptures. Une version moins puérile de Bridget Jones ou une version plus actuelle d’Annie Hall. Lorsqu’elle en a assez d’Aksel, elle s’installe avec Elvind. Mais l’œuvre de Trier va bien au-delà de cette vision simpliste. Alors qu’elle se montre indécise et frustrée et qu’elle se croit être la pire personne au monde (sens du titre original), Julie aimerait trouver la bonne personne, le bon partenaire.

Lorsque Julie tombe amoureuse d’Elvind et qu’elle voudrait quitter Aksel, le film quitte le domaine du réel. En appuyant sur l’interrupteur de la cuisine, le temps s’arrête et les personnages se pétrifient sur place, à commencer par Aksel sur le point de verser une tasse de café. Et tous les anonymes dans la rue se figent dans leur parcours quotidien. Interrogé sur ce procédé stylistique qui évoque les comédies musicales avec Fred Astaire ou Gene Kelly, Trier répond que le procédé traduit une idée très basique, le souhait de vouloir arrêter le flux du temps, de vouloir sortir d’une relation parce que l’amour rare s’est présenté à vous. Le temps peut jouer en faveur de l’amour, mais aussi contre l’amour. Le temps est un facteur clé dans les relations humaines.

En filmant Oslo, Trier parle aussi de son amour pour les lieux, les intérieurs, les extérieurs, sa ville. Pendant la conférence de presse, il souligne l’importance de la lumière, de l’atmosphère, de la matérialité de l’espace. Il explique qu’il fallait montrer le rapport de Julie à la ville, ses émotions dans la lumière du matin ou du soir. Comme Mahamet-Saleh Haroun dépeignant N’djaména, Joachim Trier nous livre paysages et parcours à Oslo. Nous contemplons le fleuve, marchons le long des rues, courons vers un café de la ville. Le cinéma ici remplit une de ses missions : faire découvrir aux spectateurs des espaces-temps autres, cet ailleurs où la vie se déroule à un autre rythme, comme une musique réarrangée, comme dans un rêve.

Par ce film qui nous fait à la fois rire et pleurer (sans que le drame ne devienne mélodrame), Joachim Trier fait preuve d’une grande maîtrise de son art. Il transforme la banalité en événement original.

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