Pologne : atmosphère, atmosphère !

Beaucoup de Polonais sont écoeurés par ce qui se passe dans leur pays.

Jacek Kuron, le grand syndicaliste démocrate, accompagné d'un enfant, en 1991 : l'espoir Foto: Stiopa / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(MC) – Leurs sentiments et leurs réactions s’opposent diamétralement à ce qu’on peut entendre à Varsovie et dans les recoins du pays. Le gouvernement PiS a réussi à fracturer le pays ; ce sera sans doute son plus grave méfait.

La Pologne a bénéficié de la manne somptueuse provenant du ciel de l’UE, et les Polonais sont parfaitement conscients de ce que la montée du pays dans une sphère de prospérité relative est à mettre à l’actif de la CE. Empêchement relatif pour réaliser les aspirations particulières de la population, l’UE a été cependant un puissant aliment de l’accession polonaise à la modernité. Mais malheureusement, cela n’a suffi que partiellement à faire de la Pologne un pays structurellement solide du point de vue économique. Le handicap est immense : pays pauvre avant 1945, martyrisée par les nazis, elle a subi ensuite les affres de l’utopie stalinienne.

Il y a 10 ans, quand la Plateforme civique exerçait le pouvoir,Varsovie (et Cracovie) ressemblaient toujours davantage à Paris : les étudiants, les bars branchés ou qui croyaient l’être, le shopping…  Varsovie était devenue une capitale européenne à part entière.

Pourquoi, en 2015, les Polonais ont-ils élu cette bande de ringards, cette version faisandée de la polonitude ? De quoi ont-ils peur et que haïssent-ils ? Sans doute y a-t-il au fondemen de ce vote l’humiliation de voir que la prospérité n’est pas ce qu’on croyait qu’elle devait être. Les mesquineries du quotidien, qui ne ressemblent pas à ces séries auxquelles on peut s’hypnotiser à la télé. La crainte de l’étranger dans ce pays à l’identité durement faillée et menacée (mais 0,55 % seulement de la population est composée d’étrangers !).

Le PiS a réussi à empester l’air, à faire chlinguer l’atmosphère. « Pour ou contre le PiS ? » : ce motif devient l’obsession de toutes les rencontres publiques. Cela d’autant plus qu’une bonne partie de l’élite intellectuelle se trouve à l’étranger : pourquoi gagner moins quand on peut gagner plus ?

Pour l’essentiel : où est passé le goût de la liberté des Polonais, celui qui les a fait monter à la barricade, sur les chantiers navals, à Gdansk, avec Lech Wałęsa et Anna Walentynowicz, l’écho étonnamment proche de Mickiewicz dans le militance syndicale et dans les oreilles ? Tout cela pour en arriver là ? Comment le PiS et consort ont-ils donc fait pour hypnotiser cette vaste population de 40 millions d’ « âmes » ?

Mais l’ennemi est plus sournois qu’à l’époque communiste ; il est plus difficile à cerner. L’Etat de droit ? La réforme de la justice ? Les menaces sur la Constitution et sur les principes édictés dans le Traité de l’ Union Européenne ? Qu’est-ce ? Beaucoup de Polonais ne comprennent pas l’immense gravité de la privation de liberté qui s’annonce ; cela leur semble abstrait. Objectivement, oui, en comparaison avec ce que le clergé catholique leur susurrait ou leur claironnait sur les méfaits du communisme… A l’époque, dans les années 1970-1980, on obéissait aux consignes ; aujourd’ hui, de consignes, il n’y en a plus vraiment.

Les Polonais ont peur des migrants ; mais ils oublient que leur pays est un très grand pays de migration. Des Polonais, il y en a partout ; c ‘est même une des causes indirectes du Brexit (pas d’estrangers dans notre belle Angleterre!). Les Polonais sont des migrants qui n’ont pas envie d’accueillir des migrants sur leur sol.

Il y a pourtant des millions de citoyens, la moitié de la population, qui sont atterrés par ce qui se passe dans leur pays qu’on ne peut pas ne pas aimer profondément. Et il y a cet espoir que représente le futur candidat Robert Biedroń : un libéral de gauche, gay, d’un infatigable dévouement pour ses administrés de Słupsk, dans le nord est du pays. Avec 20 millions de Polonais la moitié de la population, il faut continuer à espérer.

A espérer que la meilleure partie de la Pologne et des Polonais se réveillera. « La Pologne n’est pas perdue aussi longtemps que nous vivons », dit la première ligne de l’hymne polonais.

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