Pollution : la Cour de Justice Européenne condamne la France !

Alain Howiller revient sur une actualité qui ne cadre pas exactement avec les jubilations autour de l'élection de la Cathédrale de Strasbourg comme « plus belle cathédrale de France »...

Dans 12 agglomérations françaises, la pollution d'air dépasse les valeurs limites, Strasbourg y compris. Foto: Jamcib / Wikimedia Commons / PD

(Par Alain Howiller) – L’information – allez savoir pourquoi en cette période si prompte à s’emparer d’un tel sujet – n’a guère nourri la « Une » de nos médias. Pour la découvrir, il fallait bénéficier de cette chance qui… colle à la peau de ceux qui veulent savoir ! Pourtant, le récent arrêt (il date du 24 Octobre) de la « Cour de Justice Européenne » (CJUE) aurait mérité un sort plus enviable : d’abord, parce que la Cour qui avait déjà, en 2017 et 2018, condamné la Pologne et la Bulgarie pour leur inaction contre la pollution, prenait une nouvelle position « écologique », ensuite parce que l’arrêt portait sur une forme de pollution qui s’inscrit (si on ose écrire) dans… l’air du temps !

Depuis Luxembourg où elle siège, la CJUE s’est, en effet, ni plus ni moins, attaquée à la politique menée (ou plutôt non menée) par une d’une douzaine d’Etats pour lutter contre la pollution par le dioxyde d’azote, produit notamment par les moteurs diesel, composantes jusqu’ici essentielles dans l’industrie automobile européenne. La cour avait été saisie par la Commission Européenne dont les avertissements répétés pour non-respect des normes fixées dès 2008, étaient restés vains, des années durant. Parmi les Etats concernés par le jugement européen, il y avait la Grande-Bretagne, l’Allemagne et, tout particulièrement, la France.

12 agglomérations dont Strasbourg concernées ! – Le cas français est sans doute le plus intéressant car le jugement n’incrimine pas seulement l’Etat : il vise aussi à travers lui 24 « zones concernées » dont 12 agglomérations victimes de la pollution par dioxyde d’azote. Les « agglomérations » sont nommément désignées. Il s’agit de Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Nice, Montpellier, Grenoble, Clermont-Ferrand, Toulon. Dans ce balayage national, l’arrêt,  dans le « Grand Est », vise spécialement Reims et surtout… Strasbourg que certains, pourtant, n’hésitent pas – sans doute un peu vite – à appeler « une capitale européenne du vélo » !

L’arrêt de la Cour, saisie en Mai 2018, a été pris après que la Commission de Bruxelles a mis en garde le gouvernement français contre le dépassement, depuis le 1er Janvier 2010, « de manière systématique et persistante du seuil limite de dioxyde d’azote ». Il condamne la France pour « manquement aux obligations issues de la directive qualité de l’air de 2008 » et pour n’avoir pas pris de mesures contre le dépassement des normes fixées dans les textes. Il somme donc l’Etat de prendre des mesures : si ces mesures devaient ne pas être prises (aucun délai n’a néanmoins été fixé), la France (comme l’ensemble des pays visés : Italie, Roumanie, Hongrie, France, Grande Bretagne et Allemagne) s’expose à être à nouveau traduite devant la Cour sur une nouvelle plainte de la Commission. Saisie dans ces conditions, la Cour pourrait, cette fois, condamner l’Etat français à de lourdes amendes.

SOS d’une Ministre et d’une Sénatrice. – L’arrêt de la Cour de Luxembourg a été pris malgré un plaidoyer d’Elizabeth Borne, Ministre de la Transition Ecologique et Sanitaire, qui avait fait valoir les efforts déployés par la France à travers la loi d’orientation sur les mobilités qui prévoit la création dans les agglomérations de « zones à faibles émissions – ZFE », la mise en place de primes pour faciliter la conversion et le remplacement des vieilles voitures à gaz polluants, la mise en place de « plans vélos »… Elle a également cru devoir rappeler que les émissions polluantes ont été réduites de 54% entre 2010 et 2018. Elle s’est, sans doute, gardée (et pour cause) d’attirer l’attention sur le rapport de la Commission de l’Aménagement du Territoire, présidée au Sénat par Nelly Toqueville (élue PS), qui insistait sur le fait que face à l’engagement des services de l’Etat, les efforts majeurs dans la lutte contre la pollution de l’air étaient portés par les collectivités locales !

Et la sénatrice de citer le cas de Strasbourg. Elle souligne que, dès 2014, a été approuvé en place un plan de protection de l’atmosphère, où a été créé une zone à circulation restreinte pour le transport de marchandises, où ont été développés des réseaux de pistes cyclables, où sont activés des systèmes de voitures en auto-partage, des bornes de recharge électrique, où est prévue l’électrification des bateaux de Batorama (pour les visites de la ville), où le recours au transport de marchandises par voie d’eau doit être formalisé, etc.

Quand les Strasbourgeois prennent leur vélo. – Une récente étude de « l’Agence de Développement et d’Urbanisme de l’Agglomération Strasbourgeoise – ADEUS » apporte de l’eau au moulin de ceux qui trouvent dans les statistiques sur la mobilité des raisons d’espérer que la lutte contre la pollution trouve une certaine résonance dans le comportement des usagers de l’espace public. L’enquête menée auprès d’un large échantillon de Bas-Rhinois et de Strasbourgeois souligne notamment que si un peu plus de 28% des ménages de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS) n’avaient pas de voiture (18% dans le Bas-Rhin), et si 48,5% (contre 44,7%) avaient une voiture, ils étaient 23,3 contre 37,2% dans le département du Bas-Rhin à avoir deux voitures. La part des transports en bus ou en tramway est passée dans l’EMS de 8% en 1997 à 14% en 2019, l’utilisation du vélo dans l’agglomération strasbourgeoise de 5,9% en 1997 à 10,9% et la… marche à pied, de 31% à 36,3% ! Et l’ADUS de constater que « les déplacements de proximité [note de la rédaction : jusqu'à 5 kilomètres] bénéficient d’une baisse de l’usage de la voiture au profit de la marche, du vélo, des transports collectifs. En 1997, ils étaient 53% à privilégier les déplacements en voiture, ils étaient 37% en 2019 !…

L’évolution est certes lente, mais elle se concrétise au point que les « Verts » qui avaient recueilli 20,59% des voix lors des élections européennes à Strasbourg, se mettent à penser de présenter leur liste lors des élections municipales des 15 et 22 Mars 2020. Mais comme aurait pu le dire Rudyard Kipling : « Ceci est une autre histoire ! » En attendant, autre version : la Cour de Justice de l’Union Européenne sera-t-elle à nouveau saisie par la nouvelle Commission et décidera-t-elle, alors, des sanctions à appliquer aux Etats condamnés ? Rien n’est moins sûr, mais les paris sont, d’ores et déjà, ouverts !

1 Kommentar zu Pollution : la Cour de Justice Européenne condamne la France !

  1. La pollution de l’air est un phénomène très complexe. Les sources de pollution de l’air sont les foyers de combustion (chaudières individuelles, collectives, industrielles, usines d’incinération des déchets, centrales thermiques …), les process industriels (chimiques, sidérurgiques…) et les transports (terrestres, maritimes et aériens) : plusieurs types de mesures de prévention sont donc à mettre en oeuvre.
    La pollution de l’air entraîne des atteintes respiratoires et cardio-vasculaires ainsi que des risques d’effets cancérigènes : La pollution de l’air devrait donc être une des premières préoccupations en termes de santé publique et d’environnement : http://www.officiel-prevention.com/environnement-pollution/pollution-de-l_air/detail_dossier_CHSCT.php?rub=40&ssrub=145&dossid=101

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste